BÂTI ANCIEN : DES SÉNATEURS VEULENT UN « AUDIT ÉNERGÉTIQUE ET PATRIMONIAL » SANS LES DIAGNOSTIQUEURS VEILLE RÉGLEMENTAIRE

Une proposition de loi visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien veut aménager le DPE et l’audit énergétique à ce type de bâti. Les sénateurs à son origine souhaitent également restreindre l’audit énergétique des bâtiments anciens aux architectes et aux bureaux d’étude, ce qui exclurait, de fait, les diagnostiqueurs immobiliers.
Michaël Weber et plusieurs de ses collègues sénateurs du groupe socialiste, écologiste et républicain ont déposé une proposition de loi au sénat le 8 octobre 2024. Elle vise à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien.
Un bâti ancien mal appréhendé par les outils actuels
Dans l’exposé des motifs, les sénateurs s’appuient sur les conclusions de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique et du rapport d’information de la commission de la culture du 28 juin 2023 sur le patrimoine et la transition écologique : la rénovation énergétique doit pleinement contribuer à la valorisation et à la durabilité du patrimoine architectural de nos territoires et la législation actuelle en matière de rénovation thermique ne tient pas suffisamment compte des qualités intrinsèques du bâti ancien. Celle-ci « repose, en effet, exclusivement sur des critères d’évaluation et des modèles de calculs conçus pour des bâtiments neufs. Ces mesures incitent les propriétaires à faire usage de techniques d’isolation et de matériaux contemporains dont la compatibilité n’est pas assurée avec un bâti ancien », constatent ainsi les sénateurs.
Avec cette proposition de loi, ils entendent donc contribuer à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments anciens tout en préservant leurs qualités intrinsèques et leur valeur patrimoniale. Ils proposent de renforcer la prise en compte des typologies de bâti dans les mesures et objectifs nationaux en matière d’efficacité énergétique, en particulier dans le DPE et l’audit énergétique, pour inciter les propriétaires d’un bâtiment ancien à mener des travaux adaptés à ses spécificités. Cet objectif nécessite de prendre en compte de nouveaux paramètres comme l’hygrométrie. Par ailleurs, les sénateurs déplorent que « les aides financières octroyées ne comportent aucun dispositif ciblé garantissant une rénovation respectueuse de ce type de bâti. Les propriétaires sont encouragés à recourir aux solutions standardisées, même inadaptées, dans la mesure où elles sont subventionnées, tel le remplacement des portes et fenêtres anciennes par des menuiseries en PVC ».
Adaptation du DPE et création d’un audit énergétique spécifique
Le 1er article de la proposition de loi vise à introduire, dans le Code de la construction et de l’habitation (CCH), deux définitions :
- Bâtiment ancien: un bâtiment construit selon des techniques et avec des matériaux traditionnels tels que la pierre, la terre crue, la brique de pays, du bois, conférant aux parois extérieures une bonne perméance à la vapeur d’eau. Au sens de la réglementation thermique, il s’agit de l’ensemble des bâtiments construits avant 1948 ;
- Matériaux biosourcés ou géosourcés: matériaux de construction issus, pour les matériaux biosourcés, de la biomasse d’origine animale ou végétale ou, pour les matériaux géosourcés, de ressources d’origine minérale. Ces matériaux favorisent la perméance à la vapeur d’eau.
Le premier article vise également à réévaluer les postes de travaux prioritaires dans le cadre d’une rénovation performante d’un bâti ancien, en fonction de leur pertinence pour ce type de construction, en tenant compte des objectifs de confort d’été et d’hiver.
L’article 2 adapte les critères d’évaluation et les modalités de calcul du DPE aux spécificités des bâtiments anciens, notamment leurs qualités hygrothermiques. Ces ajustements doivent permettre une analyse plus pertinente et juste, en considérant les atouts bioclimatiques de ce type de bâti, souvent négligés par les méthodes standards.
L’article 3 créé un audit énergétique spécifique pour le bâti ancien, appelé « audit énergétique et patrimonial » qui ne pourrait être réalisé que par un architecte ou un bureau d’étude agréé, ce qui en exclurait les diagnostiqueurs immobiliers. Ce nouvel audit tiendrait compte, dans ses propositions de travaux, des impacts potentiels sur le comportement global du bâtiment ainsi que sur la valeur patrimoniale de ses composants.
L’article 4 inclut les particularités du comportement physique des bâtiments anciens (sensibilité à l’humidité, ventilation naturelle assurée par la non-étanchéité des fenêtres, équilibre hygrothermique à ne pas perturber) dans les objectifs généraux de qualité sanitaire des bâtiments. Cette modification vise à garantir que ces risques soient pris en compte par le maître d’œuvre lors des travaux et à engager sa responsabilité en cas de rénovation inadaptée entraînant la détérioration du bâtiment ancien. L’article impose également à tout maître d’œuvre de vérifier que la rénovation n’altère pas la bonne circulation de l’air, afin d’éviter tout problème de condensation, et de conseiller le maître d’ouvrage en conséquence.
Enfin, l’article 5 crée un dispositif d’aide financière ciblé garantissant une rénovation respectueuse de ce type de bâti, en majorant la prime de transition énergétique Ma Prime Rénov’ (MPR) ainsi que le crédit d’impôt accordé pour les travaux d’isolation.
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