DIVERSIFICATION : LES DIAGNOSTIQUEURS À L’HEURE DE CHOIX STRATÉGIQUES VEILLE DÉCIDEURS

Publié le par Mathias LOVAGLIO

Les diagnostiqueurs immobiliers sont actuellement confrontés à un marché morose et à des charges en hausse qui impactent leur activité et parfois leur moral. Ils peuvent néanmoins fonder des espoirs de relais de croissance en se positionnant sur des missions mieux valorisées qui dépassent le cadre historique du métier. Une diversification qui appelle cependant à s’interroger sur l’organisation interne de l’entreprise et le choix des niches marché à cibler. Le point avec Guy Barta, diagnostiqueur et administrateur de la FIDI, Bastien Hulin co-fondateur de Diag Habitat et vice-président de la CDI, et Thierry Marchand, diagnostiqueur indépendant.

Le panel de prestations entrant potentiellement dans le champ d’exercice des diagnostiqueurs immobiliers ne cesse de s’étoffer. Aux diagnostics du DDT vente ou location, sont venus s’ajouter les missions avant travaux/démolition, le DPE collectif et l’audit énergétique, mais aussi de nombreuses autres prestations (DTG/3PT, radon, PEMD, amiante avant travaux hors bâti, état parasitaire et mérule, MAR, etc.). Ces prestations de diversification, souvent complexes et techniques, impliquent des investissements et des coûts (formation, matériel, assurance, etc.) qu’il convient de bien estimer avant de se lancer sur une niche marché.

Dans le contexte économique actuel, se diversifier constitue néanmoins une opportunité de réduire sa dépendance aux fluctuations du marché immobilier, à condition cependant de bien choisir son positionnement en fonction des potentiels locaux, mais aussi de ses propres compétences. Une diversification qui peut aussi nécessiter une réflexion sur la stratégie, voire la structure, des entreprises.

Le modèle du diagnostiqueur touche-à-tout en passe de disparaitre ?

Pendant ses premières années, le métier de diagnostiqueur immobilier se focalisait essentiellement sur les six domaines de certification et des missions liées essentiellement à un contexte de vente ou de location. Mais la multiplication des prestations, souvent plus techniques et nécessitant une autre approche de la relation client, change la donne. « Un diagnostiqueur ne peut plus être présent sur tous les fronts s’il veut bien faire son travail et avoir une veille juridique et technique sur des domaines parfois bien différents comme l’énergie, la réglementation des immeubles collectifs, etc. », estime ainsi Bastien Hulin. « Au-delà de la formation, c’est la pratique régulière de chaque mission et l’expérience accumulée qui va permettre de renforcer les compétences et de gagner en efficacité. Certes, il faut se diversifier, mais si vous ne faites qu’un 3PT, un DPE collectif ou une recherche de mérule tous les six mois, vous allez prendre beaucoup plus de temps qu’un confrère qui le fait régulièrement », poursuit Thierry Marchand. Au vu des investissements demandés pour se positionner sur certaines prestations, mieux vaut donc être certain de disposer du volume d’activité suffisant pour les rentabiliser et les valoriser. Un diagnostiqueur pourrait donc être tenté de se concentrer sur certaines niches marché, en cohérence avec son socle de compétences et ses affinités pour certains domaines, et sur lesquelles il pourrait pleinement valoriser son savoir-faire quitte à délaisser certaines missions à ses confrères. Il réduirait ainsi ses charges en abandonnant certaines prestations, voire certaines certifications, même s’il convient de rester vigilant à ce que la diversification ne se transforme pas en une trop forte spécialisation qui pourrait in fine porter préjudice en raison des incertitudes du marché, voire d’une moins forte employabilité des salariés.

Se structurer en interne…

Pour un cabinet déjà développé autour de plusieurs techniciens certifiés, la diversification répond tout autant à des enjeux de marché qu’à des facteurs humains comme l’explique Bastien Hulin qui gère deux réseaux d’agences regroupant une quarantaine de collaborateurs certifiés : « Nous devons faire en sorte que nos entreprises puissent proposer un panel d’interventions aussi large que possible. Certes, cela dépend des opportunités business, mais il faut également réussir à les allier avec les aspirations de nos collaborateurs. Si certains ont une accointance pour un domaine, l’amiante ou l’énergie par exemple, nous allons les faire monter en compétence sur ce domaine. Mais si nous avons un secteur géographique où nous n’avons personne pour faire des 3PT ou des DTG, nous n’y allons pas tout simplement. Il ne s’agit pas de faire monter en compétence les personnes à tout prix sur des domaines s’ils ne disposent pas des bases ».

