18 ANS DU DPE : « UN DIAGNOSTIC QUI A DONNÉ UNE NOUVELLE DIMENSION À LA PROFESSION », SELON O. HÉAULME Interview

Ce 1er novembre 2024, le DPE fête ses 18 ans. Pour marquer cette date symbolique, Olivier Héaulme, directeur général de Diagamter et d’Aléa Contrôles, revient sur les étapes importantes de l’histoire de ce diagnostic aujourd’hui sous le feu des projecteurs. En tant qu’animateur, au nom du GPFDI*, du groupe de travail chargé d’élaborer la future norme DPE, il évoque aussi les objectifs de cette normalisation.
Quel regard portez-vous sur ces 18 années d’existence du DPE ?
Quand le DPE est arrivé en 2006, ce n’était pas un diagnostic important aux yeux du grand public. En revanche, ce fut un bouleversement pour la profession car, pour la première fois, les diagnostiqueurs ont été obligés d’utiliser un outil informatique, en l’occurrence un fichier Excel fourni par le ministère de l’Écologie que les éditeurs de logiciel se sont ensuite appropriés. Il faut aussi se projeter en 2006 : il n’existait encore que le mesurage Carrez et les repérages plomb, amiante et termites, des diagnostics essentiellement réalisés d’après des relevés visuels. Il a fallu former toute la profession à l’utilisation d’un logiciel et les tablettes ont commencé à faire leur apparition, se substituant progressivement au papier. Cet usage de l’informatique a marqué un tournant pour la profession qui a aussi dû intégrer une approche plus scientifique. Il a fallu acquérir des connaissances plus profondes sur les techniques de construction, les équipements comme la ventilation, le chauffage, etc. Avec le DPE, le diagnostic immobilier a changé de dimension.
Avant d’atteindre ses 18 ans, le DPE a connu des étapes importantes, notamment la réforme de 2021 à l’occasion de ses 15 ans. On peut parler d’une crise d’adolescence avec l’arrivée de l’opposabilité et la révision complète du moteur de calcul. Il a alors fallu tout remettre en ordre sur le plan méthodologique. Avec cette réforme, le DPE s’est imposé comme l’outil principal de la politique de rénovation énergétique de la France, mais aussi comme la préoccupation première des acheteurs. Il est d’ailleurs tout à fait remarquable et inédit qu’un Premier ministre évoque le DPE dans son discours de politique générale à l’Assemblée nationale.
Trois ans après, nous sommes sur le chemin de la stabilisation du moteur de calcul et cette « majorité » du DPE s’accompagne d’un renforcement considérable de la formation et de la certification. L’introduction du tutorat est une grande nouveauté dans notre profession. Ce n’est pas un hasard si tout cela arrive maintenant. Nous sommes désormais dans un système global plus performant où le moteur de calcul est fiabilisé, où les professionnels ont acquis de l’expérience, où la formation a été renforcée pour mettre notamment en avant les aspects pratiques, et où les éditeurs de logiciel ont aussi évolué.
Était-il nécessaire d’attendre 18 ans avant de lancer une norme sur le DPE ?
Ce n’est pas anecdotique si le sujet d’une norme pour le DPE arrive maintenant. C’est en quelque sorte l’aboutissement de son histoire. Pour les autres diagnostics, la norme est arrivée très rapidement après leur lancement, mais nous étions alors partis d’une feuille blanche avec peu d’expérience.
Pour le DPE, c’est finalement peut-être une bonne chose d’avoir attendu car nous disposons d’un vrai retour d’expérience. Le groupe que je vais avoir l’honneur d’animer va rassembler des personnes qui ont pratiqué et maitrisent le DPE de longue date. Cela va nous permettre de pouvoir sauter des étapes. Un travail préalable a déjà été fait avec le guide CEREMA dont la version sortie cet été a été conçue par la DHUP et le CSTB. Ce document va constituer une solide base de travail pour la norme. Le défi qui nous a été fixé par la DHUP est de sortir cette norme en un an et demi. C’est un objectif ambitieux mais, grâce à ces fondations, nous pouvons y parvenir.
Cet âge de la majorité correspond-il à l’âge de la maturité ?
Le lancement de la norme a été initié par la DHUP et accompagné favorablement par les fédérations. C’est un signe de maturité que la profession soit d’accord pour prendre à bras le corps ce sujet d’une méthodologie uniformisée. Sur le terrain, nous constatons des retours négatifs du fait d’une minorité. Mais il y a aussi des diagnostiqueurs qui peuvent être en difficulté parce que le métier est complexe et cette norme va les aider à renforcer la qualité de leur travail.
