A. CHALUT (WTW) : « JE SUIS CONVAINCU QUE LA PROFESSION DE DIAGNOSTIQUEUR RESTE ASSURABLE » Profession

Alain Chalut (WTW)
Publié le par Mathias LOVAGLIO

Alain Chalut, directeur du pôle professions réglementées chez le courtier en assurance WTW, estime que le marché de la RC Pro des diagnostiqueurs est dans une situation compliquée. Il reste cependant optimiste pour l’avenir en misant à la fois sur la plus-value des courtiers, la mutualisation des contrats et le sens des responsabilités des diagnostiqueurs.

Alain Chalut, quel regard portez-vous sur la situation actuelle du marché de la RC Pro des diagnostiqueurs ?

Nous sommes sur un marché qui a déjà connu des fluctuations. Dans les années 2010, un assureur a décidé de conquérir des parts de marché en RC Pro sans en apprécier les risques. Il y a eu un effet d’aubaine pour les assurés car cela a fait baisser les prix. Mais lorsque cet assureur s’est retiré au bout de trois ou quatre ans en résiliant l’ensemble de son portefeuille, beaucoup de professionnels se sont retrouvés sans couverture. C’est le rôle des intermédiaires de challenger les compagnies d’assurance pour que le prix soit le plus juste, mais la RC pro requiert un engagement des assureurs sur la durée. Ces assureurs qui tentent des coups et qui, ensuite, se retirent très vite, perturbent le marché. Quelques nouveaux acteurs émergent régulièrement et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, ils se retirent rapidement devant la fréquence de la sinistralité qui est supérieure à celle des autres professions réglementées. Cela n’a rien de surprenant quand on connait la nature de l’activité.

La situation actuelle est la conséquence de ce mouvement de baisse tarifaire qui ne correspondait pas à la réalité des risques. Et le retrait de MMA, reconnu comme un spécialiste de la RC Pro, a forcément suscité de l’inquiétude chez les autres assureurs. Actuellement, il reste cependant des acteurs de référence qui connaissent bien le risque de la profession. Mais leur politique de souscription est restrictive. Ils sont très regardants sur la qualité du risque et examinent de près la sinistralité.

Pour autant, je demeure convaincu que ce risque reste assurable, mais il est normal que l’assureur ne couvre pas n’importe qui, à n’importe quelles conditions. Il devient donc plus sélectif et le prix doit être adapté au risque.

Selon vous, le risque que des diagnostiqueurs ne puissent plus se faire assurer est-il fondé ?

Clairement non ! Certes, nous nous sommes retrouvés dans une situation compliquée l’an dernier car les assureurs de référence avec qui nous travaillons avaient peur. Ils avaient tendance à ne plus accepter de nouvelles souscriptions. C’est le paradoxe de l’assureur : quand il assure très peu de professionnels, il estime qu’il ne mutualise pas assez les risques et quand il en assure beaucoup, il trouve que son exposition aux risques est trop importante… Notre optique est de travailler avec des assureurs reconnus sur le marché car nous voulons nous engager sur la durée de manière pérenne.  Assurer une activité pendant deux ou trois ans, ce n’est pas rendre service à des professions réglementées. Mais il est vrai que les règles de souscription se sont durcies.

La profession a une image parfois dégradée dans la presse. Avec les nouvelles réglementations, de plus en plus de missions importantes, notamment dans le cadre de la transition énergétique, sont mises à la charge des professionnels et, en cas de difficulté, on se tourne vers celui qui est assuré. Le risque est de voir le coût de l’assurance devenir disproportionné par rapport au chiffre d’affaires.

