DÉFAUT D’AFFICHAGE DU DPE : UNE AGENCE IMMOBILIÈRE CONDAMNÉE POUR CONCURRENCE DÉLOYALE Veille juridique

Affichage DPE - annonce immobilière - Agence immobilière
Publié le par Mathias LOVAGLIO

L’absence d’affichage du DPE peut coûter cher aux agences immobilières. L’une d’entre elles a en effet été condamnée par la cour d’appel de Montpellier à payer plus de 6 500 € à un confrère pour concurrence déloyale.

Le 9 juillet 2021, une société qui avait un mandat non exclusif concernant un bien immobilier a fait constater par un huissier de justice la publication d’une annonce immobilière pour ce même bien par une autre agence sans communication du DPE pour lequel il était indiqué « en cours ». À la suite de ce constat, la première agence immobilière a assigné la seconde devant le tribunal de commerce de Montpellier pour concurrence déloyale. Par jugement du 28 septembre 2022, ce tribunal a néanmoins débouté la première agence et l’a condamnée à indemniser sa concurrente à hauteur de 2 000 € à titre de dommages et-intérêts pour procédure abusive, à 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La première agence immobilière ne souhaitant pas en rester là, elle décide alors de faire appel du jugement et, dans son arrêt du 23 juillet 2024, la cour d’appel de Montpellier a finalement totalement infirmé le premier jugement.

Pas de pratique commerciale trompeuse, mais une concurrence déloyale caractérisée

Rappelant les obligations d’information des acquéreurs et d’affichage des résultats du DPE sur les annonces immobilières (articles R. 126-21, R. 126-23, L. 126-28 et L. 126-33 du code de la construction et de l’habitation), la cour d’appel a tout d’abord reconnu la légitimité de la première agence immobilière à soutenir une action en concurrence déloyale à l’encontre de son confrère.

Elle a ensuite invoqué l’article L.121-1 du code de la consommation qui dispose que les pratiques commerciales déloyales sont interdites. « Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service », rappelle ainsi la cour. Cependant, elle considère que la publication d’une annonce immobilière sans mention d’un DPE ne constitue pas une allégation, une indication ou une présentation fausses ou de nature à induire en erreur portant sur les caractéristiques essentielles du bien (article L. 121-2 du code de la consommation), en ce que le droit d’information du consommateur est seulement différé et incomplet lors de la publication, mais devra être effectif lors de la vente. « Cette publication ne constitue pas une pratique commerciale trompeuse à ce titre », conclut la cour d’appel.

En revanche, elle souligne que « le non-respect de la réglementation par certains acteurs économiques tandis que d’autres la respectent, crée entre eux une concurrence déloyale, en ce que le contrevenant peut effectuer avant ses concurrents une publication, susceptible de générer un courant d’affaires. À cet égard, la réalisation, avérée, du DPE, préalablement à la publication de l’annonce, est indifférente. Ce non-respect de la réglementation, qui est contraire aux exigences de la diligence professionnelle, génère, en soi, un trouble commercial en ce que cette publication est susceptible d’altérer, de manière substantielle, le comportement économique du consommateur, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, auquel elle s’adresse, à l’égard de l’immeuble concerné en l’informant de sa mise en vente et de la possibilité de le visiter ».

Certes, la première agence immobilière ne démontre pas qu’elle a elle-même respecté la réglementation ou que l’absence de mention du DPE a permis à sa concurrente de conclure la vente. Par conséquent, elle n’est pas fondée à solliciter, en réparation du préjudice subi, la perte d’honoraires. Elle ne rapporte pas davantage la preuve de l’existence d’un préjudice d’image. En revanche, la cour d’appel a estimé que « si les pratiques consistant à s’affranchir d’une réglementation induisent un avantage concurrentiel indu, en l’espèce, la publication illicite a permis à [la seconde agence immobilière] de bénéficier d’une priorité, qui n’a pas généré d’économies, susceptibles d’être évaluées en terme de trouble économique. Cependant, il s’infère nécessairement d’actes de concurrence déloyale un trouble commercial générant un préjudice, fût-il seulement moral ».

Enfin, la cour d’appel rejette l’hypothèse d’une procédure abusive intentée par la première agence immobilière, la seconde agence immobilière ne pouvant démontrer que l’action « a dégénéré en abus, justifiant l’allocation de dommages-intérêts, étant entendu que l’exercice d’une action en justice constitue un droit ». Sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive est donc rejetée.

In fine, la seconde agence immobilière se voit condamnée à payer à sa concurrente :

  • 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;
  • 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
  • les dépens de première instance et d’appel.

23 juillet 2024, Cour d’appel de Montpellier, RG n° 22/05561

EXIM

NOS OFFRES D'ABONNEMENT