La problématique est bien différente pour un diagnostiqueur solo qui doit procéder à des arbitrages, voire envisager de se développer pour réussir sa diversification sur des missions à plus forte valeur ajoutée. Thierry Marchand craint en effet la disparition des diagnostiqueurs solos qui resteraient trop dépendants de la transaction immobilière. Mais il estime aussi qu’« aujourd’hui, un diagnostiqueur indépendant ne peut pas tout faire. Il est encore possible de rester seul pour certaines missions comme l’amiante avant travaux, la mérule ou l’audit énergétique, mais pour d’autres missions, et notamment celles en copropriété, c’est beaucoup plus compliqué car extrêmement chronophage en raison d’une organisation qui doit être minutieusement planifiée. Il faut alors se structurer autour d’un secrétariat. L’idéal serait même d’embaucher un technicien qui s’occuperait de la clientèle que le cabinet a constituée pendant que le chef d’entreprise se consacre au développement d’une ou quelques niches marché plus complexes ».

… ou en externe

Avant de répondre à nos questions Guy Barta a sondé quelques adhérents de la FIDI afin de comprendre leur approche de la diversification. Certains misent sur des niches relativement accessibles comme la diversité des demandes de DPE (collectif, aides, tertiaire) ou l’avant travaux, tandis que d’autres développent des synergies avec d’autres professions comme les architectes pour se positionner sur des missions plus complexes en copropriété (3PT/DTG). En parallèle, tous commencent à réaliser l’intérêt de travailler en bonne intelligence avec leurs confères à l’échelle locale, soit en se recommandant mutuellement sur leurs activités spécifiques, soit en formalisant cela au sein d’un Groupement d’intérêt économique (GIE) pour couvrir un ensemble de prestations. « Il y a une recherche d’optimisation dans la diversification sous différents modèles : soit en intégré quand une entreprise dispose de plusieurs diagnostiqueurs, soit en montant des groupements », conclut Guy Barta. Une approche que partage Thierry Marchand et qui permettrait de faire face à une certaine concurrence : « Il faut que les diagnostiqueurs soient plus malins en se recommandant les uns les autres comme les artisans le font entre eux afin de contrer les plateformes de mise en relation qui peuvent proposer tous les diagnostics ».

Se diversifier, oui ! Mais à quel prix ?

Au sein de la FIDI, Guy Barta s’inquiète de voir certains adhérents jeter l’éponge : « Beaucoup de diagnostiqueurs s’interrogent sur le fait de continuer à s’investir dans ce métier. Ils sont pris à la gorge entre un marché de la transaction qui n’est pas porteur et le coût des formations/certifications notamment sur l’audit énergétique ». Même constat à la CDI où Bastien Hulin observe une fragilité financière des entreprises sur cette fin d’année. « Nous sommes confrontés à une très forte hausse des formations que cela soit pour la formation continue DPE ou la formation initiale de l’audit énergétique, avec un manque à gagner pendant que les diagnostiqueurs ne produisent pas. La période est complexe mais il faut se projeter sur les prochaines années où nous devrions avoir une manne d’activité importante avec les audits énergétiques pour les E, les 3PT sur les petites copropriétés, etc. Il faut voir cela comme un investissement pour l’avenir ».

Mais se diversifier demande un investissement lourd, que cela soit financièrement pour l’audit énergétique par exemple, ou bien personnel : « il n’existe pas toujours de formation donc il faut, en plus d’un socle de compétences, être autodidacte et doté d’une grande curiosité pour aller chercher l’information », selon Thierry Marchand.

Pour investir dans cette montée en compétences, il faut aussi disposer d’une certaine trésorerie ce qui passe par une revalorisation des tarifs. « Notre métier est en pleine transition et les diagnostiqueurs ont besoin de monter en compétences », estime Bastien Hulin. « Cela passe par de la formation, mais aussi par une hausse des prix pour absorber ces investissements. Les diagnostiqueurs doivent devenir de véritables chefs d’entreprise avec une vision financière et stratégique ». Guy Barta abonde dans le même sens : « Le problème de beaucoup de confrères, c’est qu’ils ne font pas de véritables études de prix basées sur l’intégralité des coûts ».

Cantonné à ses débuts à la vente et à la location, le métier de diagnostiqueur continue de s’ouvrir à de nouvelles missions instaurées par la réglementation. La poursuite de la croissance des entreprises de la filière, longtemps soutenue par la bonne dynamique du marché immobilier, repose désormais, en grande partie, sur ces missions mieux valorisées mais aussi plus complexes. Se diversifier implique donc des choix stratégiques afin de bien identifier les niches marché porteuses sur son secteur géographique et ainsi rentabiliser au mieux les investissements et la nécessaire montée en compétences.

EXIM

NOS OFFRES D'ABONNEMENT