LE LIEN ENTRE SOCOTEC COMMUNITY ET UN INDÉPENDANT REQUALIFIÉ EN CONTRAT DE TRAVAIL Veille juridique

Cour d'appel - Jurisprudence
Publié le par Mathias LOVAGLIO

Bien qu’il n’ait effectué que deux missions, un indépendant obtient, en appel, la requalification de son contrat de collaboration avec SOCOTEC COMMUNITY en contrat de travail.

SOCOTEC ÉQUIPEMENTS (ex SOCOTEC FRANCE), par l’intermédiaire de sa plateforme SOCOTEC COMMUNITY, propose des missions d’inspection d’installations électriques réalisées par des collaborateurs indépendants. Le 13 octobre 2017, elle signe un contrat de collaboration avec M. D. qui sera complété par un contrat de prestations de missions d’inspection conclu le 11 décembre 2017.

Le 14 novembre 2018, M. D. saisit le conseil des prud’hommes en vue d’obtenir diverses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat. Après plusieurs renvois entre différentes juridictions qui s’estiment incompétentes, M. D. est débouté de l’ensemble de ses demandes suivant un jugement rendu le 14 septembre 2020 par le conseil des prud’hommes qui estime que la relation contractuelle relève du contrat d’entreprise. M. D. décide cependant d’interjeter appel en vue, notamment, de faire requalifier le contrat de collaboration en contrat de travail à durée indéterminée et ainsi obtenir la condamnation de SOCOTEC à lui verser 20 000 € pour non-respect de la procédure de licenciement ainsi que pour des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour d’appel de Douai, dans son arrêt du 17 février 2023, lui a finalement donné raison. Selon le Code du travail, l’existence d’un contrat de travail peut être établie lorsque les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, ce qui est le cas de M. D., fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

Pour se défendre, SOCOTEC ÉQUIPEMENTS rappelle que M. D. « n’a effectué que deux missions de moins d’une journée chacune, qu’il était inscrit au RCS depuis un an de sorte que la présomption de non-salariat trouve à s’appliquer, qu’il choisissait librement ses missions sur la plateforme numérique, qu’il n’existait aucune sanction en cas de refus, qu’elle ne fixait pas les horaires et durées des missions, qu’il établissait lui-même ses factures, qu’un second contrat du 11/12/2017 s’est substitué à celui du 13/10/2017, et ne prévoit plus d’obligation de non concurrence, que le contrat ne prévoit que le type de missions que M. D. pouvait accomplir, que l’obligation de résultat est caractéristique du contrat d’entreprise, qu’il a été rappelé que le prestataire devait respecter la norme ISO qui impose des exigences d’impartialité et d’indépendance, que l’obligation de formation a pour objet de garantir la maîtrise des règles de l’art ».

Or, selon la cour d’appel, plusieurs éléments démontrent au contraire que les contrats signés constituent en réalité un contrat de travail :

  • M. D. ne peut être considéré comme un prestataire indépendant dans la mesure où il est tenu de se conformer, non uniquement à la norme NF EN ISO/CEI 17020, mais surtout à un enseignement dispensé et évalué par la société SOCOTEC à la suite d’une formation de 63 h, et que sa liberté contractuelle est réduite puisque toute activité « de type conception, production, fourniture, installation, acquisition, possession ou maintenance d’installations électriques, ni aucun lien avec une autre entité juridique exerçant des activités de ce type » lui est interdite ;
  • M. D. n’était pas autonome dans l’exercice de son activité car il était contractuellement tenu d’utiliser le matériel fourni par la société SOCOTEC ÉQUIPEMENTS et de réaliser les missions sur des supports fournis par SOCOTEC ÉQUIPEMENTS et à son en-tête ;
  • Les consignes de la charte de SOCOTEC relèvent de l’exercice d’un pouvoir de direction puisqu’elle exige du « prestataire » de s’assurer au préalable que les conditions du bon déroulement de la visite sont réunies, de porter la tenue SOCOTEC et d’adopter « un comportement adapté » ;
  • La société SOCOTEC ÉQUIPEMENT paraît consciente de l’ambiguïté du statut de l’intéressé, dans la mesure où la charte comporte un paragraphe relatif à cette question, indiquant que si le prestataire est interrogé sur son statut, il doit répondre : « je travaille pour SOCOTEC en tant que collaborateur libéral avec une formation et une surveillance équivalente aux collaborateurs salariés. SOCOTEC a recours à des collaborateurs comme moi en cas de pics d’activité, dans des zones éloignées de l’agence » ;
  • Enfin, le travail est contrôlé par SOCOTEC ÉQUIPEMENTS qui s’autorise à réaliser à tout instant tout audit sur la prestation réalisée et à effectuer des contrôles qualité. Par ailleurs, tenu à une obligation de résultat, le prestataire s’engage à indemniser SOCOTEC ÉQUIPEMENTS des conséquences de non-réalisation de la mission, ce qui s’analyse comme un pouvoir de sanction du collaborateur.

Par conséquent, la rupture du contrat de travail s’analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. SOCOTEC ÉQUIPEMENTS est donc condamnée par la cour d’appel de Douai à payer à M. D. 1.500 € d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1.500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile. Elle enjoint par ailleurs SOCOTEC ÉQUIPEMENTS à lui remettre une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, conformes au présent arrêt, et le cas échéant les modalités de portabilité de ses droits à mutuelle.

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