CROISSANCE EN BERNE ET TENSION SUR LES TARIFS, L’ACTIVITÉ DES DIAGNOSTIQUEURS FRAPPÉE PAR LA CRISE Profession

Crise
Publié le par Mathias LOVAGLIO

La crise de l’immobilier impacte depuis plusieurs mois l’activité des diagnostiqueurs. Selon les résultats de notre sondage, la progression du chiffre d’affaires des petits cabinets a considérablement ralenti après des années de croissance, hors épisode Covid. Avec la raréfaction des missions, la concurrence se fait aussi plus rude, sur les tarifs notamment.

Le ralentissement de l’activité se confirme

Par rapport à nos précédents sondages, le ressenti quant à un ralentissement du marché se stabilise à un haut niveau. De 74,1% en janvier 2023 à 87,5% début octobre 2023, les sondés sont désormais 85,1% à constater un ralentissement des mises en vente. Après un pic à 65%, le constat d’une baisse des mises en location décroit à 58% mais reste tout de même largement plus élevé qu’il y a un an (39%).

Parallèlement, les sondés sont un peu plus nombreux que l’an dernier à percevoir un ralentissement des missions avant travaux/démolition, près de 40% contre 34% début 2023, tandis qu’ils sont plus partagés sur les missions « immeubles » dont l’activité est probablement soutenue par l’entrée en vigueur de la réglementation sur le DPE Collectif (un tiers ressent un ralentissement, un autre tiers une stabilisation et un dernier tiers une augmentation de l’activité sur ce domaine).

Par conséquent, on note logiquement des évolutions quant aux activités qui paraissent les plus porteuses sur le secteur d’intervention des sondés en 2024. Les missions vente/location perdent ainsi près de 11 points par rapport à l’an dernier et chutent à 40,5%. Les missions avant travaux/démolition se tassent également à 23,4% (- 5 points par rapport à 2023) et l’audit énergétique obligatoire se stabilise autour de 45%, comme avant sa mise en place. Mais de nouvelles opportunités semblent s’ouvrir. En premier lieu, la modification du dispositif Ma Prime Rénov’ (MPR). Près d’un diagnostiqueur sur deux considère ainsi que la réalisation de DPE et d’audits énergétiques dans le cadre de MPR constitue une activité porteuse pour 2024. L’intérêt pour les missions immeubles progresse également par rapport à 2023. 29,5% des sondés estiment qu’elles peuvent être un relais de croissance en 2024 contre 20,5% l’an dernier.

Bien évidemment, ces opportunités restent conditionnées au contexte local. Si l’on prend l’exemple du marché francilien, les activités jugées les plus porteuses diffèrent grandement des moyennes nationales : 22,5% pour les missions vente/location (32,7% en 2023), 45% pour les missions immeubles (+12 points par rapport à 2023).

À la recherche de relais d’activité

Nous l’avions déjà évoqué en octobre dernier à l’occasion de la restitution d’un précédent sondage : face à la crise de l’immobilier, les diagnostiqueurs s’adaptent. Une démarche qui se confirme puisque 54,3% des sondés envisagent de développer une diversification ou une spécialisation sur une ou plusieurs activités en 2024. Conscients des opportunités offertes par la rénovation énergétique, c’est ce domaine que plébiscitent les diagnostiqueurs qui aspirent à se positionner sur de nouvelles missions (DPE et audit pour MPR, MAR, conseils, etc.) : 57,6% des sondés qui envisagent une diversification/spécialisation et près d’un tiers du total des sondés. Avec le déploiement des projets de PPT et le DPE collectif, les missions à l’immeuble s’installent comme la deuxième voie de diversification (38,2% des sondés souhaitant se diversifier, 21% de l’ensemble du panel). « Les DPE projetés et les avant travaux sont des missions qui sont de plus en plus demandées par les particuliers. Le DPE Immeuble est un diagnostic qui devient obligatoire avec le PPPT, les syndics commencent à être demandeurs », résume l’un des sondés.

La croissance, c’est fini ?

