AMIANTE ET EAU POTABLE : L’ANSES VEUT PLUS DE CONTRÔLES SANITAIRES Technique

Publié le par Alain

Dans son rapport sur la Caractérisation du danger lié à l’ingestion d’amiante daté de juillet 2021, l’Anses* s’est livrée à un vaste état des lieux des recherches toxicologiques et épidémiologiques ainsi qu’à une analyse critique de la littérature scientifique existante. Si ce passage en revue ne permet pas de conclure « de façon formelle sur le lien entre l’ingestion d’amiante via la consommation d’eau contaminée et les cancers du tractus gastro-intestinal », le rapport formule cependant diverses recommandations dont une meilleure surveillance de l’eau potable.

 


Ce rapport fait suite à une saisie de l’Anses par la Direction générale de la santé (DGS). Il s’agissait notamment de réaliser une lecture critique de deux articles parus en 2016 et 2017** qui concluaient à une sous-estimation des risques de développement de cancers gastro-intestinaux par le biais d’ingestion de fibres d’amiante consécutive à la consommation quotidienne d’eau courante circulant dans les canalisations en amiante-ciment. Lprésence de ce type de canalisations dans les réseaux de distribution français et l’existence d’affleurements naturels contenant de l’amiante susceptibles de polluer l’eau potable ont conduit la DGS à se pencher sur le sujet. Le rapport s’intéresse également à l’existence d’un lien entre l’exposition professionnelle à l’amiante et l’apparition de cancers digestifs et à la circulation de l’amiante au sein du corps (cinétique de l’amiante).

 


Aucune certitude sur le lien de causalité, mais des signaux qui interrogent 

Si les données des études épidémiologiques publiées à ce jour sont insuffisantes pour établir un lien formel entre la consommation d’eau contaminée par l’amiante et un risque accru de cancer digestif, le rapport relève des « signaux […] suggérant la possibilité d’une association […] pour plusieurs organes : œsophage, estomac, côlon (colorectal) et pancréas ». De plus, des études démontrent la possibilité d’un passage des fibres d’amiante à travers la barrière intestinale après ingestion. 


Ces signaux relevés pour l’ingestion d’amiante sont par ailleurs appuyés par les données des études portant sur les travailleurs exposés à l’amiante, avec des niveaux de preuve faible à modéré selon le  groupe de travail. Surtout, deux mécanismes de migration des fibres d’amiante inhalées vers les organes digestifs sont suggérés sans possibilité d’en déterminer le chemin majoritaire : la remontée mucociliaire suivie de déglutition ou le transport depuis les poumons vers la circulation sanguine et lymphatique. Maiscertains auteurs estiment « que la quantité d’amiante ingérée annuellement suite à une exposition par inhalation pourrait être du même ordre de grandeur que celle ingérée annuellement via la consommation d’eau contaminée ». La possibilité d’un développement de cancers digestifs à la suite d’une exposition aux fibres d’amiante dans l’air ne peut donc pas être définitivement exclue.

 


Étudier, repérer et remplacer 


Si aucun lien formel entre amiante et cancers gastro-intestinaux n’est établi, les risques ne peuvent pas non plus être écartés. C’est pourquoi lrapport recommande la mise en place de plusieurs actions comme le lancement de nouvelles études épidémiologiques et l’approfondissement de la recherche sur les modes de migration des fibres d’amiante vers les organes digestifs. Mais le rapport insiste également sur la nécessité de renforcer la surveillance des fibres d’amiante dans l’eau.


 


Surveillance des fibres d’amiante dans l’eau potable 


S’il n’est pas possible, en l’état actuel des connaissances, d’établir une valeur guide fondée sur des critères sanitaires, le rapport préconise de mener des campagnes de mesures et de caractérisation des fibres d’amiante dans l’eau potable distribuée par des canalisations en amiante-ciment ou produite à partir d’eaux brutes non clarifiées susceptibles de contenir des fibres d’amiante d’origine naturelle ou anthropique. En termes de méthodologie, le protocole pourrait s’inspirer de celui utilisé pour la surveillance des fibres d’amiante dans l’air (stratégie d’échantillonnage, recours à la META, analyse des longueurs des fibres). 


Si l’Union européenne n’a formulé aucune vigilance relative à l’amiante dans la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, le rapport de l’Anses rejoint en revanche la recommandation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui préconise de réaliser des campagnes d’analyses pour mettre à jour les données disponibles.


 


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