FIABILISATION DU DPE : ENCORE DU PAIN SUR LA PLANCHE SELON LES DIAGNOSTIQUEURS Devenir diagnostiqueur immobilier

Publié le par Mathias LOVAGLIO

Pour une importante partie des diagnostiqueurs qui ont participé à notre sondage, le seul renforcement de la formation/certification ne suffira pas à traiter tous les problèmes de fiabilité du DPE et ils sont nombreux à attendre désormais d’autres mesures complémentaires pour y parvenir.

Un nouveau dispositif inopérant contre les mauvaises pratiques

« On prend le problème à l’envers. Est-ce que les personnes qui font de mauvais DPE le font parce qu’elles sont mal formées ou bien pour une question de gain de temps ? Pour ma part, je pense qu’elles vont le plus vite possible et donc qu’elles font du mauvais travail à cause de ça. Avec cette réforme, ça ne changera rien ». À lui seul, ce commentaire résume bien l’état d’esprit de nombreux sondés pour qui ce nouveau régime ne permettra pas de mettre un terme aux mauvaises pratiques de ceux qui privilégient la quantité à la qualité. Les cas de « DPE de complaisance » ou de personnes travaillant sans certification, donc échappant totalement au dispositif, sont également évoqués dans différents commentaires.

Il en résulte chez certains le sentiment de payer injustement les pots cassés avec ce renforcement coûteux en temps et en argent : « Le DPE est bien plus long et compliqué à réaliser à présent. Je passe 4 fois plus de temps à le faire pour un bien dans l’ancien. Beaucoup de techniciens n’ont pas intégré cela ou ne se sont pas remis en question et je pense que c’est à cause d’eux que l’on se fait montrer du doigt, une fois de plus. Cette réforme vient pénaliser les personnes qui ont compris la nouvelle méthode, qui sont sérieux et qui l’appliquent correctement. Pour eux, les contrôles sur ouvrage, les journées de formation, etc. n’apporteront rien. Et pour les gens qui ne veulent pas réaliser les DPE sérieusement je crois bien que cela ne changera rien non plus malheureusement ».

Plutôt que de renforcer les obligations durant le cycle de certification, des sondés suggèrent d’autres pistes pour lutter contre ces mauvaises pratiques : tarifs réglementés, création d’un ordre, meilleure application ou renforcement des sanctions, « contrôles en aveugle (client mystère) »… : « Les contrôles renforcés pour la première certification, ça j’adhère. Le renforcement de la formation initiale également. Mais le reste n’empêchera en rien les fraudeurs. Ils ne seront pas bannis parce que les OC ont trop besoin de leurs CLIENTS. Ce n’est qu’une histoire d’argent qui va nous couter cher et qui ne résoudra qu’une infime partie du problème ».

Des logiciels à améliorer

Un certain nombre de commentaires laissés par les sondés concernent les logiciels et les difficultés liées à leur maitrise. « Une des grosses complexités dans l’établissement du DPE réside dans l’utilisation des logiciels et notamment dans la transcription des éléments relevés. Aucune action n’est prévue sur ces points. Les formations au DPE ne prévoit d’ailleurs rien là-dessus alors que l’utilisation du logiciel est obligatoire et essentielle pour le DPE ». Les cas test prévus dans le futur régime de certification DPE devraient, théoriquement, permettre de solutionner une partie de cette problématique. Il reste que, pour certains, « un seul logiciel devrait être fourni par l’État, conforme à l’arrêté. Au lieu de cela, on a une multitude de logiciels qui sont là pour faire du commerce, pas pour être conforme à un arrêté ! »

LE DPE intrinsèquement problématique

Enfin, pour quelques sondés, le manque de fiabilité du DPE provient également de l’outil en lui-même, qualifié « d’usine à gaz […] qui fait clairement passer notre profession pour des idiots ». Ces sondés rappellent que des évolutions sont attendues depuis plusieurs mois sans que le plan d’amélioration de la DHUP ne s’y soit encore pleinement attaqué : « la fiabilisation doit aussi réviser la méthode (petites surfaces, logements anciens) et surtout impliquer juridiquement les propriétaires et syndics dans la fourniture d’informations ».

D’autres vont encore plus loin dans la critique de l’outil : « Les résultats des DPE étaient sûrement plus justes quand on laissait le (professionnel) diagnostiqueur mettre ses valeurs d’après ses connaissances plutôt que sur preuve. On ne forme plus des diagnostiqueurs avec de la connaissance, on forme les diagnostiqueurs à être incompétents, à cocher des cases, à ne plus rédiger de rapport. C’est la suprématie des process sans utiliser l’intelligence humaine. Est-ce qu’on vous amène à réfléchir (technologiquement) pour faire un DPE ? Pour moi, la réponse est non. On vous amène simplement à réfléchir pour se protéger juridiquement comme les agents immobiliers. C’est une tendance sociétale appauvrissante. Quand le DPE n’était pas opposable, le diagnostiqueur pouvait être responsable et assumer ses choix. C’était prendre ses responsabilités à partir de ses connaissances et surtout de son expérience. La nouvelle génération de diagnostiqueurs se dit « expert » alors qu’elle n’acquiert plus la connaissance des modes de construction anciens, n’en ayant plus besoin sans preuve. La faute à qui ? A tout ceux qui ont soutenu le DPE opposable. Impossible pour eux de reconnaitre leur erreur, alors on n’a pas fini de faire des réformes pour résoudre un faux problème. Sauf à revenir à un DPE non opposable et à développer la connaissance et à pouvoir l’utiliser sans preuve. On peut dire que si on en est là aujourd’hui, c’est aussi de la faute des fédérations qui ont soutenu l’opposabilité du DPE ».

Les diagnostiqueurs qui ont répondu à notre sondage se montrent donc sceptiques quant à l’efficacité du futur dispositif de certification DPE. S’ils reconnaissent bien des améliorations, particulièrement sur la formation initiale, ils attendent désormais que le plan de la DHUP s’attaque à leurs autres sujets de préoccupation afin d’atteindre l’objectif d’un DPE pleinement fiabilisé. Même si certains s’avouent malheureusement fatalistes, à l’image de cette conclusion amère d’un diagnostiqueur exerçant depuis plus de 20 ans : « Depuis 2007 et le début des certifications, on nous promet de la compétence et du professionnalisme. Nous sommes en 2023 et le niveau général est toujours le même ! Alors non, je n’y crois plus ».

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