« FRAUDE AU DPE » : LES DIAGNOSTIQUEURS EXPRIMENT LEUR « DÉGOÛT » Profession

Publié le par Mathias LOVAGLIO

« Dégoût ! », le terme est revenu très souvent dans les commentaires laissés par les diagnostiqueurs à la suite de la parution de l’enquête du Parisien évoquant une « fraude massive au DPE ». Dégoût des pratiques illicites, de la stigmatisation de toute une profession, de voir que les renforcements, coûteux, n’auront probablement aucun effet sur les fraudeurs souvent « hors système ».

L’enquête du Parisien dévoilée la semaine dernière évoquant une « fraude massive au DPE » a fait réagir nos lecteurs. « C’est révoltant pour nous qui essayons de faire notre travail correctement » s’indigne l’un d’entre vous. Ce sentiment, très largement partagé, recouvre bien des sujets auxquels la profession peine à trouver des solutions.

Un dégoût des pratiques

Dans leurs commentaires, les diagnostiqueurs sont partagés entre l’indignation et la fatalité. Quelques-uns tombent des nues mais, pour une majorité, les pratiques révélées par Le Parisien ne surprennent pas et certains accueillent l’enquête avec résignation : « C’était inévitable… Devant la possibilité pour un propriétaire bailleur de se retrouver avec un bien impossible à louer et donc du coup à vendre aussi, il n’est pas étonnant qu’on arrive à de telles extrémités engendrées par les pouvoirs publics qui ne réfléchissent pas deux secondes aux conséquences de leur décision. Devant des montants de travaux à réaliser trop importants pour de petits bailleurs, la tentation est grande », explique un diagnostiqueur. « Je ne suis pas étonné », poursuit un autre, « certains agents immobiliers demandent ce genre d’arrangement afin de vendre les biens de leurs clients au meilleur prix. Certains propriétaires (minoritaires) cherchent également une note et non pas un vrai rapport ».

Face à ces pratiques, beaucoup de diagnostiqueurs expriment leur indignation : « Du dégout, du gâchis. Du sérieux et de l’application réduits en cendre par des opportunistes qui ne seront plus là dans 2 ans ». Certains félicitent également Le Parisien d’avoir révélé ces pratiques : « Enfin cette fraude est dévoilée par la presse. Il y aura, je l’espère, un renforcement des contrôles à ce sujet », « En tant que professionnel dans le domaine, je félicite Le Parisien de mettre au grand jour ces fraudes qui mettent à mal notre profession mettant en péril les sociétés sérieuses » …

Un dégoût d’une enquête à charge

« Il s’agit de faire du buzz sur le dos de la profession qui sera punie par un contrôle sur ouvrage supplémentaire sur l’autel de la vindicte populaire... ». Au-delà de l’existence de ces pratiques qui jettent le discrédit sur l’ensemble de la profession, l’effet grossissant de l’enquête du Parisien est très souvent critiqué. Si plusieurs diagnostiqueurs affirment avoir connaissance de pratiques similaires dans leur zone d’intervention, un certain nombre témoigne aussi de réalités disparates entre les zones urbaines en tension et des territoires moins denses et évoque un « écart absolument énorme entre des diagnostiqueurs de Paris et ceux de province. En province, tout se sait, tout le monde se connaît, un comportement pareil et vous sortez du circuit ».

Un dégoût de payer les pots cassés

Bien évidemment, de nombreux commentaires concernent les conséquences de cette nouvelle stigmatisation de la profession : « Et voilà, on va devoir payer +++ pour des contrôles à cause de tous ceux qui n’ont aucune conscience pro !!! Je suis dégouté !! », résume l’un d’entre vous. D’autant plus que, pour certains, les renforcements réglementaires risquent surtout de mettre à mal les diagnostiqueurs consciencieux : « À force de durcir les réglementations (les fraudeurs trouveront toujours une parade), ceux sont les « bons » diagnostiqueurs qui sont pénalisés et qui n’arriveront pas à réaliser leur travail sérieusement à cause des tarifs appliqués par les « mauvais ». Malheureusement si cela continue ainsi, dans quelques temps, il ne restera que les mauvais diagnostiqueurs mais qui sont très bons pour certaines agences immobilières qui ne cherchent que la rapidité et la complaisance pour vendre tranquillement leurs biens. Notre métier tellement intéressant à la base (ça fait quasiment 20 ans que je le pratique) est en pleine dérive à cause des durcissements des réglementations et de la venue de personnes mal intentionnées, mal formées, sans scrupules et irresponsables ». Pour plusieurs diagnostiqueurs, la coupe semble d’ailleurs si pleine qu’un arrêt d’activité leur parait la seule issue.