La norme DPE est très attendue par la profession, mais aussi par tout l’écosystème comme en témoigne le niveau de participation à la conférence de lancement, l’un des plus importants qu’ait connu l’Afnor. C’est la première fois que tous les métiers de l’environnement du DPE sont réunis dans un groupe de travail de normalisation, depuis les organismes de formation jusqu’aux clients finaux (maitres d’ouvrage, propriétaires) en passant par les éditeurs de logiciel et même les bureaux d’étude thermique. C’est aussi significatif de la maturité de cet écosystème.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ce travail de normalisation qui s’engage ?
Cette norme ne va pas être révolutionnaire puisque le DPE existe depuis 18 ans. La réglementation donne des algorithmes et des modèles de rapport, mais elle ne définit pas la méthodologie. Elle ne précise pas comment travailler et récolter les données : doit-on démonter les prises électriques pour observer l’isolation ? Jusqu’où va-t-on dans la collecte des informations ?, etc. Tout cela va être examiné pour définir des règles de l’art et guider les diagnostiqueurs. La norme va permettre d’homogénéiser les pratiques des diagnostiqueurs autour d’une méthodologie commune. Elle sera aussi très utile aux futurs diagnostiqueurs car les organismes de formation pourront s’en inspirer. L’AFIDEN fait d’ailleurs partie du groupe de travail et les formateurs pourront apporter leur savoir-faire en la matière.
L’intérêt d’une norme c’est que son contenu s’élabore par consensus, ce qui ne veut pas dire qu’il y a unanimité sur tout, mais seulement qu’aucune opposition, aucun point de blocage ne subsiste. Et, bien évidemment, elle vivra sa vie et évoluera dans le temps.
L’élaboration de la norme va-t-elle tenir compte de la transposition concomitante de la nouvelle Directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (DEPB) ?
La DEPB prévoit la mise en place d’un modèle européen de DPE avec des éléments imposés à tous les États membres. Globalement, ce modèle est proche du DPE français, mais la directive propose aussi des éléments optionnels au choix de chaque État. Ce travail va avancer en parallèle, et la DHUP, directement ou par l’intermédiaire du CSTB, veillera à la cohérence entre la norme et les évolutions du DPE engendrées par la mise en œuvre de la DEPB.
Quelles sera la portée réelle de la norme ? Sera-t-elle d’application volontaire ou obligatoire ?
La question n’est pas encore tranchée. A priori, la DHUP penche pour une application volontaire. Le DPE est le seul diagnostic couvert par les certifications qui ne dispose pas encore de sa norme. Nous allons donc combler un vide, ce qui parait essentiel pour notre métier qui tourne autour de la réglementation et des normes. Le diagnostiqueur sait parfaitement pratiquer les normes qu’il utilise dans tous les autres domaines.
Mais la question d’une application volontaire ou obligatoire est pour moi un faux débat, celui du coût de la norme. J’ai été expert judiciaire près la cour d’appel de Toulouse pendant 10 ans. Quand il y a un litige, que la norme soit d’application obligatoire ou non ne change rien. Si une norme existe et qu’elle est la seule, elle constitue les règles de l’art. Celui qui s’en écarte est susceptible d’être mis en cause. La norme ne sera pas optionnelle et elle se substituera au guide Cerema, voué à priori à disparaitre, mais avec plus de valeur.
Peut-on aussi imaginer, à l’avenir, une norme pour l’audit énergétique ?
La question a été posée dans les groupes de travail préparatoire. Qu’une norme Audit énergétique voit le jour n’est pas à exclure. C’est un sujet qui sera peut-être questionné lors des commissions de normalisation, comme ce fut le cas avec le diagnostic PEMD pour lequel un travail est engagé.
Mais, pour le moment, le DPE est la priorité afin d’être opérationnel le plus rapidement possible. Le lancement de cette norme est une bonne nouvelle pour la profession, pour ses clients et pour tout l’écosystème. En définissant une méthodologie commune, nous allons nous doter d’un outil qui permettra à chacun de travailler de manière uniforme et ainsi apporter, en partie, une réponse au DPE bashing de ces dernières années.
* Groupement des professionnels fédérés du diagnostic immobilier réunissant la CDI FNAIM, la FIDI et SIDIANE
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