JEAN-CHRISTOPHE PROTAIS (SIDIANE) : « IRRÉALISTE ET INSOUTENABLE » Profession

Publié le par Mathias LOVAGLIO

Jean-Christophe Protais, président de SIDIANE, livre son sentiment sur les mesures du plan d’action de la DHUP pour la fiabilisation du DPE et revient plus en détail sur les propositions alternatives présentées collectivement par la filière.

Quel regard portez-vous sur l’avancée du plan d’action pour l’amélioration de la qualité des DPE de la DHUP ?

Pour que le DPE s’affirme comme la pierre angulaire de la rénovation énergétique des logements, il est impératif d’avoir un outil qui soit fiable. Deux études ont été menées par SIDIANE. Elles confirment, le manque de fiabilité du DPE pour au moins trois raisons. La première relève des pratiques et de la méthodologie des diagnostiqueurs qui ne sont pas forcément toujours les mêmes, y compris au sein d’une même entreprise. La seconde concerne les propriétaires qui ne fournissent pas toujours l’intégralité de la donnée ce qui laisse la place à l’interprétation, soit en recourant aux valeurs par défaut, soit en formulant des hypothèses qui peuvent être différentes d’un diagnostiqueur à l’autre. Enfin, l’outil est en lui-même encore perfectible.

Nous soutenons les travaux du plan de fiabilisation engagé par la DHUP au cours duquel les différents acteurs de la filière ont été individuellement consultés. Mais, soyons clairs, le projet d’arrêté présenté par la DHUP ne nous convainc pas sur le fond. Pour le moment, la DHUP ne s’intéresse exclusivement qu’aux diagnostiqueurs ce qui est réducteur, voire dangereux.

Quels sont les reproches que vous faites au projet d’arrêté et quelles propositions alternatives avez-vous soumis à la DHUP ?

Dans sa version actuelle, le projet d’arrêté renforce de manière très significative la formation initiale, durcit les examens ainsi que l’accès à la certification. Globalement, nous sommes d’accord. Le renforcement de la formation continue nous parait trop lourd. Avec une journée de formation continue par an, plus une seconde pour ceux qui sont certifiés avec mention, on pénalise les bons diagnostiqueurs. Qu’il y ait des formations de temps en temps pour les rafraichir ou lorsqu’il y a des évolutions réglementaires, oui, mais pas tous les ans. Deux périodes de formation continue sur le cycle nous paraissent suffisantes avec, ce que l’on avait imaginé et qui a été repris par la DHUP, un cas test, c’est-à-dire un cas théorique qui peut être fait à distance, qui ne coûte pas cher et qui permet de détecter les diagnostiqueurs qui n’ont pas le niveau de compétences attendu. Et, dans ce cas, s’il y a des problèmes de pratique ou de méthodologie, ils devront alors suivre des journées de formation complémentaire.

En ce qui concerne la surveillance, tous les acteurs sont à peu près d’accord : il faut employer des outils adaptés. La première étape jusqu’à la certification sert à garantir la compétence du diagnostiqueur. Ensuite, comme dans tout système d’assurance qualité, il faut un minimum de surveillance pour vérifier que le travail réalisé soit de qualité. Si nous ne le faisons pas, c’est la porte ouverte aux dérives pour une petite proportion de diagnostiqueurs. Cependant, nous ne sommes pas d’accord avec les propositions de la DHUP. Multiplier les CSO et les surveillances documentaires coûte cher, prend du temps et ne sert pas à contrôler les fraudes de quelques diagnostiqueurs isolés qui ternissent l’image de notre profession.

Pour la première fois dans la courte histoire de la filière, tous les principaux acteurs concernés par cette concertation ont été parties prenantes à la définition de mesures alternatives.

Nous nous sommes en effet réunis avec la FIDI, la CDI FNAIM, les OF et les OC afin de formuler des contrepropositions. Nos réunions ont été constructives et nous sommes arrivés à un compromis acceptable. En synthèse : faisons peu, mais faisons ce qu’il faut ! Deux CSO et deux contrôles documentaires par cycle sont suffisants. Ce qui est essentiel en revanche, c’est de mettre en place un contrôle longitudinal à partir des données de la base Ademe afin de vérifier les pratiques du diagnostiqueur, en particulier pour détecter des anomalies, qu’il s’agisse d’erreurs de saisie ou de pratiques frauduleuses. Cela ne couterait pas grand-chose. Sidiane mène une étude avec les DPE de ses membres afin de vérifier si l’on est capable de détecter ces anomalies. Nous testons plusieurs paramètres comme le « phénomène de vague », c’est-à-dire lorsque le diagnostiqueur produit beaucoup d’étiquettes qui sont en limite basse de classe et peu en limite haute de classe, le nombre de DPE faits par jour ou encore la cohérence géographique des interventions quotidiennes. Cela nous parait plus pertinent que les OC soient alertés sur ces éléments lorsqu’il y a des anomalies pour déclencher un contrôle plutôt que de faire un contrôle systématique qui pénalise tout le monde sans forcément permettre d’identifier des pratiques frauduleuses. Il faut se focaliser sur les mauvais diagnostiqueurs.