Ces dernières années, hors période Covid, les différentes études réalisées sur la filière du diagnostic immobilier ont fait état d’un marché en croissance, souvent comprise entre 5 et 10% par an. L’an dernier encore, dans notre sondage sur le bilan de l’activité 2022, nous mesurions une croissance médiane du chiffre d’affaires des entreprises de diagnostic immobilier de l’ordre de 5%. En 2023, celle-ci ne serait plus que de 2% en raison notamment d’une augmentation importante de la part des sondés déclarant une baisse de CA (35,75% contre 25,5% pour l’année 2022).

Si l’on observe les évolutions par grandes typologies de mission, le ralentissement de la croissance du chiffre d’affaires des entreprises est généralisé. En témoigne la comparaison des évolutions médianes de CA : +0,5% pour l’avant vente/location (+3% en 2022), +1% pour l’avant travaux/démolition (+7% en 2022) et +1% pour les missions immeubles (+3% en 2022). Certaines régions où la concurrence est forte et le marché immobilier le plus contracté apparaissent même en récession sur l’avant vente/location à l’image de l’Île-de-France où le CA généré par ces missions connait une baisse médiane de 6,25% d’après nos sondés.

Solos, franchises, toutes les entreprises ne paraissent pas logées à la même enseigne

Mais on observe des tendances diamétralement opposées si l’on analyse un peu plus finement les résultats du sondage. Ainsi, l’écart que nous relevions déjà l’an dernier entre les diagnostiqueurs solos et les franchises (certains pouvant bien entendu appartenir aux deux catégories) se creuse comme en atteste le tableau ci-dessous. Alors que le CA de l’ensemble des solos ne semble plus progresser, celui des franchisés connait une hausse de 15% !

Évolution du CA Diagnostiqueurs solos Diagnostiqueurs franchisés
2023 2022 2023 2022
Hausse 40% 50% 80,5% 64,5%
Stable 14,5% 21% 3% 16,7%
Baisse 45,5% 29% 16% 18,75%
Médiane 0% +3,5% +15% +11%

 

Naturellement, ces résultats disparates impactent différemment la confiance des chefs d’entreprise. Certes, la baisse de confiance est globale : 25% des sondés se disent confiants (33,2% il y a un an) contre 46,1% qui se disent inquiets (37,4% début 2023). Mais l’inquiétude grandit chez les solos (44,3%, +5,6 points) alors qu’elle diminue chez les franchisés (26,6%, -5,4%). Ces derniers sont surtout 50% à n’exprimer ni inquiétude, ni confiance pour 2024.

Les sondés les plus confiants mettent en avant les divers relais de croissance qui s’offrent à eux comme les diagnostics des copropriétés ou « l’ouverture du marché de la rénovation énergétique (DPE et Audit) qui diminue la dépendance au marché vente/location actuellement en chute », explique l’un d’entre eux. Certains pensent également que le pire est passé et espèrent un redémarrage du marché immobilier dès 2024. Enfin d’autres sondés mettent en avant leur ancienneté, leur notoriété et la solidité de leur réseau de prescripteurs, les entreprises les mieux installées et les plus structurées paraissant mieux tirer leur épingle du jeu.

Du côté des inquiets, la situation semble particulièrement difficile pour certains sondés qui évoquent le risque d’un arrêt d’activité si le marché ne s’améliore pas. Plusieurs relaient des pertes importantes de CA (-40%, voire -70%), « un téléphone qui ne sonne plus du tout » et des difficultés à se verser un salaire. Même pour ceux qui ont enregistré une petite croissance, celle-ci se retrouve vite amputée par les augmentations de charges (assurance, inflation et bientôt le renforcement de la certification DPE/Audit) : « Nous sommes écrasés par la règlementation et les nouvelles normes, notre responsabilité est de plus en plus engagée dans les process de vente, nos primes d’assurances ne cessent d’augmenter et bien sûr le système de recertification qui nous met à mal régulièrement ; le métier est de moins en moins attractif ».

