MONTANT DE GARANTIE, DÉCENNALE POUR L’AUDIT… L’ASSURANCE DES DIAGNOSTIQUEURS DOIT-ELLE ÉVOLUER ? Profession

Inquiétudes autour de l'assurance RCP des diagnostiqueurs
Publié le par Mathias LOVAGLIO

La problématique de l’assurance des diagnostiqueurs immobiliers n’est pas nouvelle. Entre le retrait de certains acteurs, la hausse des coûts ou encore l’apparition de nouvelles missions comme l’audit énergétique, des réflexions sont nécessaires afin d’adapter les conditions d’assurance et de pérenniser la couverture de la filière sur des bases solides et cohérentes.

Les montants de garantie sont-ils encore adaptés à l’activité des diagnostiqueurs ?

Depuis 2007, une couverture minimale est fixée réglementairement pour les diagnostiqueurs immobiliers (art. R 271-2 du CCH). Ils doivent ainsi souscrire une assurance dont le montant de la garantie ne peut être inférieur à 300 000 € par sinistre et 500 000 € par année d’assurance. En 15 ans, l’activité et les missions des diagnostiqueurs immobiliers se sont cependant étoffées avec, parfois, des enjeux qui se sont amplifiés comme pour le DPE opposable ou l’audit énergétique réglementaire. De là à s’interroger sur l’adéquation des montants minimum de garantie, il n’y a qu’un pas…

Dans une note de synthèse présentée début octobre, le Groupe de travail DPE/Audit du Conseil national de l’habitat (CNH) évoque une sous-estimation des enjeux assurantiels dans les réflexions menées autour du DPE et de l’audit énergétique alors que « le secteur des assurances met un point d’alerte fort » dans un contexte de « méfiance » par manque de recul sur la sinistralité de ces missions. Selon le Groupe de travail, « l’opposabilité (notamment des préconisations) […] pourrait tendre vers une couverture plus grande des préjudices constatés en cas de sinistre. Or les capitaux déclarés sont aujourd’hui insuffisants, et en cas de sinistre, il y a un risque fort que les limites de garanties soient bien inférieures aux préjudices estimés ».

Les montants de garantie ne constituent qu’un plancher

Guillaume Langevin, responsable développement commercial chez Klarity, considère que « le niveau de garantie minimum exigé réglementairement pour la RC Professionnelle des diagnostiqueurs immobiliers est, d’une manière générale, suffisant mais il faut néanmoins nuancer selon le profil de l’assuré. Une société importante ou spécialisée dans des interventions sur de gros chantiers (industrie, immeubles de très grande taille) avec des spécialisations à risques (amiante avant démolition notamment) peut s’exposer à des litiges bien supérieurs à 500 000 € ». Il appartient donc aux assureurs et aux courtiers d’adapter le montant de garantie aux risques de chacun de leur assuré après étude de leur profil. Par exemple, Klarity a prévu deux approches distinctes : « une tarification digitale pour les profils communs (garantie jusqu’à 1 000 000 € par an) et une approche sur mesure avec un niveau de garantie jusqu’à plusieurs millions d’euros pour les profils « grands comptes » afin que chacun soit couvert conformément à son niveau de risques ».

« Ce n’est pas en augmentant les montants de garantie que l’on va réduire la sinistralité », estime pour sa part Richard Morin, dirigeant du réseau BC2E et président de la commission Assurances de la FIDI. « Il y a une grande excitation autour de la mise en place de l’audit énergétique et du DPE « opposable », le DPE l’ayant finalement toujours été, et de l’importance qu’ils prennent dans le processus de transaction. Les montants de garantie, hormis certains cas particuliers et rares, me paraissent suffisants. Pourquoi les augmenter ? Selon moi, le sujet est plutôt ailleurs ».

Lutter contre la sinistralité

Plus que jamais, « rassurer » les assureurs s’impose comme un enjeu majeur pour l’avenir de la filière qui doit faire face à un retrait régulier d’acteurs, certes remplacés par de nouveaux venus, mais qui n’offre pas la stabilité espérée par les diagnostiqueurs. Une revalorisation était vraisemblablement nécessaire pour mettre en cohérence les tarifs des assurances RC PRO avec les risques et la sinistralité réelle des diagnostiqueurs immobiliers. Certains pourront se sentir lésés de payer pour les autres, mais la mutualisation des risques fait partie intégrante de la réflexion des assureurs lorsqu’ils se positionnent sur une profession. De plus, la multiplication des mises en cause n’est pas une problématique propre à la profession de diagnostiqueur, mais bien un phénomène que l’on peut observer dans de nombreux autres secteurs d’activité.

