FUTUR DPE : LES DIAGNOSTIQUEURS RÉSISTERONT-ILS À LA PRESSION ? Technique

Publié le par Alain

La loi Énergie et Climat publiée le 9 novembre 2019 prévoit le triptyque information, obligation, sanction comme politique de lutte contre les passoires thermiques en s’appuyant sur le DPE comme référentiel d’évaluation de la performance énergétique des logements. Concrètement, un logement noté F ou G sur l’étiquette Énergie se verra stigmatiser et risque de coûter cher à son propriétaire, vendeur ou bailleur. On garde tous en mémoire l’exemple du dispositif du PTZ+ qui avait entrainé des dérives, certains diagnostiqueurs ayant subi des pressions pour améliorer la note du DPE. La profession est-elle désormais mieux préparée et armée pour ne pas réitérer les erreurs du passé ? Nous avons demandé l’avis de trois acteurs du diagnostic immobilier sur ce risque de dérive déontologique.


Une opportunité de valoriser la profession et ses prestations


Stéphane Prouzeau, président du réseau AGENDA et vice-président de la FIDI, se veut optimiste et voit même dans ces mesures d’éco-conditionnalité l’occasion de valoriser l’image de la profession sans pour autant nier l’effort demandé aux diagnostiqueurs.


« Cela ne m’étonne pas que les pouvoirs publics disent que le DPE est un véritable outil pour que la performance énergétique des bâtiments s’améliorent. Plutôt que de nous battre sur des détails, construisons notre avenir pour que l’on ait confiance dans le diagnostiqueur quand il fait son diagnostic. Oui on va subir des pressions, oui c’est compliqué à gérer. Mais s’il l’on veut arriver à mieux vendre le DPE, il faut qu’il serve encore plus. Cela va demander des investissements sur l’informatique et sur la formation, mais, fondamentalement, plus on utilise les prestations réalisées par les diagnostiqueurs, plus notre métier est reconnu, plus nous organisons nos entreprises et plus nous valorisons notre travail. On bâtit un métier par des objectifs réalistes et ambitieux ! »


Il fait aussi confiance à l’autorégulation de la profession pour éviter des dérives sur le long terme : « on a des assurances, on a un marché et, petit à petit, ceux qui ont trop de litiges disparaissent de la profession. J’ai confiance en notre profession, mais je sais qu’il va falloir qu’elle soit très vigilante. Je ne suis ni inconscient, ni inquiet ! »


Un travail pédagogique à mener auprès des prescripteurs


Jean-Marc Verney, président d’IRILUS Formation, émet cependant quelques réserves. « On peut retomber dans le même travers [qu’à l’époque du dispositif du PTZ+]. Oui cela peut mettre une pression par certains donneurs d’ordre qui ne sont pas les meilleurs, auprès de certains diagnostiqueurs qui ne sont pas les meilleurs. On trouvera toujours dans la population des diagnostiqueurs immobiliers, comme dans toute profession, une partie qui n’aura aucun scrupule à remonter l’étiquette pour séduire l’agent immobilier. Mais la problématique n’est pas liée à cette réglementation, ni au diagnostiqueur immobilier, mais à la mauvaise formation et à la mauvaise interprétation qu’ont certains donneurs d’ordre de ce type de document ».


Pour mettre les diagnostiqueurs à l’abri des tentatives de pression, il faut dès maintenant préparer le terrain en prévenant les prescripteurs afin qu’ils fassent eux-mêmes un travail auprès de leurs clients, bailleurs et vendeurs.


« Une grande pédagogie doit être mise en place par les acteurs du diagnostic immobilier comme les fédérations, dont c’est le rôle, ou même les associations de défense des consommateurs (60 millions de consommateurs, etc.). Le diagnostiqueur devra aussi faire œuvre de pédagogie auprès de son donneur d’ordre s’il ne veut pas subir cette pression. »


L’opposabilité pourrait aussi jouer le rôle de garde-fou : « La majorité des diagnostiqueurs ne vont pas engager leur responsabilité avec l’opposabilité sur des documents qui vont être tronqués pour faire plaisir à un agent immobilier ».


Une fiabilisation à améliorer pour se protéger des dérives


Pour Pascal Clerc, diagnostiqueur et thermicien à Aix-les-Bains qui participe aux travaux préparatoires sur la fiabilisation du DPE, il reste encore des efforts à faire. Plus que les mesures d’éco-conditionnalité, ce sont bien les conditions de réalisation de la mission des diagnostiqueurs immobiliers qu’il faut consolider.


Certains diagnostiqueurs ont tellement peur des conséquences de leur DPE qu’ils « voudraient carrément supprimer les mesures d’épaisseur d’isolant parce qu’ils craignent d’être trop souvent mis en cause. Cela n’aurait plus de sens. L’un des leviers les plus importants pour fiabiliser ce DPE est la gestion des inconnues. C’est une couverture dans certains cas, mais il faut les limiter. Il faudrait imposer un pourcentage à chaque diagnostiqueur de DPE avec inconnue et d’inconnues par DPE. » Il se dit en effet que certaines entreprises, de toutes tailles, ont pour politique de privilégier les inconnues, quitte à le faire au détriment de leurs clients qui verraient alors leur note dégradée.


En cela, les mesures de la loi Énergie et Climat visant à renforcer les contrôles sur les DPE semblent montrer la voie. Et plus que jamais, la réussite de la réforme de fiabilisation apparait comme le meilleur des remparts pour les diagnostiqueurs immobiliers.

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