« Quand le marché se tend, certains ont tendance à casser les prix pour travailler… »

Les commentaires sur les « casseurs de prix » (et de qualité) reviennent régulièrement dans nos sondages. Mais, force est de constater qu’ils atteignent une proportion plus importante qu’à l’accoutumée. Le ralentissement de l’activité semble en effet inciter certains à brader leurs tarifs pour obtenir des missions, une stratégie particulièrement risquée à l’heure où les charges augmentent. C’est ce qui ressort en tout cas de nombreux témoignages dont voici quelques extraits :

  • « Beaucoup de personnes en reconversion se sont formées au métier du diag. Merci Pôle Emploi qui vante le métier de diagnostiqueur comme la poule aux œufs d’or… Cependant, ces nouveaux arrivants dans le secteur, pour se faire une place, cassent les prix et au final font du mal à la profession. Pour preuve, je reçois énormément de candidatures spontanées par mail, également des demandes de stage. J’ai formé pendant 2 semaines une personne qui souhaitait « soi-disant » racheter ma société…au final c’était pour monter sa propre structure.»
  • « J’ai moins de demandes de mes prescripteurs, ralentissement des ventes et locations sur la commune de Cognac. Je n’ai pas augmenté mes tarifs depuis 3 ans… voire à la baisse sur certaines demandes pour valider les devis, parce que certaines entreprises pratiquent des prix très bas pour prendre les missions en ces temps difficiles. La société a 19 ans cette année et c’est la première fois que je m’inquiète, heureusement que je travaille seul. Les nouvelles réformes de formation et certification DPE qui vont engendrer des coûts importants m’inquiètent également.»
  • « Obligation de travailler sur des plateformes réseau d’agences immobilières qui imposent une tarification dégradée, moins 65 % par rapport à ma tarification habituelle. Impossible de survivre dans ces conditions, c’est un scandale.»
  • « Durcissement du marché et une concurrence en développement due à la crise et aux reconversions, voire au double travail.»
  • « Maintenant il y a un diagnostiqueur dans chaque village de mon secteur, le métier est saturé d’incompétents prêt à tout pour survivre, dans un tel contexte, les tarifs, déjà bien indigents en temps normal, s’effondrent, pour le seul profit des clients !»
  • « Baisse des prix des diagnostics par des sociétés avec employés qui brassent du diagnostic de basse qualité…. Invasion du marché par des nouveaux diagnostiqueurs avec des centres de formation qui forment à tout bout de champ et en grosse quantité… »
  • « Les tarifs agressifs appliqués par certains confrères rend la crédibilité de notre travail compliquée, et de ce fait il est difficile de remporter des missions»
  • « Marché détruit par les majors», « marché plus dur, regroupement des grosses enseignes avec rachat des petites », « il n’y a pas beaucoup de travail et la concurrence décide encore de baisser les tarifs, ce qui est une mauvaise tactique à mon avis » …

Ainsi, dans ce contexte difficile, beaucoup expriment le sentiment de « travailler plus pour gagner moins… », même si toutes les entreprises ne ressentent pas avec la même intensité les effets de la crise de l’immobilier. En espérant que celle-ci ne perdure pas…

Sondage réalisé du 10 au 23 janvier 2024 auprès de 270 chefs d’entreprise de diagnostic immobilier dont : 13% de franchisés (17% en 2023), 48% de solos (49% en 2023), 8,9% ont débuté leur activité en 2023 (9,9% en 2023).

Avec l’émergence du marché de la rénovation énergétique et le contexte économique, les diagnostiqueurs ont vécu une année de rupture en 2023. Analyse et prospective avec Guillaume EXBRAYAT, mercredi 7 février à 9h30.

Cet article vous a plu ? Partagez-le !

Un commentaire

  • Hervé LEFEBVRE a écrit

    Et oui, c’est la crise! il faut aller avec les agriculteurs et les pécheurs. On peut peut être avoir un chèque à la con de la part du gouvernement pour compenser les pertes du à la chute de l’immobilier. Tout le monde dit que ca va repartir??? ils se basent sur quoi?
    Faites moi rire, on est en plein dans la m…
    Si ca continue, je ferme à la fin de l’année et bon courage à tous.

Laisser un commentaire

EXIM

NOS OFFRES D'ABONNEMENT