AUDIT ÉNERGÉTIQUE : LE FUTUR DÉCRET COMPÉTENCE VA-T-IL BOUSCULER LE MARCHÉ ? Devenir diagnostiqueur immobilier

Audit énergétique
Publié le par Mathias LOVAGLIO

D’après le projet de décret définissant le référentiel de compétences pour la réalisation de l’audit énergétique réglementaire, l’accès à l’extension du périmètre de certification audit serait réservé aux titulaires d’une certification DPE depuis 2 ans. Une condition de prérequis qui pourrait avoir des incidences sur le marché et mettre fin à l’un des motifs de l’attractivité de la profession, mais aussi à l’un des principaux griefs faits à son encontre. Le débat sur les impacts d’une telle mesure est en tout cas ouvert.

Dans nos différents sondages, le renforcement des prérequis et l’instauration d’une période de salariat ou de stage avant l’installation sont régulièrement évoqués comme pistes pour améliorer le niveau de compétences des nouveaux diagnostiqueurs. En ce sens, le projet de référentiel de compétences pour l’audit énergétique réglementaire, en imposant une période de 2 ans entre l’obtention de la première certification DPE et l’accès à l’extension pour la réalisation de l’AER, reprend l’idée d’un renforcement des prérequis. Mais cette condition pourrait conduire, dans les faits, à la mise en place d’un dispositif restreignant les possibilités d’installation à leur compte des nouveaux certifiés. Il s’agirait alors d’une vraie rupture dans l’histoire de la filière.

Un frein à l’installation des nouveaux entrants

« Il y a une intention louable du législateur qui veut la preuve de la compétence par l’intermédiaire du DPE avant de faire l’audit qui est une mission sérieuse » remarque Guillaume Exbrayat, président du réseau Diagamter et vice-président de SIDIANE. Mais il craint en contrepartie l’instauration d’un « numerus clausus » restreignant les potentiels d’installation : « Sur le marché de la transaction, un notaire ou un agent immobilier ne va pas recommander ou solliciter un diagnostiqueur si celui-ci n’a pas le droit de faire l’audit énergétique ensuite. Or, selon les structures, la prescription par le biais des professionnels représente autour de 60 à 70% du chiffre d’affaires et, pendant deux ans, quelqu’un qui démarre serait condamné à voir son activité restreinte. S’installer demandera des ressources capitalistiques énormes pour tenir pendant ces deux années et cela fermera inévitablement le marché. C’est un sujet de préoccupation que nous allons remonter à la DHUP. Pensons à nos confrères qui veulent s’installer ».

Si l’analyse vaut probablement plus pour certains territoires, ceux où la proportion de maisons individuelles est forte, que pour d’autres, la position du franchiseur, dont l’objectif est de développer son réseau pour en densifier le maillage territorial, est compréhensible.

Une rupture historique de l’image de la profession ?

Sans interdire totalement la liberté d’installation des nouveaux diagnostiqueurs immobiliers, la mise en place d’une période probatoire avant de pouvoir se positionner sur l’audit énergétique réglementaire marquerait probablement une rupture avec l’image d’une profession où l’exercice en indépendant est réputé accessible. Mais, ce prérequis d’expérience ne serait-il pas au contraire une garantie supplémentaire que la filière accorderait à ses clients et qui permettrait de redorer son image dans les médias ? En épargnant à un jeune diagnostiqueur peu expérimenté d’être confronté aux conséquences d’une mission complexe durant laquelle il ne serait pas à l’abri de commettre des erreurs, ne lui évite-t-on pas de futurs contentieux importants ? Ne serait-ce pas non plus une caution supplémentaire appréciée des assureurs, dont la frilosité envers l’audit énergétique réglementaire est particulièrement perceptible ?

Bastien Hulin, co-fondateur de Diag Habitat et vice-président de la CDI FNAIM, le pense : « Le métier de diagnostiqueur a besoin de gagner en crédibilité et cela passe, entre autres, par une réglementation plus exigeante sur les certifications et notamment pour les missions les plus techniques comme l’audit énergétique réglementaire. Qu’il y ait une période probatoire pour devenir auditeur sur les maisons individuelles nous parait cohérent et légitime à la CDI FNAIM. Cette mission demande une connaissance accrue de la technique du bâtiment et de la rénovation énergétique qui ne s’acquiert pas uniquement lors des formations initiales, mais avec de l’expérience. Cela va réduire le nombre d’auditeurs potentiels et l’échéance du 1er janvier 2025 pour les maisons individuelles en E approche à grands pas. Il faut faire attention à ne pas se retrouver en pénurie de main d’œuvre. C’est pourquoi nous pensons que cette période probatoire pourrait être réduite pour des personnes ayant un profil et un parcours tournés sur ces connaissances. Je prends l’exemple d’une entreprise qui souhaiterait gagner en compétences mais ne pourrait pas embaucher un thermicien n’ayant jamais été certifié DPE ».

