EXPOSITION À L’AMIANTE : LES CANCERS DU LARYNX ET DES OVAIRES BIENTÔT RECONNUS EN MALADIE PROFESSIONNELLE ? Profession
Dans un rapport d’expertise, l’Anses conclut à une relation causale avérée entre le risque de survenue des cancers du larynx et des ovaires et l’exposition professionnelle à l’amiante. L’agence recommande la création de tableaux de maladie professionnelle dans les régimes agricole et général afin de faciliter la reconnaissance et la prise en charge de ces deux maladies.
La suspicion de l’existence d’un lien de causalité entre le risque de développement de cancers du larynx et des ovaires et l’exposition à l’amiante n’a rien de nouveau. En 2012 déjà, la monographie sur l’amiante indiquait que des preuves suffisantes étaient disponibles pour démontrer ce lien causal, tandis que les cancers du pharynx, de l’estomac et les cancers colorectaux sont considérés comme possiblement liés à une exposition à l’amiante, mais avec un niveau de preuves limité.
C’est pourquoi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a été saisie, fin 2018, par la Direction générale du travail, la Direction de la sécurité sociale et la Direction des affaires financières, sociales et logistiques pour la réalisation d’une expertise sur les cancers de l’ovaire et du larynx en lien avec l’exposition professionnelle à l’amiante en vue de la création d’un tableau de maladie professionnelle ou de l’élaboration de recommandations aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).
Des cas avérés depuis plus de 20 ans
En France, les cancers ovarien et laryngé associés à une exposition professionnelle à l’amiante ne figurent dans aucun tableau de maladie professionnelle (TMP), contrairement aux affections ou cancers bronchopulmonaires et mésothéliomes*. Dans son rapport d’expertise collective, l’Anses explique pourtant que « des cancers ovarien et laryngé associés à une exposition professionnelle à l’amiante ont cependant fait l’objet de demandes de reconnaissance en maladie professionnelle dans le cadre du système complémentaire ».
Selon les données de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), 11 cancers du larynx associés à une exposition professionnelle à l’amiante ont en effet été reconnus en maladie professionnelle en France entre 1994 et 2002. Plus récemment, entre 2010 et 2020, 130 demandes de reconnaissance en maladie professionnelle ont été examinées et 62 ont été acceptées. Les demandeurs sont majoritairement des hommes, ayant travaillé dans les secteurs de la mine, de la construction et de la métallurgie. Pour le cancer de l’ovaire, seulement 6 demandes de reconnaissance ont été examinées par la Cnam entre 2010 et 2020, mais 5 d’entre elles ont bien été acceptées. L’exposition professionnelle des femmes à l’amiante concerne en particulier la fabrication de textiles non inflammables. Certains secteurs les exposent aussi à l’amiante de façon indirecte, tels que celui de la santé, dans lequel elles sont surreprésentées. De son côté, le Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P) a identifié 194 cancers du larynx et 8 cancers de l’ovaire comme pathologies en relation avec le travail sur la période 2001-2019.
Vers une plus grande reconnaissance des malades
De fait, les relations causales entre les cancers de l’ovaire et du larynx et l’exposition à l’amiante sont classées « avérées » par le groupe de travail constitué d’experts aux compétences complémentaires (épidémiologie, médecine, expologie, ergonomie, droit et sociologie). En conséquence, l’Anses estime que « l’existence d’un lien causal avéré doit être considéré comme un argument fort en faveur de la création d’un tableau par l’État dans les deux régimes général et agricole. En effet, une relation causale avérée est une relation pour laquelle le niveau de preuves apporté par les différentes études scientifiques indépendantes et de bonne qualité est jugé suffisant ».
S’il décide de suivre ces recommandations, l’État devra consulter les commissions de maladies professionnelles, au sein desquelles siègent les partenaires sociaux, avant de décider in fine de créer, modifier ou supprimer un tableau ou d’établir des recommandations aux CRRMP. Pour l’Anses, « cette reconnaissance apparaît d’autant plus importante que les patients, comme les médecins, ne font souvent pas le lien entre la survenue de ces cancers et l’exposition à l’amiante ». Elle ouvrira aussi l’accès aux dispositifs d’indemnisation/compensation existant (indemnisation par le FIVA, allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante) aux personnes dont les cancers du larynx ou des ovaires auront été reconnus comme liée à une exposition professionnelle à l’amiante.
* Selon la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (Cnamts), 2 881 cancers liés à une exposition professionnelle à l’amiante ont été recensés en 2019 (tous secteurs confondus)
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