Dans ce contexte, notre rôle d’intermédiaire est de démontrer que le risque reste assurable. Mais pour cela, il faut tout d’abord bien le connaitre. Nous gérons la RCP de plusieurs centaines de diagnostiqueurs depuis de longues années et, à travers notre délégation de gestion des sinistres, nous avons une connaissance fine de la sinistralité. La principale mise en cause concerne l’amiante avant-vente qui représente un quart des dossiers et 40% de la charge. Ensuite, viennent les diagnostics termites et états parasitaires avec un quart des dossiers et un 25% de la charge, puis la loi Carrez avec 10% des dossiers et 15% de la charge, et, enfin, le DPE avec 10% des dossiers mais seulement 3% de la charge. Nous notons un frémissement sur le DPE, mais nous sommes loin d’une déferlante de dossiers sinistres. Nous restons finalement sur des choses relativement classiques, même si, pour l’audit énergétique, nous manquons encore de recul. Tout cela demeure gérable, quantifiable et donc assurable et c’est ce que nous expliquons aux assureurs qui se montrent frileux.

En tant que courtier, comment inciter les assureurs à se maintenir ou à se positionner sur le marché de la RC Pro des diagnostiqueurs immobiliers ?

Nous misons sur la mutualisation du risque en privilégiant les contrats groupes et les réseaux. Si l’assureur gère un gros portefeuille, il peut répartir les éventuelles majorations afin que tout le monde puisse les supporter. Cela facilite le placement du risque. En termes de prévention, les réseaux de diagnostiqueurs jouent également un rôle important puisqu’ils sont souvent organismes de formation et ils peuvent vérifier  que le professionnel met à jour ses compétences. Indépendamment de cet aspect, ils peuvent aussi dispenser des bonnes pratiques et, de notre côté, nous pouvons les aider par notre expérience des dossiers sinistres. Nous pouvons détecter, grâce à nos analyses statistiques, le professionnel qui est confronté à plus de sinistres et  réguler le phénomène par l’accompagnement du réseau avec des mesures de prévention. Ce genre de suivi est efficace et apprécié de l’assureur.

Comme pour toutes les professions réglementées avec lesquelles nous travaillons, l’accompagnement du courtier est fondamental. C’est une plus-value que nous apportons pour ne pas qu’une fédération ou un groupement se retrouve seul face à un assureur qui n’aura pas une vision éclairée des choses.

La situation serait donc plus difficile pour les petits indépendants non franchisés, non adhérents à une fédération, que pour les autres ?

Je n’ai pas d’éléments statistiques qui indiqueraient que les uns sont plus à risque que les autres. En revanche, les assureurs font bien une distinction en pratiquant généralement des conditions de souscription plus sévères pour les indépendants. Au premier sinistre, cela va aussi être plus compliqué. Même si le risque n’est pas forcément moins important dans le cadre des groupements avec une mutualisation, il est plus maîtrisé et l’assureur en tient forcément compte dans son approche.

Quoiqu’il en soit, les réseaux sont souvent composés de petites structures qui ne pourraient supporter un coût d’assurance de 4 ou 6 000 € par an. En dehors de la mutualisation des risques, le développement des bonnes pratiques, la formation aux nouvelles obligations ou, inversement, le choix de ne pas se positionner sur des missions lorsque le professionnel ne dispose pas des compétences nécessaires, concernent tous les diagnostiqueurs. Ce sont des éléments cruciaux pour conserver la confiance des assureurs.

La situation est délicate, mais l’avenir ne me semble pas si sombre. Il y a beaucoup de choses à faire et l’activité et les missions vont se développer. Avec un bon accompagnement, il n’y a pas de raisons que cela se passe mal.

L’audit énergétique réglementaire est-il une inquiétude pour vous ?

Je pensais que les assureurs allaient se montrer plus réticents, mais nous n’avons pas eu de difficultés à faire modifier nos contrats pour y intégrer l’audit. Si le professionnel respecte bien les contours de l’audit et se cantonne à ce que pour quoi la réglementation a prévu qu’il soit missionné, notamment en restant bien sur la préconisation de travaux, je suis confiant. Il n’y a pas de raison qu’il y ait une aggravation du risque. Mais seul l’avenir nous dira si nous avons raison.

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