H. BUZY-CAZAUX : « LES DIAGNOSTIQUEURS DOIVENT DEVENIR DES AUXILIAIRES DE L’ACTION PUBLIQUE RECONNUS ET APPRÉCIÉS » Profession

Publié le par Mathias LOVAGLIO

À l’occasion de la convention nationale du réseau de franchises Diagamter/Aléas Contrôles (Nice, 20-22 janvier 2023), Henry Buzy-Cazaux a tenu une conférence sur la raison d’être des diagnostiqueurs immobiliers, acteurs clé de la transition environnementale. Le président-fondateur de l’Institut du management des services immobiliers (IMSI), également membre du Conseil national de l’habitat, a défendu une profession d’intérêt général et dont dépend la réussite des politiques publiques des prochaines années.

Une perception schizophrénique des diagnostiqueurs immobiliers

Lors de sa conférence et devant une assemblée attentive, Henry Buzy-Cazaux a tout d’abord évoqué la position délicate des diagnostiqueurs immobiliers au sein de chaine immobilière depuis l’émergence de la profession. Si leurs missions au service de l’intérêt général répondent à des besoins partagés, elles continuent néanmoins d’être majoritairement perçues comme des éléments embarrassants : « Vous êtes mal nés car vous êtes nés sous la forme d’une obligation avec la loi Carrez. Tout ce qui est obligatoire, même si c’est nécessaire d’en passer par là, est embêtant. Vous êtes arrivés comme des intrus dans la chaine de valeur, provoquant la double mésestime des professionnels, mais aussi de l’opinion publique qui n’est pas à un paradoxe près : alors qu’elle attendait de la transparence, elle vous trouve tout de même embarrassants car vous générez une augmentation du prix et un acte de plus à faire. Ce problème, vous avez imaginé qu’il allait se régler avec le temps, mais cela n’a pas vraiment été le cas ».

Selon Henry Buzy-Cazaux, la transition environnementale aurait dû constituer une opportunité de valoriser l’apport des diagnostiqueurs immobiliers, mais les choix législatifs et réglementaires qui ont été faits n’ont pas entrainé les effets bénéfiques escomptés : « la transition environnementale est une aspiration profonde, mais le choix du législateur français a été d’en faire une série de textes qui créent des obligations plus ou moins dures, à l’image de la loi Climat et résilience. Vous voilà donc au cœur de l’aspiration profonde, mais votre position est encore plus compliquée. Auparavant, vous identifiiez les faiblesses des logements, mais il ne fallait pas forcément y remédier. Aujourd’hui, vous êtes des acteurs de la connaissance pour le changement écologique des logements, avec un impact économique lourd en raison du coût de la mise en œuvre du traitement (entre 25 et 40 000 euros pour sortir du statut de passoires énergétiques). Et cela va s’aggraver avec l’audit énergétique et la prescription de travaux ».

Repenser sa mission au service de l’intérêt général

Au passage, Henry Buzy-Cazaux n’épargne pas les pouvoirs publics, responsables de l’impréparation et des faux pas du nouveau DPE et de l’audit énergétique réglementaire : « il y a eu une approche très technocratique qui a conduit à ce que l’on peut appeler un scandale. Emmanuelle Wargon a eu de la chance d’être épargnée. La campagne de réédition des DPE a coûté 10 millions d’euros et encore c’est parce que le tarif qui a été négocié ne l’a pas été à un niveau très élevé. Parce qu’on avait mal travaillé, on a fait payer les Français. En outre, on a fait porter le poids des erreurs des pouvoirs publics sur les diagnostiqueurs immobiliers qui en paient le prix en termes d’image ».

Tout l’enjeu pour les diagnostiqueurs immobiliers réside désormais dans le fait de « réussir à devenir de plus en plus des auxiliaires de l’action publique, incontestable et voulue par l’opinion, tout en étant appréciés ». Cela passe inévitablement par un véritable questionnement sur la raison d’être de la profession et sa relation à l’intérêt général.

