G. EXBRAYAT : « NOUS SOMMES EN TRAIN DE VIVRE AVEC LE DPE LA FIN DES DIAGNOSTICS LOW COST » Devenir diagnostiqueur immobilier

Guillaume Exbrayat (Diagamter, Sidiane)
Publié le par Mathias LOVAGLIO

Un mois après la parution de l’arrêté compétences DPE, Guillaume Exbrayat, président du réseau Diagamter et vice-président de SIDIANE, revient sur la longue concertation engagée avec la DHUP et le ministère du Logement. Il prend position sur les impacts du futur dispositif sur le marché et les acteurs du diagnostic immobilier.

Comment jugez-vous le déroulement de la concertation sur l’arrêté compétences DPE ?

La DHUP nous a demandé de travailler sur un plan de fiabilisation des DPE et nous avons passé 9 mois à discuter de l’arrêté compétences qui en est issu. J’ai entendu beaucoup de critiques, y compris au sein du réseau Diagamter. Je voudrais dire à l’ensemble des diagnostiqueurs que, dans ce genre de discussions, on n’obtient jamais tout ce que l’on veut, pour une raison très simple : les organisations professionnelles défendent des intérêts particuliers, ceux d’une profession, tandis que l’administration sert l’intérêt général et c’est à elle que reviennent les décisions. Nous avons dépensé beaucoup d’énergie pour établir un rapport de force. SIDIANE a produit des études issues de ses entreprises qui consacrent du temps dans l’intérêt de la profession. Il faut que les diagnostiqueurs qui sont critiques envers les fédérations soient conscients que derrière il y a des gens qui se mobilisent et prennent de leur temps sans en récolter un centime.

Cette concertation a également été l’occasion de constituer une intersyndicale avec la FIDI et la CDI FNAIM, même si nous ne partageons pas toujours une vision et des objectifs identiques pour la profession. Mais, au prix d’efforts, nous avons réussi à travailler ensemble, avec l’objectif de peser sur la DHUP. Même si nous sommes loin d’avoir toutes les réponses que l’on attendait, il serait injuste de dire que rien n’a été obtenu. Indépendamment de nos différences entre fédérations, nous avons créé un précédent appelé à être renouvelé dans le futur. La profession a avancé.

Que vous inspire ce nouvel arrêté compétences DPE ?

Il fallait pallier le manque de formation initiale, notamment de formation pratique, qui conduisait à des notions mal maitrisées comme les ponts thermiques ou encore la surface. Cela passait par des renforcements et SIDIANE a porté l’idée de faire des cas test. Il est normal qu’en complément de la formation théorique, il faille faire des cas pratiques qui permettront d’harmoniser le travail des diagnostiqueurs.

Outre le renforcement de la formation, ce qui me parait intéressant c’est l’homogénéisation. Cet arrêté ne concerne pas que les diagnostiqueurs, mais aussi les OF et les OC. Jusqu’à présent, les formations étaient surtout définies par des durées et non par du contenu et les certifications n’étaient pas forcément les mêmes d’une structure à l’autre, notamment en termes d’exigences. Désormais, l’arrêté prévoit une base de questions nationales qui va permettre de mettre en place un socle commun pour les examens. Toutes ces évolutions sont le fruit de nos échanges avec la DHUP et d’un travail de fond.

En matière de coûts, nous avons réussi à les réduire par rapport au projet d’arrêté présenté au printemps. Mais ils demeurent importants et le prix de fabrication de la compétence pour le DPE va augmenter. Cependant, je ne pense pas que ce soit forcément une mauvaise chose. Le marché a besoin d’une qualité de service qui demande du travail et qui a un coût. Probablement qu’il faudra augmenter le prix des DPE de 10, 15 ou 20 €, et cela doit pouvoir se faire sur le marché du particulier. En revanche, j’ai une pensée amicale et fraternelle pour les gros acteurs du marché qui font beaucoup de DPE en collectif dans le cadre d’appels d’offres. Ils sont embarqués dans des marchés pluriannuels avec des prix assez bas qui ne sont pas toujours renégociables. Ils risquent d’être étranglés par des coûts qui vont augmenter. Au sein de SIDIANE, nous avons essayé de les défendre car le DPE ce n’est pas que l’affaire des particuliers, il y a aussi des besoins énormes pour les bailleurs sociaux. Il va falloir que les grands donneurs d’ordre de l’immobilier acceptent de payer des DPE un peu plus chers parce que si nous sommes pressés, nous ne pourrons pas délivrer la qualité de service attendue. Et si nous ne pouvons plus répondre à leurs besoins, les appels d’offres seront déclarés infructueux.

Selon vous, quels vont être les effets du renforcement de la certification DPE pour les entreprises ?

Je crois que nous sommes en train de changer d’époque dans le diagnostic. Ce qu’attendent désormais aussi bien le marché que l’État, c’est de la qualité et de la précision et donc du temps et de la compétence. Cela implique des heures ou des jours durant lesquels nous ne produisons pas, mais durant lesquels nous travaillons sur des process, des tests, du contrôle, de la formation, de la pédagogie, de la relation clients, etc. Tout cela a un coût qu’il faut reporter sur les prix de vente. Une approche a minima va devenir très compliquée. Nous sommes en train de vivre avec le DPE la fin des diagnostics low cost et le marché va l’accepter. Nous le constatons avec l’audit énergétique qui se vend plutôt à un bon prix.

