PROTECTION DES TRAVAILLEURS ET RISQUE AMIANTE : VERS UNE DIRECTIVE EUROPÉENNE INSPIRÉE DU MODÈLE FRANÇAIS VEILLE RÉGLEMENTAIRE

Publié le par Mathias LOVAGLIO

Après deux années de travaux, le Parlement européen a adopté le 3 octobre 2023 la proposition de révision de la directive 2009/148/CE concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l’amiante pendant le travail. Une révision qui reprend de nombreuses dispositions réglementaires appliquées en France.

« L’amiante est, de loin, la principale cause de cancer d’origine professionnelle, 78 % des cancers professionnels étant reconnus au sein des États membres comme liés à l’exposition à l’amiante ». En adoptant la révision de la directive 2009/148/CE du 30 novembre 2009 par 614 voix pour, 2 voix contre et 4 abstentions, le Parlement européen entend renforcer la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l’amiante pendant le travail. Cette directive est le fruit d’un compromis largement inspiré du cadre préventif français (VLEP de 10 f/L avec recours à la META, repérage systématique de l’amiante avant des opérations de travaux).

Évolutions des méthodes de comptage et de la VLEP

« Grâce aux nouvelles évolutions scientifiques et technologiques dans ce domaine, il est possible d’améliorer la protection des travailleurs exposés à l’amiante et donc de réduire la probabilité que les travailleurs exposés contractent des maladies liées à l’amiante. […] En conséquence, il y a lieu de réviser la valeur limite et la méthode de mesure de l’amiante afin de réduire le risque en abaissant les niveaux d’exposition pour améliorer la protection des travailleurs contre les maladies d’origine professionnelle liées à l’amiante », souligne le texte.

La révision de la directive propose donc de diviser le seuil maximal d’exposition à l’amiante par 10 en fixant, dans un premier temps, la VLEP « à 0,01 fibre par cm³ mesurée par rapport à une moyenne pondérée dans le temps sur 8 heures (TWA) ». La microscopie à contraste de phase (MOCP), méthode la plus fréquemment utilisée par les États membres, étant suffisamment précise pour mesurer cette VELP, aucune période transitoire n’est nécessaire pour sa mise en œuvre.

Puis, au bout de six ans après la date d’entrée en vigueur de la directive révisée, les États membres auront le choix entre deux VLEP :

  • Soit 0,01 fibre par cm³ en moyenne pondérée dans le temps (TWA) sur 8 heures lorsque le comptage porte également sur les fibres d’une largeur inférieure à 0,2 micromètre, cette VLEP s’alignant donc sur celle appliquée en France depuis le 2 juin 2015 ;
  • Soit 0,002 fibre par cm³ en TWA sur 8 heures lorsque le comptage ne tient compte que des fibres ayant une largeur comprise entre 0,2 et 3 micromètres.

De façon concomitante, l’application de ces nouvelles VLEP nécessite d’adapter et d’uniformiser, à terme, la technologie d’analyse : « il convient d’utiliser une méthode plus moderne et plus sensible fondée sur la microscopie électronique ou toute autre méthode donnant des résultats équivalents ou plus précis, tout en tenant compte de la nécessité d’une période adéquate d’adaptation technique et d’une plus grande cohérence entre les différentes méthodes actuellement appliquées dans l’Union ». Les États membres disposeront ainsi d’une période transitoire de 6 ans pour basculer définitivement sur la microscopie électronique, comme la META déjà utilisée en France.

Renforcer la sécurité des travailleurs face à la massification des opérations de rénovation

Dans le contexte d’une « vague de rénovations pour l’Europe, qui a pour but de décarboner les bâtiments, de lutter contre la précarité énergétique et de renforcer la souveraineté de l’Union grâce à la sobriété énergétique », la révision de la directive invite à donner la priorité au retrait et à l’élimination des matériaux contenant de l’amiante, « la réparation, l’entretien, l’encapsulation ou le gainage pourraient avoir comme conséquence de différer le désamiantage et de perpétuer ainsi les risques d’exposition des travailleurs ».

La révision de la directive contient également de nombreuses mesures visant à renforcer la protection des travailleurs et limiter leur exposition à l’amiante : formation, certification des entreprises de désamiantage, réduction des émissions de poussières, utilisation d’équipements de protection individuelle et collective, mise en place de procédures de décontamination, gestion des déchets, etc.

La révision prévoit enfin de généraliser la réalisation de repérages avant travaux dont les modalités rappellent la réglementation française  : « Avant d’entreprendre des travaux de démolition, de maintenance ou de rénovation dans des locaux construits avant l’entrée en vigueur de l’interdiction de l’amiante dans l’État membre, les employeurs prennent toutes les mesures nécessaires pour recenser les matériaux présumés contenir de l’amiante, notamment en obtenant des informations auprès des propriétaires des locaux, d’autres employeurs et à partir d’autres sources, y compris les registres pertinents. Si de telles informations ne sont pas disponibles, l’employeur veille à ce qu’un repérage de la présence de matériaux contenant de l’amiante ait été effectué par un opérateur qualifié conformément au droit national et aux pratiques nationales, et obtient le résultat de cet examen avant le début des travaux. L’employeur met à la disposition d’un autre employeur, sur demande et uniquement aux fins du respect de l’obligation prévue au présent alinéa, toute information obtenue dans le cadre dudit examen ». La révision prévoit également la mise en place de contrôles en fin de chantier pour s’assurer de l’absence de risques d’exposition à l’amiante.

Avant d’être publiée au Journal officiel de l’Union européenne, la révision de la directive doit être approuvée par le Conseil de l’Europe. Les négociations en amont ayant été menées en trilogue (Commission, Conseil et Parlement européens), le texte devrait, selon toute vraisemblance, être adopté sans modification. Chaque État membre devra ensuite transposer cette directive dans son droit national, une transposition pour laquelle la France dispose déjà d’une longueur d’avance…

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