LA DGT AU CŒUR DE L’IMBROGLIO DE LA CERTIFICATION DES OPÉRATEURS AMIANTE Technique

Publié le par Alain

Comme nous l’avons évoqué dans un précédent article, des organismes de certification sont contraints de suspendre les certifications de certains opérateurs de repérage amiante dans l’incapacité de remplir leurs obligations de surveillance. Si le futur arrêté compétences devrait résoudre ce problème, il n’en demeure pas moins que, sur le terrain, certains opérateurs sont dans l’impasse.

 

Thierry Ornaque, dirigeant de GEOCAPA depuis 25 ans dans le repérage amiante, est dans cette situation. Depuis plusieurs années, il alerte pourtant son organisme de certification sur ce problème qu’il avait anticipé. D’où sa colère, lorsque son OC l’a informé de la suspension de ses certifications. Une situation ubuesque et dramatique pour cet opérateur dont l’activité repose essentiellement sur les missions d’avant travaux.

 

Certifié amiante depuis les premières certifications en 2004 sans jamais avoir rencontré de souci, les choses se sont compliquées après la parution du décret avant travaux du 9 mai 2017 et des arrêtés compétences qui ont suivi. « Toute la réglementation est calquée sur celle des immeubles bâtis sauf que les textes qui encadrent la certification amiante, avec ou sans mention, n’ont pas été adaptés en conséquence et ne prennent donc pas en compte les autres domaines ». Certifié en 2017 pour 5 ans, sur la base de l’arrêté compétences de 2016, il n’a pas rencontré de problème lors de l’audit initial car il effectuait encore des repérages sur bâtiments. Depuis, il s’est positionné exclusivement sur le domaine de l’avant travaux hors bâtiment (enrobés, équipements industriels, réseaux enterrés, etc.). « J’ai tout de suite informé mon organisme certificateur pour le prévenir que je ne serai pas en mesure de lui fournir les rapports de la surveillance documentaire, et lorsqu’au mois de juin 2021 est arrivée ma deuxième campagne d’audit, j’ai transmis les rapports qui concernent mes domaines d’activité. Mon OC les a refusés ». Après plusieurs relances, le couperet est tombé en début de semaine lorsque son OC l’a informé par mail que ses certifications étaient suspendues pour non-respect de ses obligations réglementaires. Le délai supplémentaire qui lui est accordé pour transmettre ses rapports ne change rien et la menace est maintenant réelle que ses certifications lui soient définitivement retirées.

 

« J’ai joué la transparence avec mon organisme certificateur. Je les ai sollicités afin de comprendre pourquoi ils acceptent les rapports avant travaux concernant des immeubles bâtis mais refusent ceux des autres domaines. Ils ne veulent pas prendre de risque vis-à-vis du Cofrac et se réfugient derrière les textes qui ne leur permettent pas de trouver une solution. »

 

« Je trouve illégitime de devoir perdre mes certifications parce que la DGT n’a pas fait son travail »

 

Si Thierry Ornaque n’en veut pas à son OC d’appliquer les textes au pied de la lettre, ses reproches visent surtout la DGT qu’il juge responsable de cette situation. « Je trouve illégitime de devoir perdre mes certifications parce que la DGT n’a pas fait son travail. Je les ai contactés afin de trouver une solution mais on m’a répondu que le problème serait bientôt réglé avec le futur arrêté compétences qui doit entrer en vigueur d’ici le 1er janvier prochain. ». Une réponse qui ne l’a évidemment pas convaincu : « Je travaille avec des marchés publics dans lesquels on impose la certification avec mention, qu’est-ce que je fais maintenant ? De plus, si je perds mes certifications, il faut que je le justifie auprès de mes clients ! »

 

Un discours d’autant plus difficile à admettre quand, comme Thierry Ornaque, on remplit toutes les cases de la montée en compétences et de la certification avec mention prônées par la DGT. Un double discours donc car dans la réalité rien n’a été fait pour que les opérateurs de repérage puissent se mettre en conformité avec les textes. « Je suis droit dans mes bottes, mes certifications je les ai obtenues et j’entends pouvoir faire respecter leur maintien ». Pour autant, il reconnait, non sans amertume, qu’il va devoir faire preuve de pragmatisme : « Ce qui me désole le plus c’est que la meilleure solution pour sortir de cette impasse la tête haute serait d’abandonner de moi-même mes certifications et de refaire un cycle de formation tout comme un débutant alors qu’elles sont en théorie valables jusqu’en juin prochain et que je ne devrais avoir qu’un recyclage à faire ! Mais je ne veux pas que soit marqué dans mon dossier qu’on m’a retiré mes certifications ce qui donnerait une mauvaise image auprès des donneurs d’ordre. »

 

« Personne ne s’est véritablement saisi du problème, y compris les fédérations, ni n’a demandé de compte à la DGT »

 

Si la DGT est dans son viseur, il constate aussi qu’il n’a pas trouvé beaucoup de soutien auprès des fédérations et des grandes franchises ou réseaux. « Comme le nouvel arrêté est dans les tuyaux, tout le monde joue la montre. Pourtant, je ne suis pas seul, tous les opérateurs spécialisés sur les autres domaines sont concernés et je suis surpris que personne ne réagisse. D’autres OC font évidemment preuve de plus de souplesse pour permettre une prise en compte des cas particuliers mais dans le fond personne ne s’est véritablement saisi du problème, y compris les fédérations, ni n’a demandé de compte à la DGT ». De quoi aussi se poser des questions sur d’éventuelles pratiques ou traitements de faveur : « Certains transmettraient-ils des rapports bidon ou bien auraient des arrangements avec leur OC ? »

 

Quant à la résolution définitive de ce flou réglementaire avec la parution du futur arrêté compétences, Thierry Ornaque anticipe d’autres problèmes à venir :« Au 1er janvier 2022, les organismes de certification vont devoir accepter les rapports de repérage des autres domaines. Sauf qu’en interne, ils n’ont pas forcément les compétences pour auditer et faire les contrôles sur ouvrage. Du côté des organismes de formation, c’est la même chose, d’autant plus que les arrêtés ne sont pas tous connus. Ils ne peuvent donc pas monter les programmes. C’est très bien que la DGT ait la volonté de faire monter en compétence, mais comme elle ne s’est pas fixée de calendrier et qu’elle ne tient pas compte des réalités, elle impose des contraintes aux donneurs d’ordre, aux opérateurs de repérage, aux OC et aux OF sans se préoccuper de leur mise en œuvre, plaçant ainsi tout le monde dans la difficulté ».

 

L’art et la manière de résoudre un problème tout en en créant de nouveaux…

 

Mathias Lovaglio

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