RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE ET BÂTI ANCIEN : VERS UNE ÉVOLUTION PLUTÔT QU’UNE RÉVOLUTION VEILLE RÉGLEMENTAIRE

Les discussions autour de la proposition de loi visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien ont repris au Sénat avec son examen par la commission des affaires économiques. Le texte initial a été largement amendé avec la volonté de ne pas alourdir ni complexifier excessivement les dispositifs existants.
La commission des affaires économiques du Sénat a amendé et adopté la proposition de loi visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien, déposée en octobre 2024 par Michaël Weber. Le rapport établi pour l’occasion par la sénatrice Sylviane Noël permet de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette proposition de loi qui devrait faire évoluer, plutôt que bouleverser, les règles actuelles pour le DPE et l’audit énergétique. Un renforcement des exigences de compétences des diagnostiqueurs réalisant des audits énergétiques sur du bâti ancien est cependant prévu à l’horizon 2027.
Constat de l’inadaptation du cadre de la rénovation énergétique au bâti ancien
Les obligations de rénovation énergétique, bien que louables, se heurtent à une réalité technique : les bâtiments anciens ont des caractéristiques constructives particulières (matériaux biosourcés, inertie thermique, hygrométrie) qui ne sont pas toujours compatibles avec les standards actuels de rénovation. Les erreurs de diagnostic ou de prescription font par ailleurs courir le risque d’engager des travaux de rénovation énergétique inadaptés au bâti ancien pouvant entrainer des pathologies, comme la condensation excessive ou le pourrissement des structures. Afin de mieux intégrer ces spécificités, le texte propose plusieurs modifications clés.
Définition du bâti ancien
L’article 1 de la proposition de loi définit le bâti ancien comme « un bâtiment construit avant 1948 et basé sur un mode constructif traditionnel », définition proche de celle utilisée par le Cerema, sans mentionner, au niveau législatif, une liste restrictive de matériaux biosourcés ou géosourcés, qui relève plutôt du domaine réglementaire.
Modification des principes de rénovation énergétique des bâtiments anciens
La proposition de loi prévoit de modifier la définition de la rénovation énergétique performante afin de préciser que les travaux prennent en compte non seulement des conditions satisfaisantes de renouvellement de l’air mais aussi le confort intérieur d’été et d’hiver. Il est aussi prévu, parmi les six postes de travaux à étudier, le « traitement » des menuiseries extérieures et non plus leur remplacement, afin de permettre l’étude de solutions alternatives respectueuses du bâti ancien. Il s’agit ainsi d’éviter le remplacement systématique des menuiseries anciennes par du double vitrage hermétique qui supprimerait toute ventilation naturelle et entraînerait des problèmes de condensation et de moisissures.
Abandon de règles de performance énergétique et de DPE spécifiques au bâti ancien
Initialement, la proposition de loi envisageait de soumettre les bâtiments anciens à des modes spécifiques de calcul et d’évaluation de la performance énergétique, en dérogeant aux règles fixant les classes du DPE et aux objectifs de performance énergétique des logements issus de la loi Climat et résilience. Face à l’hypothèse de la création d’un second DPE, la commission a cependant fait le choix de la stabilité en s’opposant au principe d’une dérogation totale des bâtiments anciens aux objectifs de performance énergétique et à leur sortie des classes de performance énergétique calculées par le DPE. Elle a cependant conservé le principe d’une meilleure adaptation du DPE au bâti ancien en prenant mieux en compte ses spécificités thermiques et en adaptant les recommandations de travaux aux contraintes techniques, architecturales et patrimoniales, notamment aux caractéristiques hygrothermiques des matériaux.
Les diagnostiqueurs maintenus pour l’audit énergétique du bâti ancien, mais avec des compétences renforcées
Envisagée par les auteurs de la proposition de loi, la création d’un audit énergétique spécifique au bâti ancien et réalisé par des bureaux d’études agréés ou des architectes est jugée potentiellement coûteuse et source de complexité par la commission. En revanche, cette dernière se montre favorable au renforcement de la formation des auditeurs qui interviennent sur le bâti ancien et n’estime pas pertinent d’exclure les diagnostiqueurs de la réalisation de l’audit énergétique pour ce type de bâti.
La commission propose donc de conserver l’actuel audit énergétique règlementaire, tout en exigeant des compétences spécifiques au bâti ancien pour les diagnostiqueurs réalisant l’audit énergétique règlementaire d’un logement ancien présentant « un intérêt patrimonial », formulation permettant de retenir davantage de bâtiments que les seuls bâtiments protégés au titre du patrimoine. Le champ des bâtiments concernés serait délimité par décret. Afin de laisser un délai suffisant à la profession pour s’organiser et ne pas créer un goulet d’étranglement préjudiciable au respect des obligations d’audit énergétique, la commission propose que cette obligation de certification spécifique au bâti ancien ne soit applicable qu’à compter du 1er janvier 2027. Enfin, les propositions de travaux formulées par l’audit devront évoluer au regard des modifications et des incidences que ces travaux peuvent engendrer à la fois sur le comportement global du bâtiment et sur la valeur patrimoniale de ses composants afin de garantir une rénovation respectueuse du bâti ancien.
Aides à la rénovation énergétique respectueuse du bâti ancien
La rapporteure a proposé à la commission l’adoption d’un amendement de réécriture de l’article concernant une majoration des aides pour la rénovation énergétique des bâtiments anciens. Il s’agit ainsi de tirer les conséquences du contexte budgétaire et d’engager une réflexion plus globale sur les modalités les plus pertinentes de soutien à la rénovation énergétique du bâti ancien. L’article 5 prévoit donc que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai d’un an après la promulgation de la loi, un rapport à ce sujet, évaluant notamment les pistes d’évolutions des critères et des caractéristiques de Ma Prime Rénov’ et des CEE.
La proposition de loi sera maintenant examinée en séance publique le 20 mars 2025.
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