DPE ET BÂTI ANCIEN : UN CONSTAT PARTAGÉ, DES SOLUTIONS DIVERGENTES Technique

Publié le par Mathias LOVAGLIO

Après la démarche engagée avec la FIDI sur les petites surfaces, la CDI FNAIM s’attaque au sujet des DPE des bâtiments anciens afin d’en améliorer la crédibilité. Un sujet dont se sont également emparées deux commissions du Sénat. Si le constat d’une inadaptation du DPE au bâti ancien est largement partagé, les réponses proposées montrent au contraire des divergences quant à l’importance des évolutions à apporter.

Un DPE inadapté et pénalisant pour le bâti ancien

Dans une lettre adressée, entre autres, à Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et Olivier Klein, ministre délégué à la Ville et au Logement, la CDI FNAIM et l’association Sites & Cités remarquables de France* demandent des évolutions afin de remédier aux erreurs de la méthode de calcul du DPE actuel qui ne prend pas assez en compte les qualités intrinsèques des bâtis anciens. « Nous avons pris contact avec cette association car nous trouvions intéressant de partager nos regards différents sur le logement », explique Yannick Ainouche, président de la CDI FNAIM. « Il s’est avéré que c’était aussi un vrai sujet pour eux et que nous étions en phase sur le constat qu’il y a un problème avec le DPE. Nous avons donc organisé des réunions de travail avec leurs experts desquelles il est ressorti qu’il fallait demander au gouvernement de mieux prendre en compte les techniques de construction des bâtis anciens dans la méthodologie du DPE. L’idée n’était pas d’arriver avec des solutions mais d’alerter et de montrer que nous sommes capables de collaborer avec des acteurs qui travaillent sur des sujets connexes aux nôtres ».

L’argumentaire développé dans la lettre s’appuie notamment sur les résultats du projet BATAN qui a montré que le parc ancien se révélait bien moins énergivores que les bâtiments de la période 1949-1974. Pourtant, le bâti ancien apparait bien trop souvent pénalisé par le DPE. « L’explication tient à la méthode de calcul. Malgré plusieurs correctifs successifs depuis 2021, la méthode 3CL-DPE ne restitue pas encore les qualités intrinsèques de l’ancien. Le bâti traditionnel réclame une approche davantage environnementale qui prend en compte le système constructif particulier et les propriétés hygrométriques et d’inertie des matériaux utilisés. Des pistes de réflexion existent pourtant. Des aménagements au DPE sont possibles par exemple pour une meilleure prise en compte des espaces tampon, de la réalité des ponts thermiques, du confort d’été et pour une meilleure prise en compte des isolants biosourcés et géosourcés comme le torchis des murs ou les toitures de chaume, les enduits isolants… », peut-on lire dans la lettre.

Un constat largement partagé par de nombreux acteurs comme en atteste un récent rapport d’information de la commission sénatoriale de la culture, de l’éducation et de la communication sur le patrimoine et la transition écologique publié fin juin. Ce dernier stigmatise des modalités de calcul du DPE trop simplificatrices qui ne prennent pas en considération le système constructif, les matériaux, les usages ou encore l’inertie, condamnant le bâti ancien à être majoritairement classé dans la catégorie passoires thermiques.

Nouvelle réforme ou simple évolution ?

Dans l’esprit de la CDI FNAIM, la démarche n’a pas vocation à aboutir à une énième réforme du DPE. « Pour les petites surfaces, nous demandons simplement l’application de coefficients de pondération et, pour le bâti ancien, nous voudrions que certaines techniques de construction, sans nécessairement les lister toutes, soient prises en compte », précise Yannick Ainouche. « Le moteur de calcul resterait le même avec quelques options en plus et une adaptation des recommandations proposées pour ce type de bâti. Il faut réorienter nos outils métier afin de les rendre plus intelligents, pertinents et souples qu’aujourd’hui. Mais tout l’écosystème de la rénovation énergétiques des bâtiments est concerné par cette problématique ». Concernant les recommandations, le rapport d’information sur le patrimoine et la transition écologique ne dit pas autre chose : « Certaines des solutions préconisées peuvent faire perdre à ce bâti sa valeur patrimoniale et architecturale. Surtout, comme elles ne tiennent pas compte des caractéristiques hydriques et thermiques propres à ces bâtiments, elles peuvent générer des pathologies (humidité, moisissures) susceptibles de rendre sa dégradation irréversible et son occupation impossible ».

Si Olivier Klein s’est déclaré favorable à ne plus faire évoluer le DPE lors de son audition devant la Commission d’enquête du Sénat sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, celle-ci propose, au contraire, de revoir la méthode de calcul du DPE pour le bâti ancien et de revenir à la méthode sur factures en attendant cette révision. Une position partagée par le rapport d’information de la commission sénatoriale sur le patrimoine et la transition écologique. Du côté de la CDI FNAIM et de Sites & Cités remarquables de France, « il n’est pas question de revenir en arrière. […] Cette méthode basée uniquement sur les consommations des ménages n’était pas satisfaisante et générait trop d’incompréhension ».

Cependant, le rapport d’information sénatorial sur le patrimoine et la transition écologique recommande d’aller plus loin avec l’élaboration d’un DPE spécifique, l’adaptation des modalités de calcul du DPE n’étant vue que comme une solution par défaut : « La commission plaide pour la mise en place d’une approche plus globale fondée sur des modèles dynamiques permettant, par exemple, de prendre en considération les interfaces entre les différents postes de travaux et un certain nombre de nouveaux critères, tels que les caractéristiques des matériaux, les usages, le confort thermique d’été du bâtiment, sa valeur patrimoniale et architecturale, ses interactions avec son environnement ainsi que l’amortissement de son coût carbone ».

Pour sa part, Yannick Ainouche estime qu’on pourrait imaginer « un module de formation spécifique au bâti ancien, en tant que montée en compétences » sans pour autant faire du bâti ancien, une affaire de spécialistes.

Face à un sujet aussi complexe et dotés d’enjeux aussi importants, le mieux est parfois l’ennemi du bien. Engager une nouvelle réforme du DPE, même limitée à certaines catégories de logements, sèmerait encore plus la confusion autour de ce diagnostic régulièrement critiqué depuis deux ans. Pour autant, son adaptation au bâti ancien parait inévitable tant pour des raisons d’objectifs environnementaux et patrimoniaux que pour les problématiques sociales et économiques qui découlent de la Loi Climat & Résilience. Une équation qu’il faudra résoudre afin de trouver le bon équilibre entre la pertinence des informations délivrées, la cohérence des résultats et la technicité de la mission.

* Association, présidée par l’ancien ministre du Budget Martin Malvy, regroupant les villes et ensembles de communes porteurs d’un secteur protégé (Sites patrimoniaux remarquables) et les villes et pays signataires de la convention « Ville et Pays d’art et d’histoire »

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