En résumé, contrôlons les diagnostiqueurs sur la base des données qu’ils produisent, au moyen d’un outil automatique qui ne coûte pas grand-chose et qui détecte un premier niveau d’anomalies. Et si une anomalie est détectée, déclenchons un contrôle pour analyser les problèmes dans le détail. En fonction des conclusions de ce contrôle, imposons au diagnostiqueur des journées complémentaires, voire des sanctions plus lourdes comme la suspension voire la suppression de la certification en cas de pratique frauduleuse.

Comment les OC accueillent-ils l’idée de la mise en place de ce contrôle longitudinal ?

C’est à eux qu’il faut le demander mais après leur avoir exposé dans le détail, il semble qu’ils aient adhéré. De son côté, la DHUP ne trouve pas l’idée saugrenue, mais sa position n’est pas encore très claire. Elle s’interroge aussi sur la possibilité d’utiliser ces données pour faire de la surveillance en raison de l’article L126-32 du CCH qui pourrait bloquer. J’ai cependant l’impression qu’ils vont finir par accepter. Sauf que quand l’arrêté sera sorti, il sera trop tard. Il est essentiel qu’une solution minimale soit validée dès maintenant.

Dans le communiqué de presse commun avec la FIDI, vous appelez de vos vœux un schéma directeur impliquant toute la chaine immobilière. Pour quelles raisons ?

Comme je le disais le diagnostiqueur n’est pas le seul axe pour améliorer les DPE. Même si l’on sort un arrêté compétences qui soit adapté, on n’aura résolu qu’un tiers du problème. Il restera à traiter celui des propriétaires et celui des prescripteurs. Le plan d’action destiné à améliorer la qualité de réalisation des DPE prévoit déjà de la communication, mais ce n’est pas suffisant. On leur a proposé de mettre en place un indice de complétude, un indicateur correspondant au nombre de données fournies par le propriétaire par rapport au nombre de données minimales nécessaires pour faire un DPE de qualité. Cela permettrait au diagnostiqueur de justifier auprès du propriétaire pourquoi la classe énergétique est tirée vers le bas en cas d’indice de complétude trop faible. On espère ainsi l’inciter à aller chercher de la donnée et régler une partie de la problématique « propriétaire ».

Pour la problématique du prescripteur, c’est plus compliqué car il s’agit d’un problème de conflit d’intérêt qui ne devrait pas exister en théorie, mais qui est bien réel dans les faits. Il faut absolument durcir la lutte contre les pratiques de commissionnement qui malheureusement perdurent. Il faut donner plus d’autonomie au diagnostiqueur dans son travail. C’est aussi l’un des principaux avantages du Diagnostic immobilier périodique (DIP) pour lequel Sidiane milite.

Pourquoi avoir fait le choix de communiquer maintenant alors que la concertation est encore en cours ?

Il nous faut absolument défendre les diagnostiqueurs en activité. Si nous ne le faisons pas maintenant, ce n’est pas le lendemain de la publication de l’arrêté qu’il faudra réagir. Le CSCEE (ndlr : le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique) doit également rendre son avis mi-juin et il nous parait important qu’il ait entre les mains nos contrepropositions. Et s’il faut revenir sur le calendrier fixé* par le ministre du logement pour sortir quelque chose de valable, prenons le temps de la réflexion ! D’ailleurs, nous avons travaillé avec les OC et les OF au planning de toutes les tâches élémentaires à mettre en place, et la mise en place d’un échéancier pour une application au 1er juillet 2024 nous parait plus raisonnable. Nous espérons bien en tous cas que la DHUP tiendra compte des remarques des professionnels de la filière dans la version du texte à venir.

*parution de l’arrêté compétence DPE avant l’été et application au 1er janvier 2024

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