SUITE ET FIN DE NOTRE ENTRETIEN AVEC M. MICHEL JEAN-FRANÇOIS, DGALN/DHUP/QC

Publié le par Alain

Diagnostic : Les associations et fédérations professionnelles du diagnostic immobilier réclament l’extension  à la location de certains diagnostics, tels que l’amiante ou l’électricité. Seront-ils entendus ?


 


Michel Jean-François : « Je comprends que la question se pose car c’est un enjeu de santé et de sécurité tant pour le propriétaire que pour le locataire. Rappelons toutefois que le locataire a déjà des moyens de recours si son logement ne répond pas totalement aux critères du logement décent. D’autre part, rien n’empêche de réaliser un diagnostic à la demande du locataire ou du propriétaire.


Ce qui est demandé c’est de rendre ces diagnostics obligatoires. Or, la difficulté est de le faire dans des conditions juridiques qui en assurent l’effectivité. Autant pour la vente l’intervention du notaire le permet, autant pour la location ce n’est pas aussi évident que cela. Il faut être attentif à ne pas sortir des textes peu facilement applicables et qui peuvent créer plus d’insécurité et de perturbations par rapport à ce que la jurisprudence a construit.


En ce qui concerne le diagnostic électricité, il faut déjà voir comment le diagnostic est pratiqué dans la réalité au regard du référentiel fixé avant de réfléchir à l’éventualité de son extension. »


 


D : N’est-ce pas aussi une question délicate politiquement ? Puisque cela serait de nature à créer des contraintes plus lourdes pour les bailleurs. Particulièrement malvenues en cette période de crise.


 


MJF : « Peut être. Il faut mentionner également que les diagnostics interviennent dans la valeur d’un bien mise en vente. Mais pour la location, la question concerne beaucoup plus la responsabilité civile du bailleur.


La particularité des diagnostics immobiliers, c’est que l’on ne raisonne que par diagnostics rendus obligatoires. Or rien n’empêche par exemple le propriétaire avisé de faire un DPE en dehors de la vente ou de la location. La loi de Finances pour 2009 a d’ailleurs prévu un crédit d’impôt sur les DPE volontaires. »


 


D : Le ministre Jean-Louis Borloo et sa secrétaire d’Etat chargée de l’écologie signaient en mai 2008 une convention avec l’ensemble des acteurs de l’immobilier et des supports d’annonces Internet afin que soit affiché sur les annonces le résultat du DPE des biens proposés à la vente ou à la location. Un an après, le constat est décevant : moins de 1% des annonces respectent cet objectif. *


 


« Cette convention prévoit de faire des points périodiques. Le prochain doit être fait justement en juin. Effectivement, il est dommage que cette convention soit si peu respectée. Il serait pourtant intéressant que les prémices proviennent de démarches volontaires. Mais il semble que ce ne soit  pas encore entré dans les mœurs. »


 


D : Selon vous, quel est la place des diagnostiqueurs dans l’immense chantier ouvert par le Grenelle de l’Environnement et quel rôle peuvent-ils y jouer ?


 


« Au ministère, on estime que l’on a besoin des diagnostiqueurs immobiliers. On essaye d’avancer sur ces sujets, le DPE notamment, mais derrière l’outil opératoire c’est bien le système des diagnostics immobiliers qui va donner sa part d’impulsion. C’est tout un ensemble à mobiliser dans les filières du bâtiment. La profession de diagnostiqueur  est récente. Elle a introduit du sang neuf parmi les acteurs de l’immobilier et du bâtiment, au moment même ou les pouvoirs publics veulent introduire une rupture vertueuse dans le système du bâtiment.


Par l’établissement du DPE, les diagnostiqueurs jouent un rôle de sensibilisation et d’information fondamental notamment auprès des particuliers. »


 


D : Pourtant, il y a eu la grande déception de l’Eco-PTZ dont l’obtention est conditionnée à un audit thermique et non un DPE. Les diagnostiqueurs se demandent pourquoi leurs compétences n’ont pas été utilisées.


 


« Je retourne volontiers la question. Que la profession regarde pourquoi elle est déçue et quelles sont les raisons pour lesquelles c’est prévu comme cela, de telle sorte à ne pas rester enfermé sur ce qui a été donné au départ et qui n’est pas forcément universel : le diagnostic obligatoire.


 


Pour rappeler l’objectif de l’éco-PTZ, sur l’existant, il s’agit bien d’amorcer les choses. On a voulu faire simple, avec la formule des bouquets de travaux. Il n’en reste pas moins fortement souhaitable que le propriétaire s’engage dans une démarche globale. Or cela passe forcément par un audit thermique. Certains diagnostiqueurs peuvent posséder ou sinon acquérir les qualifications pour réaliser des audits thermiques. »

 

D : La question se pose parfois : les diagnostiqueurs sont-ils des professionnels du bâtiment ou de l’immobilier ?


