GUILLAUME EXBRAYAT : « L’ESPRIT DE LA LOI, C’EST DE FAIRE INTERVENIR DES OPÉRATEURS COMPÉTENTS » Technique

Publié le par Alain

Guillaume Exbrayat, président du réseau Diagamter et administrateur de la CDI FNAIM, revient sur la chaude actualité juridique de l’été et sur la polémique au sujet des pratiques dites des « préleveurs SS4 ». 

 

Guillaume Exbrayat, quel est votre sentiment sur l’instabilité actuelle de l’environnement juridique de notre profession ?


Cette instabilité juridique est préjudiciable à toutes les entreprises quelles que soient leur taille. Comme d’autres, nous avons beaucoup investi dans la compétence, dans la certification, la formation, et nous déplorons que tout cela soit remis en cause pour une période indéterminée. Certains de nos franchisés doivent renouveler leur certification et ils se trouvent actuellement bloqués.


Je souhaite vraiment le développement d’un cadre dans la profession dans lequel les débats puissent avoir lieu. J’appelle d’ailleurs ceux qui ne sont pas dans des fédérations à les rejoindre. En intégrant le réseau Diagamter à la CDI FNAIM en 2017, nous voulions justement participer à ces débats au sein d’une fédération agissante et qui nous permet d’être informés suffisamment tôt pour nous préparer aux évolutions de réglementation. Il faut se battre tous ensemble avant, au moment où l’on peut peser sur le contenu des textes, mais quand ils sont publiés il faut alors les accepter et les appliquer. Si nous n’avons pas tous ensemble gagné avant, personne ne gagnera après.

 

Comment Diagamter a anticipé l’entrée en vigueur de l’arrêté RAT du 16 juillet 2019 ?


Nous avions formé nos franchisés à l’évaluation du volume des déchets et réalisé un logiciel pour ce faire, nous étions donc opérationnels dès la publication de l’arrêté. Au sein de notre réseau, 100% des cabinets qui pratiquent l’amiante avant-travaux sont certifiés amiante avec mention. Nous allons même au-delà de ce que nous impose la réglementation puisque nos franchisés qui souhaitent exercer sur ces marchés sont tenus de suivre des formations de perfectionnement et une veille juridique particulière. Nous leur délivrons ensuite une autorisation d’exercer. Outre la nécessité de respecter au mieux la règlementation, l’origine de notre démarche c’est la peur de la sinistralité. Lorsque le repérage de l’amiante avant-travaux s’est mis en place, nous avons eu à déplorer un sinistre significatif qui a beaucoup marqué les esprits au sein de notre réseau. Nous avons beaucoup appris de cette expérience qui nous a convaincu qu’il nous fallait aller au-delà de ce que nous impose la réglementation et ne pas en faire une lecture minimaliste.

 

DiagActu a publié ce lundi un article sur la pratique dite des « préleveurs SS4 » qui fait beaucoup débat dans la profession. Quelle est votre position sur ce sujet resté longtemps tabou ?


Nous n’avions même pas imaginé qu’il était envisageable de faire intervenir des techniciens non certifiés pour faire des prélèvements car, selon nous, quand l’opérateur fait sa découverte pour identifier les ZPSO, il doit avoir une véritable lecture de la problématique amiante, ce qui requiert de la compétence. Je crois que c’est ainsi que travaille la majorité des entreprises mais j’entends dire qu’il existe des pratiques différentes notamment dans certains grands bureaux de contrôle. Ces structures doivent comprendre que l’esprit de la loi, c’est de faire intervenir des techniciens qui détiennent de la compétence. Maintenant, si elles considèrent que cette pratique reste dans la légalité, ils ont sans doute raison de le faire, c’est du ressort de leur stratégie d’entreprise. Mais nous ne la cautionnons pas. Nous, nous considérons que c’est un mauvais débat que de chercher à produire toujours moins cher pour continuer à vendre moins cher.


Pour faire ce métier d’opérateur, qui est un métier noble accessible à un niveau bac+2, il faut être formé et compétent. Nous sommes très favorables à un haut niveau d’exigence de formation initiale et d’expérience qui rend possible de véritables évolutions de carrière au sein de nos entreprises. Un technicien peut par exemple commencer par des états des lieux et évoluer progressivement vers des tâches plus techniques. Malheureusement, la directive européenne sur les services nous contraint à alléger ces prérequis car la commission européenne, très attachée à la libre concurrence, pourrait considérer cette double exigence formation et expérience comme une manœuvre déraisonnable destinée à protéger nos marchés et à les réserver aux opérateurs français. Donc nos prérequis doivent être revus dans nos textes sous peine d’être annulés. Or ce n’est l’intérêt de personne que des opérateurs étrangers viennent sur le marché du diagnostic en France.

 

Votre réseau souffre-t-il de ces situations de concurrence déloyale ? 


Non car nous sommes peu exposés au marché de l’amiante puisque nous réalisons 70% de notre chiffre d’affaires sur la vente, 20% sur la location et 10% sur l’amiante. Mais je considère que le marché de l’amiante et un marché solvable. Battons-nous tous ensemble sur la qualité de service, sur la réactivité, sur la fiabilité, mais pas sur les coûts de production et surtout pas en optimisant les textes. Certes, il n’est pas interdit à certains acteurs de faire le choix de pratiquer des prix agressifs par des choix capitalistiques, par exemple en intégrant son laboratoire d’analyses. Il s’agit là d’avantages concurrentiels parfaitement légitimes. Mais là-aussi, ce n’est pas notre lecture. D’ailleurs nous avons notamment pris nos distances avec les laboratoires d’analyses offshore car nous considérons qu’il faut défendre l’emploi français.


Ces situations sont supportables si elles ne sont pas durables. Si les textes restent en l’état, certains acteurs gagnent alors des marchés à tour de bras à des prix très bas. Au niveau des fédérations, nous tentons de boucher les brèches et faisons en sorte que tout le monde ait la même lecture des textes et les mêmes pratiques. La CDI FNAIM y travaille notamment via des discussions avec la DGT. Mais prenons le temps de bien faire. Il faudra auparavant veiller à rétablir l’esprit de la certification avec mention pour le repérage amiante avant travaux et remettre la certification mention sur les rails. À publier trop vite on s’expose à des recours, on le voit bien.

 

Justement, ces recours de divers acteurs de notre marché prétendant défendre l’intérêt de leur profession sont-ils fondés selon vous ?


Tout le monde doit comprendre qu’attaquer les textes pour optimiser les coûts de production ne peut être la solution. Acheter les normes, cela correspond à une dépense d’environ 1000 euros tous les trois ans. Ne pas vouloir investir l’équivalent du prix de trois diagnostics pour acquérir des normes qui fixent les règles de l’art de son métier, ce n’est pas raisonnable. Cela ne peut être qu’une posture et non une problématique économique. D’autant que l’AFNOR est confrontée une situation juridique parfaitement explicable en matière de droits de propriétés intellectuels car le copyright européen ne leur permet pas de diffuser librement leurs textes. La doctrine qu’il faut s’imposer à tous c’est l’intérêt de la profession sur le long terme. C’est la condition pour que le diagnostic immobilier soit respecté par le marché aujourd’hui et demain.

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