THIERRY MARCHAND : « LA RÉALISATION DES DPE S’EST AMÉLIORÉE, MAIS TOUS LES PROBLÈMES NE SONT PAS ENCORE RÉSOLUS » Interview

Thierry Marchand - DPE
Publié le par Mathias LOVAGLIO

Thierry Marchand, diagnostiqueur indépendant et ancien président de la CDI FNAIM, réagit aux dernières statistiques faisant état d’une diminution du nombre de passoires énergétiques et dans lesquelles il voit le résultat du travail mené par la filière pour améliorer la qualité des DPE. Pour autant, des réflexions sont encore nécessaires pour traiter certaines problématiques comme les logements de petites surfaces ou le bâti ancien, sujets sur lesquels il nous livre son analyse.

Thierry Marchand, que vous inspirent les dernières estimations de l’Observatoire national de la rénovation énergétique qui font état d’une baisse de 7% du nombre de passoires thermiques ?

L’ONRE a en effet comptabilisé 400 000 passoires énergétiques de moins parmi les résidences principales entre le 1er janvier 2022 et le 1er janvier 2023. Il convient bien évidemment de s’en féliciter, même s’il ne faut pas seulement y voir les effets d’un effort mis sur la rénovation énergétique des logements en 2022. Cette diminution est aussi le fruit des actions mises en place sur le DPE et sa réalisation. Tout d’abord, dès septembre 2021, un travail a été effectué, notamment par la FIDI et la CDI FNAIM, pour recadrer le DPE 2021 qui était alors mal calibré pour certaines typologies de bâtiment. Plusieurs sujets ont été retraités en novembre 2021, comme le doublage des murs ou des problématiques de ventilation, permettant de corriger les anomalies constatées. Or, la précédente étude de l’ONRE était essentiellement basée sur des DPE réalisés avant ces corrections avec, pour conséquence, une surestimation du nombre de passoires thermiques. Désormais, nous retrouvons un niveau plus cohérent, autour de 4,8 millions de passoires énergétiques, qui correspond aux estimations faites au moment de l’élaboration de la loi Climat et résilience. Mais ce n’est pas la seule raison. Il y a également eu une prise de conscience de la part de la profession des diagnostiqueurs immobiliers pour proposer un DPE le plus juste possible, mais aussi de la part des propriétaires, même si cette prise de conscience est venue plus tardivement et n’est pas encore pleine et entière. Tous ces éléments ont contribué à améliorer la réalisation des DPE et donc à obtenir une meilleure vision du parc de logements.

Pourtant certains freins semblent perdurer, plus particulièrement dans les copropriétés où les diagnostiqueurs n’ont pas toujours accès à l’ensemble des informations utiles à la réalisation des DPE ?

Le problème avec les copropriétés c’est que les syndics n’ont pas encore mis en place les DPE collectifs. Comme ils ne connaissent pas toujours la nature des immeubles, la SHAB totale ou encore les équipements en place, les diagnostiqueurs manquent d’informations. Tant que les DPE collectifs n’auront pas été réalisés dans les règles de l’art, nous rencontrerons des difficultés pour connaitre avec exactitude les éléments permettant d’être plus précis dans les DPE individuels.

Des travaux sont actuellement menés pour corriger la pénalisation de certains types de biens comme les logements de petites surfaces ou le bâti ancien. Que pouvez-vous nous en dire ?

La réalisation des DPE s’est certes améliorée, mais ce n’est pas pour autant que tous les problèmes sont résolus. Dans les logements de petites surfaces, les estimations de consommations énergétiques sont principalement défavorisées par la production d’eau chaude sanitaire. L’application d’un coefficient de pondération en fonction de la surface du logement devrait être envisagée, mais cette solution me parait insuffisante. Je pense qu’il faudrait plutôt adopter des seuils de consommation énergétique et d’émissions de gaz à effet de serre différents pour les logements de petites surfaces, comme pour les logements en altitude, en ne tenant compte que des impacts de la consommation d’eau chaude sanitaire. Ainsi, nous conservons la prise en compte de l’effort de rénovation déjà réalisé et la qualité de l’isolation existante du logement. Pour régler ce problème, il est souhaitable qu’un arrêté modificatif soit présenté le plus rapidement possible.

Concernant le bâti ancien, le ministère semble préférer miser sur la montée en compétences des diagnostiqueurs. La formation actuelle n’aborde que très peu le bâti ancien et, la plupart du temps, l’examen de certification DPE ne contient que peu ou pas de questions sur ce sujet. Avec le nouveau régime de certification DPE, mais aussi avec le futur décret compétences de l’audit énergétique, la problématique du bâti ancien sera plus présente. Les OF vont devoir adapter leur formation, tout comme les OC devront le faire pour les examens de certification. Il n’est plus question de modéliser les bâtiments anciens en appuyant sur une simple touche. Les diagnostiqueurs devront utiliser leurs connaissances et les outils disponibles pour calculer plus précisément la résistance thermique de chaque mur en tenant compte des caractéristiques propres à la typologie des matériaux utilisés dans le bâti ancien.

Que pensez-vous des reproches émis par de nombreux professionnels qui jugent les recommandations du DPE peu pertinentes, notamment en poussant à l’installation d’une pompe à chaleur ?

Il faut arrêter d’utiliser les systèmes d’automatisation des recommandations proposés par certains logiciels. Les recommandations doivent se faire au cas par cas. Il est important de bien comprendre comment s’articule le dispositif de rénovation énergétique. Si l’objectif est bien que tous les logements tendent vers la classe B, des exceptions aux critères de la rénovation énergétique performante précisées au décret du 8 avril 2022 doivent être prises en compte pour l’établissement du DPE comme pour l’audit énergétique. La rénovation énergique performante, définie à l’article L-111-1 du CCH, est qualifiée si les six postes de travaux de rénovation énergétique suivants ont été étudiés et analysés : l’isolation des murs, l’isolation des planchers bas, l’isolation de la toiture, le remplacement des menuiseries extérieures, la ventilation, la production de chauffage et d’eau chaude sanitaire ainsi que les interfaces associées. Selon le contexte, cette rénovation énergétique performante peut très bien être atteinte avec une classe C, voire une classe D.

Pour revenir au cas des pompes à chaleur, leur installation est impossible dans l’immense majorité des immeubles collectifs et notamment en copropriété. Il ne faut pas oublier que si le diagnostiqueur recommande une pompe à chaleur, son installation doit être possible. Même si les recommandations de travaux ne sont pas opposables dans le DPE, sa responsabilité pourrait être recherchée par l’acquéreur. Celui-ci pensait acheter un logement pouvant atteindre la classe B en suivant les préconisations du DPE, il s’aperçoit qu’il ne pourra pas les mettre en œuvre, et c’est souvent le cas avec les PAC dans un immeuble en copropriété. Le diagnostiqueur, en tant que sachant, doit remplir son rôle et respecter son devoir de conseil et, dans ce cas, l’information rendue n’a pas été délivrée de manière loyale.

Le DPE n’est pas qu’un simple diagnostic immobilier de plus, la classe de performance du logement soumet son propriétaire à de nombreuses contraintes et influe fortement sur sa valeur vénale. Dans notre société, le rôle du diagnostiqueur s’est considérablement accru avec le nouveau DPE. Cette étude de l’ONRE met en lumière cette évidence.

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