FAUTE D’OUTILS ET DE MÉTHODE, LA COUR DES COMPTES NE PEUT PAS ÉVALUER LA MISE EN ŒUVRE DE LA LOI CLIMAT ET RÉSILIENCE VEILLE RÉGLEMENTAIRE

Publié le par Mathias LOVAGLIO

Plus de deux ans et demi après sa publication, la loi Climat et Résilience vient de faire l’objet d’un rapport d’évaluation annuelle de son application par la Cour des comptes. Une évaluation rendue impossible par l’absence d’outils de suivi et d’une méthode pertinente.

Des données insuffisantes et peu exploitables

Dans son Rapport d’évaluation annuelle de la mise en œuvre des mesures prévues par la loi Climat et Résilience au Parlement (mars 2024), la Cour des comptes constate que les conditions ne sont pas réunies pour mener à bien sa mission. Elle met en avant différents freins :

  • les indicateurs figurant dans l’étude d’impact de la loi se révèlent insuffisants pour évaluer l’ensemble des mesures ;
  • ces indicateurs sont actuellement suivis de manière dispersée et les données nécessaires ne font pas à ce stade l’objet d’une gestion suffisamment solide pour en permettre l’exploitation ;
  • le déploiement territorial des dispositifs conditionnant la production de données, est encore peu avancé ;
  • le périmètre de la loi, et donc des mesures à évaluer, qui nécessite plus d’une centaine de textes d’application, avec une mise en place et des effets mesurables jusqu’en 2050.

Certes, le contrôle de l’application de la loi réalisé par le Gouvernement et le Parlement met à disposition des informations quantitatives et qualitatives très riches mais leur dispersion dans de nombreux rapports et l’absence de synthèse rendent ces travaux peu accessibles. Dans ce contexte, l’évaluation ne peut se mettre en place, faute de données exploitables, d’indicateurs pilotés et d’un déploiement territorial suffisamment avancé. Le rapport de la Cour des comptes insiste donc sur la nécessité de développer des outils et une méthode d’évaluation plus efficaces pour répondre à l’enjeu croissant du suivi des politiques climatiques.

Une évaluation à mettre en relation avec les objectifs de la SNBC

Sur le principe même de la conduite de l’évaluation, la Cour des comptes se réfère au rapport Évaluer les lois en cohérence avec les ambitions publié en décembre 2019 par le Haut Conseil pour le climat (HCC). Celui-ci a défini les grandes lignes méthodologiques attendues, notamment en rappelant que la stratégie nationale bas carbone (SNBC) était le référentiel d’action dont s’est dotée la France pour atteindre ses engagements internationaux découlant de l’accord de Paris. Il parait dès lors cohérent, selon le HCC, que l’évaluation des objectifs climatiques permette de déterminer la contribution positive ou négative d’un texte ou d’une action au respect des trajectoires de la SNBC pour atteindre la neutralité carbone et de suivre ces trajectoires. Une approche que le HCC avait d’ailleurs rappelé dans son avis rendu sur le projet de loi Climat et Résilience en citant notamment l’exemple de la rénovation énergétique des bâtiments. Les réductions d’émissions envisagées pour les 21 articles concernés étaient alors évaluées entre 4 et 20 Mt éqCO2/an sur les 112 Mt nécessaires à la réduction de 40 % d’ici 2030 et seules quatre mesures avaient un potentiel supérieur à 1Mt. Le HCC aurait alors préféré que soient fixés des obligations de rénovation afin de contribuer plus efficacement aux orientations stratégiques de la SNBC, et notamment à la convergence vers la norme « bâtiment basse consommation ».

Bien que le besoin de suivi et d’évaluation soit réel, la Cour des comptes considère que l’évaluation selon une fréquence annuelle de l’ensemble des mesures de la loi ne constitue pas la meilleure méthode pour apprécier la contribution des mesures portées par la loi à l’atteinte de la SNBC. En effet, une telle évaluation, tout en répondant à l’impératif de transparence vis-à-vis des citoyens et aux attentes des parlementaires, doit permettre de vérifier que les mesures prises dans le cadre des politiques climatiques contribuent effectivement à placer la France sur les trajectoires qu’elle s’est fixées et à quel coût, sans omettre d’évaluer les financements et les impacts économiques et sociaux associés. Il appartient donc à l’exécutif de définir et de mettre en œuvre sa propre méthodologie.

La rénovation énergétique des bâtiments

Le Rapport de la Cour des comptes contient tout de même quelques analyses des mesures de la loi Climat et résilience concernant la rénovation énergétique des bâtiments, notamment au travers des travaux menés par le Haut Conseil pour le climat. Sur le sujet de la décence énergétique des logements, le HCC rappelle les bénéfices attendus de l’éradication de ces logements, avant de relever :

  • l’absence d’impact de la mesure sur passoires énergétiques habitées par leurs propriétaires (2,8 millions),
  • les exemptions prévues pour des motifs architecturaux et patrimoniaux,
  • l’insuffisance des contrôles sur la qualité des travaux réalisés,
  • le caractère irréaliste selon les professionnels du bâtiment des calendriers fixés par la loi compte tenu du volume et du coût des travaux.

S’agissant du dispositif MaPrimeRénov, le rapport de 2022 du HCC s’appuie sur les travaux réalisés par le Comité d’évaluation du plan de relance et par la Cour des comptes. Relayant leurs recommandations, il attire l’attention sur la part marginale de rénovations globales financées par le dispositif (0,1 % des travaux) et sur le faible nombre de passoires thermiques réhabilitées en 2021 (2 500 logements par rapport au 80 000 envisagés).

Selon les dispositions de l’article 298 de la loi Climat et Résilience, ce Rapport d’évaluation doit maintenant faire l’objet d’une réponse du Gouvernement.

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