LES PROPRIÉTAIRES SE DÉBARRASSENT-ILS VRAIMENT DE LEURS PASSOIRES ÉNERGÉTIQUES ? Technique

Publié le par Alain

Depuis quelques mois, on peut lire ou entendre un peu partout que les mises en vente de passoires énergétiques explosent car leurs propriétaires souhaitent s’en débarrasser au plus vite. Une analyse qui demande cependant à être quelque peu modérée.

Les chiffres présentés dans la presse

Dès le 19 novembre 2021, le Figaro immobilier publiait un article intitulé Ces propriétaires qui vendent leur passoire thermique plutôt que de la rénover dans lequel on pouvait lire : « Les mises en vente de passoires thermiques s’envolent depuis un an dans les grandes métropoles mais aussi les villes moyennes ». +74% à Rennes, +72% à Paris ou encore +70% à Nantes. Plusieurs médias s’étaient alors fait l’écho de ces chiffres alarmants.

Mais cette analyse a très vite été relativisée par Capital qui, dans un article du 22 novembre 2021, expliquait : « Ainsi, à l’échelle nationale, le nombre de logements mis en vente avec les étiquettes les moins vertueuses énergétiquement a grimpé de 4%, contre +5% pour les logements classés avec une étiquette A, B, C ou D… Certes, les propriétaires sont donc – peut-être – un peu plus incités qu’avant à lâcher leur passoire thermique. Mais si l’on compare le phénomène aux autres logements plus vertueux énergétiquement, l’heure n’est pas encore, à l’échelle nationale, à une grande braderie sur les logements énergivores. »

Début 2022, Jean-Marc Torrollion, président de la Fnaim, faisait part d’une « nette augmentation » des mises en vente de logements énergivores (Le Moniteur immo, 12 janvier 2022). Selon la Fnaim, « la part des annonces immobilières avec un DPE F ou G est passée de 6,9 % au premier semestre 2021 à 10,5 % au deuxième semestre 2021 ». De son côté, Meilleurs Agents et Se Loger publient une étude qui indique que, sur l’année 2021, le nombre de mises en vente de logements classés F et G a augmenté de 7,7% tandis que le nombre de mises en vente de logements appartenant aux autres classes énergétiques a baissé de 4,1%.

Des chiffres à confronter avec le terrain

Ce qui frappe dans ces différents articles, c’est qu’aucun ne tient compte de l’augmentation du nombre de passoires énergétiques consécutive à la réforme du DPE. Comme les chiffres publiés par Diagamter le montrent, le nouveau DPE, même dans sa version corrigée par l’arrêté du 8 octobre 2021, entraine une importante augmentation de la proportion de logements classés F et G. Ainsi, avant juillet 2021, 14,14% des DPE de logements réalisés par la franchise nationale aboutissaient à une note F ou G. Désormais, après prise en compte de l’arrêté modificatif du 8 octobre 2021, ce chiffre grimpe à 23,03% du parc de logements diagnostiqués par Diagamter. Soit une hausse de près de 9% qui conduit à une augmentation du nombre de passoires thermiques de près de 63% !

Dès lors, rien d’illogique à ce que cette forte augmentation se traduise par une hausse du nombre de mises en vente de passoires thermiques, surtout dans certaines villes qui, comme Paris, cumulent des facteurs pénalisants : habitat ancien et collectif, surfaces réduites, etc. Inversement, la proportion des logements mis en vente appartenant aux classes les plus vertueuses décroît.

Une réalité plus nuancée

Il est fort probable que certains propriétaires-bailleurs, après avoir renouvelé leur DPE et découvert que leur bien était finalement classé en passoire énergétique, aient décidé de mettre en vente plutôt que de poursuivre la location en raison des futures interdictions. On ne doute pas non plus que, dans certains cas, les passoires énergétiques subissent une décote pour des propriétaires pressés de vendre avant l’obligation de réaliser un audit énergétique réglementaire en septembre prochain. Mais combien de propriétaires avaient fait le choix de mettre en vente avant de faire ou de refaire leur DPE ? Car, dans bien des situations, le projet prévaut sur la connaissance de la classe énergétique et c’est bien alors l’augmentation du nombre de passoires énergétiques qui entraine une hausse de leur mise en vente et non une volonté délibérée de s’en débarrasser en urgence.

On est donc en droit de se demander, s’il ne faut pas voir dans ce discours un argument supplémentaire de certaines professions de l’immobilier et fédérations de propriétaires en vue d’obtenir un assouplissement du calendrier des interdictions et des obligations qui vont frapper les passoires énergétiques. Si la problématique est réelle et doit bien évidemment être traitée afin d’éviter des conséquences sociales graves, rien n’empêche cependant de faire preuve d’un peu de bon sens…

<article mis à jour le 08/04/2022>

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