AUDIT ÉNERGÉTIQUE : « ON EST DANS LA MÊME IMPRÉPARATION QU’AVEC LE NOUVEAU DPE » Technique

Publié le par Alain

Comme nous le suggérions dans notre article sur les résultats de notre sondage sur l’audit énergétique, une majorité de diagnostiqueurs envisagent de se positionner sur cette nouvelle prestation mais avec de nombreuses réserves. Petit tour d’horizon des commentaires les plus courants et les plus pertinents laissés en fin de sondage.

 

Pas compétents les diagnostiqueurs ?

 

Un nombre notable de diagnostiqueurs remettent en cause le principe même de leur légitimité à réaliser les audits énergétiques : « Les niveaux de compétences entre un diagnostiqueur immobilier et un thermicien de métier ne sont pas les mêmes. Même avec une formation complémentaire, le diagnostiqueur immobilier n’atteindra pas le niveau réel requis pour appréhender les subtilités des audits énergétiques ». « Chacun son métier ! Laissons les bureaux d’étude, formés à cela, réaliser ces audits ! », résument d’autres.

 

Des exigences et des formations à la hauteur ?

 

Moins radicaux, certains auraient préféré que la mention soit exigée, voire les qualifications OPQIBI ou Qualibat. Sans ces exigences, plusieurs promettent « de sérieuses déconvenues » dans la profession.

Plusieurs diagnostiqueurs émettent des doutes sur le contenu de la formation, non encore connu, et sa durée probablement restreinte (2/3 jours). « Il nous faudrait une formation largement supérieure à 3 jours et en présentiel » dit l’un, tandis qu’un autre envisage déjà de s’imposer une montée en compétences plus solide en suivant « un cursus de thermique du bâtiment au CNAM. Cela risque de prendre un peu de temps. Cette application arrive encore une fois avec précipitation et je crains pour l’impréparation de la filière ». Crainte relayée dans de nombreux commentaires avec, en filigrane, la question de la crédibilité de la profession : « Faire un audit énergétique est un métier et on ne devient pas thermicien en 3 jours. C’est donner le bâton pour se faire battre ».

Et avec ces conditions d’accès allégées, ressurgit également le spectre des prix cassés dans un contexte hyper concurrentiel : « L’idée est de faire des audits au moindre coût, en faisant porter le chapeau aux diagnostiqueurs, qui ne sont pas des thermiciens ! ». « Beaucoup vont se saborder en faisant un prix bas pour concurrencer les cabinets de thermiciens… Le tout est une absurdité et un bon moyen de se planter. Je préfère perdre des clients que de prendre le risque. »

Pour autant, certains s’impatientent et réclament aux OF la mise en place rapide des formations.

 

Une faille dans le dispositif ?

 

Plusieurs diagnostiqueurs s’interrogent sur le fait qu’un audit énergétique pourrait conduire à revoir la note attribuée par le DPE. Les investigations plus approfondies menées lors de cette mission pourraient révéler, par exemple, la présence d’isolation dans des combles non accessibles et ainsi sortir la maison des classes F et G. Quid alors de l’obligation et, surtout, quel discours tenir auprès du client qui pourra légitimement penser que le diagnostiqueur à chercher à lui vendre un audit énergétique finalement inutile ? « Comment allons- nous expliquer au client un tel écart entre le DPE et l’audit alors qu’il a été réalisé par le même opérateur ? »

 

La question déontologique

 

À partir de là, certains glissent très vite sur le terrain dangereux du conflit d’intérêt : « Le DPE pourrait être orienté afin de pouvoir proposer une seconde prestation plus onéreuse. ». La possibilité pour un même opérateur de réaliser à la fois le DPE et l’audit énergétique pose de sérieuses questions d’impartialité pour un grand nombre des sondés : « On nous a toujours rappelé que l’on ne peut être juge et partie, alors il va falloir nous expliquer comment un diagnostiqueur sortant une maison en F ou G peut en toute quiétude revenir le lendemain établir un audit sur cette même maison ». Si bien que beaucoup pensent que « l’audit énergétique devrait être effectué par une entité autre que celle ayant réalisé le DPE ».

 

Des niveaux de responsabilité qui inquiètent

 

Beaucoup de commentaires concernent les problèmes de responsabilité et d’assurances qui en découlent. Faudra-t-il souscrire une assurance pour les démontages/remontages, pour le chiffrage des travaux ? Les assureurs suivront-ils ? Ces questions préoccupent évidemment et poussent certains diagnostiqueurs à renoncer à s’exposer à de gros litiges.

 

Une confiance abîmée

 

Des craintes émergent aussi quant aux conditions de mise en œuvre de cet audit, craintes renforcées par la douloureuse expérience du nouveau DPE. Les logiciels seront-ils prêts (et fiables) à temps ? Beaucoup jugent impossible que tout soit opérationnel dès le 1er janvier 2022. Et l’impréparation de la filière (et des outils) risque encore une fois d’égratigner l’image de la profession : « Les diagnostiqueurs vont encore faire les choux gras des médias dans quelques temps avec les sinistres qui vont s’en suivre au vu des faibles exigences des prérequis. Ce type de non-exigences amène dans la profession un public qui n’est pas calibré pour cela et qui tire l’ensemble du métier vers le bas ! ».

 

Une note positive pour finir

 

La teneur plutôt négative qui ressort de ces commentaires est à relativiser quelque peu. Probablement qu’une plus grande proportion de diagnostiqueurs inquiets ou opposés se sont exprimés à cette occasion, même si leur expression traduit une tendance réelle. Quelques-uns voient cependant du positif dans l’audit énergétique : « le marché de l’immobilier est très fluctuant, dans notre région il n’y a pas de biens à vendre et donc une baisse sensible des missions. Il est important de pouvoir se diversifier afin de pérenniser nos entreprises. ». Un autre surenchérit : « Je pense que l’audit est une véritable opportunité pour notre profession, une montée en compétence supplémentaire et une reconnaissance. »

 

Autant de sujets qui seront évoqués lors de notre webinaire du 26 novembre (9h) réunissant les représentants des trois fédérations (inscription ci-dessous).

 

Mathias Lovaglio

 

L’avis d’Olivier Melcer (diagnostiqueur à Paris) : « C’est un marché de plus pour faire plus de business. »

Je ne vois que des réactions business, mais pas de réactions techniques. D’un côté, les fédérations se frottent les mains en ne voyant que le côté pécuniaire sans se poser le problème de la compétence professionnelle. De l’autre, les thermiciens qui ont dénigré la méthode 3CL veulent maintenant le monopole de cet audit.

Je regrette vraiment que la mention ne soit pas imposée. Le terme audit renvoie à une connotation technique et pointue et la plupart d’entre nous ne sommes pas des experts techniques. Il y a plein de gens très bons dans le métier, mais quand on voit certaines pratiques du marché, j’ai du mal à me dire que l’audit énergétique dont les chiffrages seront opposables sera plus sérieux que le DPE. C’est dangereux pour notre image.

On est dans la même improvisation qu’avec le nouveau DPE. Ils veulent avancer à marche forcée alors que personne n’est prêt, et derrière les notaires, les vendeurs et les acheteurs vont râler. Ils auraient dû suspendre et laisser 6 mois pour que les gens se forment.

 


WEBINAIRE | Actualité de l’audit énergétique et du nouveau DPE

 

Contenu de l’audit énergétique, potentialité de marché, qualification et compétence, réédition des DPE et indemnisation… : après les arbitrages du ministère de la Transition écologique, Diagactu proposait ce matin un tour d’horizon de l’actualité de l’audit et du DPE.

 

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