Je pense que, d’ici quelques années, tous les diagnostics passeront à ce niveau d’exigences. Je ne vois pas pourquoi les manquements en matière de DPE soulignés par la presse consumériste ne concerneraient pas les autres diagnostics. Il n’y a aucune raison que des schémas similaires au DPE ne se produisent pas pour nos autres prestations. Nous aurons probablement des coûts d’entrée dans la profession et de maintien de la compétence plus importants et qui demanderont une structure d’entreprise plus développée. Je le dis depuis des années : le modèle du diagnostiqueur solo ou des très petits cabinets a ses limites car il faut parvenir à dégager un chiffre d’affaires et à défendre des prix pour pouvoir consacrer du temps à la formation, au contrôle qualité, à l’investissement dans le digital, etc.

Ce nouvel arrêté réaffirme le principe d’une certification personnelle des compétences. N’est-ce pas un contretemps pour SIDIANE qui milite pour la mise en place d’une certification d’entreprise ?

Au sein de SIDIANE, nous sommes pour un modèle mixte car nous croyons fermement que la certification d’entreprise sera intéressante à terme. L’augmentation des coûts de certification pour le DPE, et peut-être demain ceux des autres certifications, va peser sur les structures de petite taille. Cela pourrait même finir par revenir plus cher qu’une certification d’entreprise. La certification d’entreprise a l’avantage de ne pas garantir la compétence du technicien, mais le résultat car c’est bien la production qui est auditée. Cela donne une garantie bien supérieure au marché et aux tiers. Aujourd’hui, ce qui est livré n’est quasiment pas contrôlé. On peut avoir quelqu’un de compétent le jour de l’examen mais qui, le lendemain, écrasé par les contingences économiques, ne prend pas le temps nécessaire sur le terrain. La certification de la compétence n’est pas la garantie de la qualité du service.

Tout le monde craint un écart de prix et de compétitivité, mais cet écart est en train d’être gommé par toutes ces nouvelles contraintes. Ne sommes-nous pas en train de créer un système compliqué reposant sur les personnes physiques ? Le débat reste ouvert.

Le renforcement de la certification DPE n’est qu’une des étapes du plan de fiabilisation du DPE. Quelles sont les autres problématiques qui doivent, selon vous, être maintenant traitées ?

Si l’arrêté compétences répond aux objectifs, il n’est pas suffisant pour régler les problèmes de fiabilité du DPE. Nous allons poursuivre notre agenda de discussions avec la DHUP afin d’avancer sur le schéma directeur pour la profession, sans attendre que les choses nous soient imposées. Deux idées font leur chemin : la mise en place d’un indice de complétude qui est indispensable à l’opposabilité et l’instauration d’un contrôle longitudinal qui est une solution possible pour interdire certaines mauvaises pratiques. Avec la base Ademe, nous disposons de l’ensemble des DPE. Grâce à ces données, il est assez facile d’identifier le profil de distribution des étiquettes des logements d’une ville et donc de détecter un diagnostiqueur qui s’écarterait trop de cette distribution. Cela ne couterait pas grand-chose et cela aurait un effet dissuasif.

En cette période de rentrée, et alors que le marché immobilier est en net ralentissement, quelle est votre analyse de l’activité des diagnostiqueurs immobiliers ?

Nous vivons un moment atypique : la santé économique des cabinets de diagnostic est excellente alors que le marché support de notre activité est très dégradé au point que certaines études de notaire et certaines agences immobilières sont dans l’obligation de licencier. Sur 12 mois glissants, la baisse du volume de transactions atteint -10 % et elle devrait s’élever à -15 % en mars 2024. Pour autant, au sein de mon réseau mais aussi pour de nombreux cabinets, nous sommes en croissance de chiffre d’affaires en raison d’opportunités conjoncturelles. En premier lieu, l’interdiction de location conduit les bailleurs à faire des diagnostics qu’ils ne faisaient pas toujours auparavant. Sans cette interdiction de louer, soyons lucides, les volumes de diagnostics en location ne seraient pas en hausse de 15 à 20%. Cela compense la baisse des ventes. En second lieu, l’audit énergétique représente une activité très rémunératrice, si bien qu’au sein du réseau Diagamter, sur la période avril-juillet, nous enregistrons des hausses de chiffre d’affaires de 15 à 20% par rapport à l’an dernier.

Mais il ne faut pas tomber dans l’euphorie. C’est le plus souvent la conjoncture réglementaire qui soutient notre activité et pas forcément le fruit d’une stratégie particulière. La réglementation nous apporte de l’activité et des revenus, acceptons aussi que cette réglementation nous apporte des contraintes. Ce surplus de revenus est une aubaine alors que s’annonce l’augmentation des coûts de certification. Il serait judicieux de le consacrer à renforcer en fonds propres les entreprises pour financer les investissements futurs sur la qualité, car le contexte pourrait être moins favorable dans quelques mois.

Le maitre mot des prochaines années, c’est : qualité !

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Un commentaire

  • ETIC a écrit

    çà y est, c’est dit, le modèle SOLO a ses limites …
    il y a bien un objectif caché d’éliminer les indépendants, en total raccord avec la politique Macron.
    Ces nouveaux process sont insoutenables financièrement et logistiquement pour un solo, adieu les anciens …

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