De plus, si la période probatoire prévue dans le projet de décret venait à restreindre les potentiels d’installation des nouveaux certifiés comme le prédit Guillaume Exbrayat, cela rejoindrait l’idée de carte professionnelle portée par la CDI FNAIM, sa délivrance pouvant être conditionnée à une période de salariat ou de stage en entreprise. Il existe cependant un risque de voir la profession perdre en attractivité en raison de potentiels d’installation à son compte restreints, alors même que les besoins d’effectifs sont importants.

Stéphane Prouzeau, président du réseau Agenda France et vice-président de la FIDI, s’inquiète de cette possible pénurie d’effectif : « nous sommes bien sûr très conscients de la nécessité d’accélérer la professionnalisation de notre filière. C’est l’objectif des pouvoirs publics et c’est aussi le nôtre. Cependant nous évoluons sur un marché dont la demande dépasse l’offre, c’est-à-dire que l’activité de nos entreprises est à flux tendu. Avec ce dispositif tel qu’il est présenté dans le décret, les pouvoirs publics prennent le risque de tendre encore davantage le marché et de mécontenter les professionnels de l’immobilier ». La FIDI a donc proposé un assouplissement à la DHUP afin de fluidifier l’accès à l’audit énergétique réglementaire. « Les pouvoirs publics ont intégré la réalisation d’une période de tutorat et de CSO dans le nouveau dispositif du DPE », rappelle Stéphane Prouzeau. « Donc, notre proposition est très simple : au lieu d’un délai fixe qui ne prend pas en compte les différents niveaux d’expérience et de compétence des professionnels, nous suggérons de juger les capacités du professionnel par le passage d’un CSO et par le suivi d’une période de tutorat ».

Une aubaine pour les entreprises déjà en place ?

Cependant, l’instauration d’une période probatoire pourrait conduire à renforcer la position des cabinets existants sur le marché local en limitant la création de nouvelles entreprises ou en restreignant les missions qu’elles pourraient réaliser. Assurément, si tel que le prévoit Guillaume Exbrayat, cette mesure porte un coup à la croissance du nombre de structures, les acteurs déjà bien implantés pourraient plus facilement poursuivre leur développement. Et ils bénéficieraient probablement de conditions de recrutement plus favorables pour couvrir leurs besoins, la proportion de nouveaux diagnostiqueurs s’orientant vers le salariat étant mécaniquement appelée à augmenter au détriment de ceux visant une installation à leur compte dès la sortie des certifications. À moins que le nombre de candidats vienne à baisser en raison d’une profession rendue moins attractive pour ceux qui souhaitent accéder à l’indépendance…

Reste à savoir si ces entreprises joueront le jeu. Certes, le risque de voir un salarié prendre son envol existe dans la plupart des secteurs d’activité. Comment vont-elles gérer leurs recrutements et les clauses des contrats avec ce risque d’embaucher des diagnostiqueurs néophytes dont l’objectif serait de monter leur propre structure concurrente ? « C’est à l’entreprise d’être suffisamment attractive pour réussir à conserver ses collaborateurs et ce n’est pas une problématique propre au diagnostic immobilier », estime pour sa part Bastien Hulin.

Le projet de décret définissant le référentiel de compétences pour l’audit énergétique réglementaire en bref

  • Cadre : extension du périmètre de certification DPE délivrée par le même OC (validité identique de la certification DPE et de l’extension AER)
  • Principal prérequis : détenir une certification DPE valide depuis au moins 2 ans
  • Formation initiale : minimum 70 h, avec une partie pratique de 14 h en présentiel
  • Obtention de l’extension : passage d’un examen théorique (1 h) et d’un examen pratique (3 h en présentiel)
  • Formation continue : 7 h/an, à l’exception de la première année après le début de l’extension initiale et de la 7e année du cycle de certification DPE. Réalisation d’un cas test tous les 2 ans
  • Contrôle documentaire : commun à la certification DPE
  • Contrôle sur ouvrage : commun à la certification DPE
  • Renouvellement : demande à adresser avec le dossier de candidature pour le renouvellement de la certification DPE
  • Entrée en vigueur : 1er juillet 2024

À noter : les attestations délivrées pendant la période transitoire pourront faire l’objet d’une prorogation de leur validité pour une durée d’un an sans qu’il soit possible de dépasser le 31 décembre 2024

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Un commentaire

  • Jen a écrit

    Bonjour,

    Les diagnostiqueurs fraichement certifiés (avant juillet 2024) ne seraient pas concernés par ce projet de décret ?

    Car un organisme de formation m’a indiqué une date plus proche (Janvier 2024).

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