 


MJF : « Quand je pose la question autour de moi, on me répond bien qu’ils sont du bâtiment. Mais il y a t-il réellement une différence entre l’immobilier et le bâtiment ?  L’immobilier peut être pris au sens de la gestion du patrimoine immobilier et de travaux. A la base, les diagnostiqueurs sont des professionnels du bâtiment. Il y en a qui ne sont pas originaires de ce milieu sans que pour autant ce ne soit un obstacle. Mais la réalisation de diagnostics immobiliers suppose des qualités qui appartiennent aux professionnels du bâtiment : la curiosité pour les choses concrètes ainsi que la connaissance des procédés et des matériaux de construction.  Nous comptons beaucoup sur ce professionnalisme en matière de bâtiment. »


 


D : Un ordre de diagnostiqueurs immobiliers a-t-il une chance de voir le jour ?


 


MJF : « La création d’un ordre n’est pas du tout à l’ordre du jour.  On a mis en place le dispositif existant parce qu’il répondait à une nécessité. Le choix s’est présenté à ce moment : nous aurions pu créer une profession réglementée, mais nous avons opté pour un dispositif ouvert.


Il faut surtout que l’on essaye de faire évoluer le système actuel. Système qui n’est pas si mauvais que cela. »


 


D : Le diagnostic immobilier est une profession en crise qui voit arriver un flot continuel de nouveaux professionnels alors même que l’activité à fortement chuté. La profession peut-elle continuer à accueillir, sur un rythme aussi soutenu, autant de nouvelles vocations ?


 


MJF : « D’abord, il n’est pas envisagé  de créer un dispositif de type numérus clausus.


Il est vrai que la conjoncture fait qu’il y un effet mécanique sur le nombre de transactions ventes et locations. Et étant donné que la crise frappe toute les professions, beaucoup de personnes cherchent à se reconvertir. Mais, préalablement à tout projet de reconversion, il est indispensable de réaliser une étude de marché pour  savoir s’il convient de se lancer. Il faut faire confiance aux gens et en leur aptitude à mesurer ce risque.


D’autre part, il y a un renouvellement de la profession. Certains peuvent quitter l’activité de diagnostic pour se lancer dans un métier du bâtiment ou de l’immobilier. Les choses évoluent rapidement. Hier encore, on disait que le bâtiment était en surchauffe. Les carnets de commande étaient pleins. Il y avait de graves problèmes de main-d’œuvre. Aujourd’hui, il se crée des entreprises chaque jour. L’expérience acquise de la connaissance du bâtiment apporte aux diagnostiqueurs une formation précieuse. Ils ont donc de réelles opportunités pour évoluer.


Je ne pense pas que l’on forme et que l’on certifie trop de professionnels en ce moment. »


 


D : Les professionnels souffrent de l’image négative de leur métier véhiculée notamment par les médias. Que faire ?


 


MJF : « Toutes les fédérations du diagnostic immobilier sont bien sensibles à ce problème qui existe parce qu’avant la mise en place de la certification les pratiques de certains se sont montrées abusives ou déloyales. D’où l’intérêt d’avoir un processus de contrôle des compétences qui soit totalement transparent.



La question est de savoir comment mieux faire mieux passer le résultat des diagnostics. C’est un des rôles du diagnostiqueur que de l’expliquer. Or les propriétaires ont besoin d’un interlocuteur qui puisse les conseiller et les accompagner. La dimension conseil n’est pas encore suffisamment développée. »


 


D : On parle beaucoup du commissionnement lorsqu’on évoque les difficultés rencontrées par la profession. Les diagnostiqueurs peuvent-ils  commissionner leurs apporteurs d’affaires ?


 


« Le texte a laissé à la jurisprudence le soin de s’exprimer. La réponse à une question parlementaire l’a explicité : le commissionnement n’est pas interdit, dans la mesure où il n’est pas abusif. Ce qui ne veut pas non plus dire qu’il faut commissionner ! Le Ministère est favorable à toute disposition concertée, qui ira dans le sens de l’amélioration de l’image de la profession. Mais le commissionnement est parfois le bouc-émissaire. Il y a sans doute bien d’autres situations et pratiques qui peuvent empêcher sur le terrain une concurrence saine ou la réalisation de diagnostics honnêtes. »


 


*Au sujet du DPE, une commission de sénateurs a depuis intégré dans le texte du projet de loi Grenelle 2 deux dispositions importantes pour les diagnostiqueurs :


           La commission souhaite que les personnes qui établissent les diagnostics de performance énergétique les transmettent à un organisme désigné par l’Etat non seulement à des fins d’études statistiques mais aussi « d’évaluation et d’amélioration méthodologique ».


          En outre, le texte rend désormais obligatoire la mention de l’étiquette énergétique dans les annonces de vente et de location de biens immobiliers à partir du 1er janvier 2011.


 

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