Un dégoût face à l’absence de solutions et de sanctions

« C’est la pure vérité qui sort au grand jour. Ce milieu est un système mafieux où si l’on veut du boulot, il faut se prostituer auprès des agents immo, et ceux-ci savent bien vous faire comprendre quand les résultats ne leur plaisent pas, et si on insiste, on n’a plus de prescription, c’est ça la réalité de notre métier. Et tout le monde le sait, c’est pour ça qu’il est comique de sonder ce qu’on pense du scoop. Ça fait 4 ans que je n’ai plus aucune prescription d’AI, et mon CA a été divisé par 3, en clair je suis en train de crever. Donc il est très bien qu’enfin, un journal en parle ! Je vais même leur écrire pour leur confirmer et témoigner si nécessaire. […] Je récupère encore des diags récents où le commanditaire est une agence ! Et vous laissez souvent sous-entendre dans vos discours la normalité d’être en lien avec les AI, alors que l’État a créé ce métier dans le but de rétablir des informations justes lors des transactions ». Ce point de vue tranché revient sur les questions récurrentes de l’indépendance et de l’impartialité des diagnostiqueurs parfois mises à mal par la réalité. 46% des diagnostiqueurs qui ont répondu à notre sondage affirment d’ailleurs avoir déjà été l’objet de tentatives de la part des propriétaires ou de prescripteurs pour faire modifier la classe énergétique de leur DPE. Que certains, peu scrupuleux, cèdent à la tentation moyennant arrangement n’est pas surprenant, à défaut d’être excusable. Quelques commentaires proposent donc des solutions, déjà évoquées, pour éviter d’éventuels conflits d’intérêts : mettre les diagnostics à la charge de l’acquéreur ou sortir les diagnostics du contexte des transactions/locations avec des diagnostics périodiques.

Pour finir, beaucoup de diagnostiqueurs souhaitent un renforcement des contrôles, pas uniquement sur la certification, mais, comme l’explique l’un d’entre vous exerçant en PACA/Occitanie, « la DGCCRF dont c’est le travail ne bouge pas, malgré les différents courriers que nous lui avons adressés démontrant, preuves à l’appui des actes frauduleux de certains diagnostiqueurs dans notre région ».

Le CAE révèle une baisse de la manipulation des DPE

Hasard de l’actualité, le Conseil d’analyse économique (CAE) vient de dévoiler plusieurs notes sur l’efficacité énergétique des logements. Un focus est consacré aux effets des réformes du DPE sur sa fiabilité. Il montre que « les soupçons de manipulation du DPE sont fondés : l’analyse économétrique fait apparaître des ruptures de la distribution des DPE au niveau des seuils entre deux catégories, que la méthodologie du DPE elle-même n’explique pas » (voir graphique ci-dessous).

Cependant, les auteures indiquent que « la réforme visant à fiabiliser les DPE a porté ses fruits. Avant les réformes de 2021, on estime que 3,9 % des DPE étaient manipulés et se trouvaient dans une catégorie plus favorable. En analysant les données avant et après les deux principales réformes (harmonisation et opposabilité du DPE, puis entrée en vigueur de l’interdiction de location des passoires énergétiques), on observe que la part des DPE soupçonnés d’être manipulés aux seuils diminue de plus de moitié, pour atteindre 1,7% ». Ces données ne tiennent malheureusement pas compte des DPE qui ne sont pas enregistrés à l’Ademe.

Distribution des étiquettes DPE - CAE - juin 2024

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Un commentaire

  • ETIC a écrit

    6500 € le coût de la certification DPE sur 7 ans
    + le coût des formations continues
    + le coût de l’absence de CA pendant tout le temps consacré!
    et à dupliquer sur les autres certifications …
    Tout çà avec des diags vendus au même tarif qu’en 2008 avec 4 fois plus de travail donc de temps au bas mot (quand on fait de la qualité bien entendu)
    Il est certains que les solutions mises en œuvre ne résoudront pas ce problème puisqu’ils se sont acharnés à décrier nos compétences (alors que c’était sur celles des nouveaux qu’il fallait se pencher) ET que le réel fond du problème est cette main mise des agents immo sur notre profession (ils sont formés à nous soumettre).
    Ce problème est le même que pour pleins d’autres, une politique libérale exacerbée au point de supprimer/diminuer/entraver les contrôles faits par l’état lui même, seul réellement habilité à contraindre les gens (on devrait être submergé de demande de RAAT par exemple).
    Bizarrement, je n’ai JAMAIS entendu ces fédérations qui soi-disant nous représentent dénoncer cette politique ou au moins l’expliquer au ministère. La réalité est que ces représentants ne se bâtent que pour leur seul intérêt: continuer d’exploiter des bleus jusqu’au retrait de leur certification, puis les remplacer quand ils les perdent. Sans oublier tous les profiteurs qui mangent sur notre dos (OF et OC).
    Avec de tels systèmes inutiles et inefficaces, il ne faut pas s’étonner des déchéances de la France, que beaucoup se refusent d’admettre.
    Comme quoi, il est important d’aller voter, et surtout de voter en son âme et conscience sans se faire manipuler par la clique médiatico-politique, car c’est bien là que tout se joue.

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