L'ORDRE DE MISSION : OBJECTIFS, INTÉRÊTS ET LIMITES Technique

Publié le par Alain

 

L’ordre de mission est-il un élément indispensable à
la validité d’un diagnostic et protège-t-il totalement le diagnostiqueur ? Beaucoup
rabâchent que l’ordre de mission est un élément indispensable à la validité
d’un diagnostic. En fait, s’il est souhaitable, puisqu’il est prescrit par
différentes normes, il n’est pas pour autant indispensable et la validité d’un
diagnostic n’est pas affectée par son absence. Ce qu’il faut faire et ne pas
faire, par Philippe Daviaud, diagnostiqueur et professeur de droit. Un article
tiré de Diagnostic n°9 de juin-juillet 2010.

 

S’il peut être utile pour définir les modalités de la
mission, il faut savoir qu’il ne protège le diagnostiqueur que vis-à-vis de son
client.

 

La relation du diagnostiqueur avec son environnement
juridique présente deux aspects : il y a le donneur d’ordre, le client, qui
peut être le vendeur ou son représentant (agent immobilier, notaire) et
l’acquéreur.

Avec le vendeur la relation est contractuelle tandis
qu’avec l’acquéreur elle peut éventuellement être délictuelle.

 

L’ordre de mission, signé par le vendeur, formalise la
relation contractuelle. Mais celle-ci peut tout aussi bien n’être qu’orale.
Aucun texte légal n’impose qu’un contrat écrit régisse les relations entre le
vendeur et le diagnostiqueur. Lorsque celui-ci existe, il a pour rôle de
définir les conditions de la mission tant au niveau de son coût que des
modalités d’intervention.

 

Au niveau des modalités d’intervention, le
diagnostiqueur peut évidemment définir précisément l’étendue de sa mission et
éventuellement inclure des limitations ou exonération de responsabilité.

 

Ceci est parfaitement valable mais n’a d’effet
qu’entre le diagnostiqueur et son client, le vendeur.

 

C’est-à-dire, pour prendre un exemple, que si le
diagnostiqueur précise, dans le cadre d’un CREP, qu’il n’examinera pas les
volets de couleur jaune, le vendeur ne pourra pas se retourner contre lui au
motif que l’on découvrirait qu’il y a du plomb dans les volets jaunes puisqu’il
aura accepté, en signant l’ordre de mission, que ceux-ci ne soient pas
examinés.

 

Le contrat fait la loi des parties et se substitue à
la réglementation.

 

Mais il est rare que le vendeur recherche la
responsabilité du diagnostiqueur dans la mesure où, dès lors que le
diagnostiqueur était certifié et assuré, la clause d’exonération des vices
cachés contenue dans l’acte de vente à son profit, a été parfaitement validée
et qu’ainsi l’acquéreur ne peut plus se retourner contre lui.

 

En revanche, l’acquéreur pourra valablement reprocher
au diagnostiqueur de n’avoir pas examiné les volets jaunes qui contenaient du
plomb et de l’avoir ainsi induit en erreur.

Le comportement fautif du diagnostiqueur lui cause un
préjudice pour lequel il est parfaitement en droit de demander réparation.

 

Le diagnostiqueur peut-il alors invoquer les termes
restrictifs de l’ordre de mission qui prévoyait que les volets jaunes ne
seraient pas examinés ?

Certainement pas.

 

Il faut savoir que l’acquéreur n’est pas partie au contrat
que constitue l’ordre de mission et qu’à ce titre, celui-ci ne lui est pas
opposable.

 

L’acquéreur ne mettra donc pas en cause la
responsabilité du diagnostiqueur sur un fondement contractuel puisque ce
contrat ne le lie pas.

Il l’assignera sur le fondement d’une responsabilité
délictuelle qui est le droit commun de la responsabilité civile.

 

Article 1382 du Code civil « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige
celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer »

La relation contractuelle entre le vendeur et le
diagnostiqueur qui formalisait une restriction de la mission ne le concerne
pas.

 

Pour l’acquéreur, le rapport concluait à une absence
de plomb dans les peintures, il en a trouvé dans les volets jaunes, il a été
trompé, cela lui cause un préjudice (il aurait pu négocier avec le vendeur s’il
l’avait su), ce préjudice est en lien avec le rapport du diagnostiqueur (tout fait quelconque de l’homme) ce
dernier doit donc réparation à l’acquéreur.

 

De là à dire que l’ordre de mission ne présente aucun
intérêt, il n’y a qu’un pas qu’il ne faut pas franchir !

Ne serait-ce que comme preuve de la commande dans le
cadre d’un recouvrement forcé, l’ordre de mission présente un intérêt.

 

Mais il faut absolument que les limitations à
l’étendue de la mission demandées par le vendeur ou à l’initiative du
diagnostiqueur soient signalées à l’acquéreur.

Nous rappelons que le diagnostic a deux objectifs :
valider la clause d’exonération des vices cachés contenue dans l’acte de vente
au profit du vendeur et informer l’acquéreur.

Dans le cadre de cette information de l’acquéreur, les
obligations du diagnostiqueur sont de deux natures : obligation de recherche et
obligation de conseil.

 

Pour reprendre notre exemple, l’obligation de recherche
a été limitée par le vendeur et le diagnostiqueur qui ont, d’un commun accord,
exclu les volets jaunes.

 

Rien n’empêche le diagnostiqueur, dans le cadre de son
obligation de conseil, de signaler expressément, dans son rapport, que les
volets jaunes n’ont pas été examinés en accord avec le vendeur et qu’en
conséquence l’information délivrée ne les concerne pas.

Bien plus, il peut aussi, dans son rapport, proposer
de revenir gratuitement sur les lieux pour examiner les volets jaunes.

 

Dans ce cas, au moment de la signature de l’acte, le
notaire, dans le cadre de son obligation de conseil, devra faire part à
l’acquéreur de cette proposition de visite complémentaire.

 

De deux choses alors : l’une, l’acquéreur demande la
visite complémentaire et il n’y a plus de problème, l’autre il n’y donne pas
suite et alors il ne peut plus rien reprocher au diagnostiqueur.

 

On dit, en droit, qu’il est entré dans le champ
contractuel.

La proposition de visite suivie d’un refus est un
contrat entre le diagnostiqueur et l’acquéreur qui exonère totalement le
premier.

 

Philippe Daviaud, diagnostiqueur et professeur de
droit.

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