« Je me bats pour que les diagnostiqueurs aient un siège dans les instances consultatives qui comptent »

Le président de l’IMSI n’a pas éludé les débats actuels sur la compétence des diagnostiqueurs. « Quand il y a des dysfonctionnements sur des enjeux aussi importants que les vôtres, il ne faut pas nier certaines choses. La presse consumériste appuie là où ça fait mal car c’est son boulot et c’est pour ça qu’elle est lue. Quand je veux acheter un aspirateur, je n’attends pas d’elle qu’elle fasse l’apologie de tous les aspirateurs. Les enjeux que vous maniez, avec leurs conséquences économiques et sanitaires, font qu’on ne peut pas plaisanter, ni transiger avec cela. Comment réagir ? La première des réponses c’est de se dire que vous êtes chacun co-responsable de l’image de la profession. Deuxièmement, il faut que votre filière professionnelle se structure et s’identifie. Il vous manque aujourd’hui des parcours de formation pour attirer les jeunes. La profession doit se régénérer avec des jeunes et pas seulement avec des personnes issues d’une reconversion professionnelle. Il faut des parcours professionnels, un BTS, un bachelor ou une licence professionnelle, avec des diplômes reconnus par l’État. C’est ainsi que l’on crée véritablement une profession et qu’on la rend crédible. Il faut également créer une convention collective. Et enfin, il faut une reconnaissance publique que vous n’avez pas. Je me bats pour que vous ayez un siège dans les instances consultatives qui comptent auprès du gouvernement, comme le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE). C’est une nécessité afin de peser dans les décisions, de coproduire les textes et d’être reconnus ».

Vers des relations apaisées avec les acteurs de l’immobilier

Henry Buzy-Cazaux ne partage pas le vent de fronde contre le calendrier de la rénovation énergétique des bâtiments : « Même si je mesure les difficultés, je ne partage pas les discours des grandes organisations professionnelles de l’immobilier qui veulent remettre en question le calendrier de la loi Climat et résilience, impactant pour les bailleurs et les copropriétés. Quand on annonce deux ans, trois ans, dix ans avant les échéances qu’on ne les atteindra pas, on peut se demander si finalement l’envie est réellement là. Évidemment que le Parlement, si cela n’a pas marché, assouplira les échéances. Mais si on ne fixe pas de cap, on n’y arrivera jamais. Nous avons besoin de cette chronologie impérative. Il faut que les organisations professionnelles inversent leurs discours et se montrent enthousiastes et cessent de donner le sentiment que tout cela n’est que de l’embarras. Le sujet c’est l’urgence climatique et, avec elle, c’est votre raison d’être qui se renforcera toujours plus ».

Pour Henry Buzy-Cazaux, les mesures concernant les copropriétés sont d’ailleurs une occasion unique de faire évoluer les relations qu’entretiennent les diagnostiqueurs immobiliers avec certains acteurs, en premier lieu les syndics dont le métier va connaitre une mutation profonde et positive : « Jusqu’à présent, le syndic était un gestionnaire du quotidien, avec le nez sur son tableau de bord et des copropriétaires qui font tout pour qu’il garde le nez sur son tableau de bord. Avec la loi Climat et résilience, le syndic devient le conducteur et doit regarder la route à un horizon d’au moins dix ans. Le syndic va devoir trouver le bon professionnel car les enjeux vont être énormes. Vous allez devenir le partenaire de cette transfiguration de leur métier car c’est à vous qu’ils vont transférer ces nouvelles problématiques. Ils vont avoir l’occasion de prendre des honoraires sur des opérations de suivi de travaux importants et vous serez à l’origine de ce qui peut leur permettre de très bien gagner leur vie par vos constats, vos conseils et votre accompagnement. Ils ont encore beaucoup de mal à s’en rendre compte et c’est à vous de leur faire prendre conscience de cette transformation ».

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