Pour autant, ce nécessaire rééquilibrage n’exclut pas de se pencher sur les causes de la sinistralité. Inquiet des éventuelles difficultés de la filière à assumer une poursuite de l’augmentation des coûts assurantiels, le Groupe de travail DPE/Audit du CNH mise ainsi sur « une professionnalisation forte, des qualifications certifiées et fiables, des contrôles, des données statistiques en nombre suffisant, etc. Les effets d’aubaine rencontrés (formations courtes valant équivalence de diplômes supérieurs, entreprises frauduleuses, diagnostiqueurs œuvrant sans assurance faute de contrôles et de peines suffisantes) contribuent à dégrader l’homogénéité et la fiabilité de la filière ». En résumé, dans l’esprit du Groupe de travail, plus les contrôles et la formation initiale seront sûrs, moins les assurances seront chères, et inversement.

Richard Morin estime que les courtiers et les assureurs devraient aussi faire preuve de plus de vigilance : « J’aimerais que tous mettent de réels moyens d’encadrement de leurs assurés afin de savoir s’ils sont bien couverts pour toutes les missions qu’ils réalisent et s’ils sont bien toujours certifiés ». Il relève également une contradiction entre le caractère personnel de la certification et la couverture assurantielle qui s’applique à l’entreprise : « malheureusement, un salarié qui a trois sinistres dans une entreprise et qui est licencié parce qu’il travaille mal, peut tout à fait s’installer en indépendant, être réassuré, parfois sans aucune pénalité, et continuer à mal travailler. En revanche, l’entreprise verra sa prime augmenter ». Richard Morin compte donc sur l’engagement des assureurs et des courtiers pour exclure les diagnostiqueurs peu consciencieux et peu professionnels. Un pavé jeté dans la mare des organismes de certification à qui ce rôle est en théorie dévolu, mais auquel les assureurs et leurs intermédiaires devraient donc se substituer.

L’audit énergétique et la décennale

Comment mieux lutter contre la sinistralité n’est cependant pas la seule question à résoudre. Une réelle problématique entoure la couverture de l’audit énergétique et un débat sur la nécessité de recourir à une assurance décennale pour cette mission s’est engagé avant même sa mise en place. Le Groupe de travail DPE/Audit du CNH appelle d’ailleurs au dialogue entre l’État et les assureurs afin de « résoudre la question de la nécessité ou non de souscrire une assurance décennale en complément d’une RCP sur les questions de requalification en maîtrise d’œuvre en cas de litige du fait, notamment, des préconisations de travaux ». De son côté, la DHUP étudierait aussi l’hypothèse d’un basculement vers une assurance décennale dans le cadre de ses réflexions sur les évolutions à venir de l’audit énergétique.

Pour Richard Morin, « le fait qu’il y ait besoin d’une décennale pour l’audit énergétique est crédible en soit, même si je vais faire hurler beaucoup de monde. Nous préconisons des orientations pour des rénovations importantes qui peuvent, dans le temps, créer des désordres dans le bâtiment et qui risquent de se retourner contre le diagnostiqueur. Les Bureaux d’études sont aujourd’hui couverts en décennale. Je ne vois pas comment un diagnostiqueur qui fait de l’audit pourrait garantir son client dans de bonnes conditions s’il ne dispose pas d’une assurance à la hauteur de la mission qu’il réalise ».

En tout état de cause, un point d’équilibre doit encore être trouvé entre le coût des assurances et les risques couverts afin de permettre aux diagnostiqueurs et aux assureurs d’évoluer dans des conditions sereines. S’il parait difficile de savoir quand ce point d’équilibre sera atteint, toute mesure visant à réduire la sinistralité contribuera probablement à fixer la tarification assurantielle des diagnostiqueurs à un niveau raisonnable. Le durcissement de la formation/certification pour le DPE et l’audit énergétique témoigne d’une volonté politique d’élever la compétence des diagnostiqueurs, à commencer par les nouveaux. Il faudra cependant que la mise en œuvre de ces mesures soit réellement efficace pour que l’hypothèse avancée par le Groupe de travail du CNH d’une corrélation entre le renforcement des contrôles et de la formation initiale et la maitrise des coûts des assurances soit vérifiée.

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Un commentaire

  • ETIC a écrit

    Avant la mise en place des certifications en 2007, ce sont les assureurs qui faisaient le tri dans les odi, et ils ne devaient pas être trop mal fait vu l’augmentation des sinistres depuis qu’ils ne le font plus en raison de la mise en place de ce système de certification d’efficacité nulle, ce qui a été leur grande erreur … que nous payons tous aujourd’hui:
    2 x plus d’odi
    3x moins de CA
    sinistralité x ???
    Les anciens qui se barrent
    Bref, que du succès !

    Et il serait temps que la DHUP se positionne sur la question de l’assurance décennale, je plains le malheureux diagnostiqueur qui fera les frais de la première procédure ….
    Quel merveilleux pays qu’est la France …

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