GUILLAUME EXBRAYAT : « L’AUDIT ÉNERGÉTIQUE VA ÊTRE UN RÉVÉLATEUR DU NIVEAU DE MATURITÉ DE NOTRE PROFESSION » Profession

Guillaume Exbrayat (Diagamter, Sidiane)
Publié le par Mathias LOVAGLIO

C’est une année 2023 à hauts risques qu’aborde la profession de diagnostiqueur, selon Guillaume Exbrayat, vice-président de SIDIANE et président du réseau Diagamter. Il considère que c’est aux entrepreneurs d’agir pour élever le niveau de qualité des prestations, notamment par la mise en place de processus internes basés sur le contrôle de la pratique, au-delà des compétences.

Quel bilan tirez-vous de cette première année d’existence de SIDIANE ?

SIDIANE nous a donné une vraie liberté de parole responsable. En 2022, nous nous sommes installés dans le paysage en formulant beaucoup de propositions et nous sommes désormais écoutés par la DHUP. Certes, nous ne sommes pas dans la communication à outrance car notre stratégie n’est pas portée par le recrutement massif d’adhérents. Pour autant, SIDIANE n’est pas la fédération des gros et nous avons mis en place plusieurs collèges dans nos statuts afin d’accueillir des entreprises de toute taille.

En 2022, nous avons essayé de parler vrai, c’est-à-dire de dire les choses telles qu’elles nous apparaissent sans nous préoccuper de savoir si cela va plaire ou non à la profession ou à la DHUP. Parler vrai, c’est parler de manière utile à nos entreprises et à la filière. Nous avons dit au printemps que l’audit n’était pas prêt et que le DPE n’était pas au point, et le fait qu’en cette fin d’année, la DHUP relance une consultation pour réviser le moteur de calcul du DPE, nous donne raison. Voir qu’un an et demi après la réforme, il existe encore des problèmes sur le moteur de calcul, c’est assez peu rassurant sur la solidité des outils mis à notre disposition dans un contexte où il y a une exigence et un besoin de fiabilité très importants car cela impacte le patrimoine des gens, les enjeux climatiques et l’image de la profession.

Jusqu’au mois de juillet, nous étions les seuls à dire que l’audit énergétique ne pouvait pas être lancé dans le calendrier prévu car il s’appuyait sur le DPE et la méthode 3CL qui n’étaient toujours pas fiabilisés. Heureusement, le report a été acté. J’ai tout de même été étonné par le fait que seulement deux sociétés aient répondu, et une seule retenue, à la consultation lancée à l’automne par la DHUP pour réaliser des audits énergétiques afin d’étudier ce que le marché allait proposer comme prestation. Où sont donc passés ceux qui étaient censés être prêts au 1er septembre ? Quelle sera la pertinence de cette consultation puisqu’il ne sera pas possible de comparer le travail de plusieurs acteurs ? Tout cela ne rend pas service à la profession car nous sommes sur des agendas de réforme qui sont fous.

Pensez-vous néanmoins que votre réseau sera prêt au 1er avril 2023 ?

Cela va être compliqué, mais nous y travaillons d’arrache-pied et nous démarrerons le 1er avril 2023. Mais très honnêtement, nous sommes dans le flou complet sur ce que chacun va produire, dans quelle gamme de prix et pour quelle quantité de travail. D’un côté, j’entends parler de prix à 200 à 300 € pour une heure et demie de travail avec des logiciels qui vont assister énormément, et de l’autre des prix entre 800 et 1500€ pour un temps de travail d’une journée, voire une journée et demie. Cela montre qu’aujourd’hui encore, ce n’est pas calé.

Nous avons un problème d’adéquation entre le rythme des réformes, qui en plus ne sont pas abouties, et la taille des entreprises de la filière. Chez Diagamter, notre tête de réseau compte 50 personnes qui travaillent tous les jours au service de 180 cabinets sur le territoire détenus par 118 franchisés. C’est considérable et pourtant nous avons du mal à suivre le rythme des réformes. Nous avons un marché composé en grande partie de structures légères, des solos ou des sociétés de deux ou trois personnes. Nous ne pouvons pas suivre le rythme des réformes qui nous est imposé. L’administration centrale subit la pression du politique qui veut aller vite sur la rénovation énergétique des bâtiments et sur la sécurité. Cette administration parle à des fédérations dans lesquelles il y a de grosses structures qui pensent pouvoir tenir ce rythme. Mais quand on se tourne vers le terrain, les gens n’y arrivent pas. Se former, se préparer, tester, cela demande du temps et des moyens. Il faut tendre vers une meilleure coproduction des réformes avec la DHUP avec une programmation à 2 ou 3 ans, parce que ces réformes demandent énormément d’investissement et de formation.

La sortie de l’audit énergétique va être une période très compliquée. Nous pouvons imaginer, sans prendre de grands risques, que nous aurons au début de l’été une enquête de la presse consumériste avec des articles à la rentrée qui mettront en évidence des erreurs. La DHUP fait son travail avec ses moyens et la pression des politiques. C’est à nous, en tant qu’entrepreneurs, de prendre les choses en main.

Par quels moyens ?

Chez Diagamter, je vais mettre en place, dès 2023, des processus progressifs, complets et plus aboutis pour amener sur le marché une sûreté et une fiabilité qui ne soient pas dépendantes du fait que j’ai un Mozart du diagnostic ou bien un technicien standard. Il faut renforcer le contrôle de la qualité de nos diagnostics, et je ne vais pas attendre la certification d’entreprise pour cela. Je suis très inquiet pour la profession. Les débats réglementaires, la certification de personnes et la certification d’entreprise, sont des débats que je vais continuer à pousser mais on ne peut plus attendre l’administration pour décider de faire un meilleur travail pour nos clients.

SIDIANE porte un débat sur la certification d’entreprise, versus la certification de personnes. J’ai fait partie des gens qui étaient opposés à la certification d’entreprise lorsque j’étais à la CDI FNAIM car je considérais que cela créerait une distorsion de concurrence entre les gros et les petits. Je m’étais trompé. Cette position était conservatrice et elle était là pour gérer un statu quo que nous aurions pu conserver s’il n’y avait pas de problèmes de qualité ni de problèmes récurrents d’enquête ou de sinistralité. Aujourd’hui, nous constatons que la certification de personnes est utile, mais qu’elle est insuffisante.

Pourquoi ? Et qu’apporterait la certification d’entreprise pour la qualité des diagnostics ?

Les pratiques présentes sur le marché ne sont pas satisfaisantes. La certification d’entreprise apporterait plus de garantie en passant d’un système fondé sur le contrôle des compétences à un système basé sur le contrôle de la pratique. La seule certification de compétences, qui consiste à vérifier que les personnes savent à un moment donné, ne suffit pas. Quand je fais l’analyse des onze dossiers d’indemnisation que nous avons eu cette année, nous nous apercevons que les trois quarts ne sont pas liés à des problèmes de compétences, mais à des problèmes de pratique. La pression de la fiabilité des diagnostics n’est pas dépendante de la compétence des individus et l’hypertechnicité des diagnostiqueurs ne garantit pas la qualité. S’il n’y a pas un contrôle, de la traçabilité, des vérifications a posteriori, cela ne fonctionne pas. Il faut plus de contrôle de la qualité. Qu’existe-t-il dans notre profession ? Rien ! C’est le néant le plus total ! Énormément de points de contrôle pourraient être mis en place de façon systématique. Est-ce bien normal, par exemple, de pouvoir ouvrir un logiciel électricité alors que sa certification est suspendue ? Qui vérifie que le diagnostiqueur porte bien ses équipements de protection individuelle ?

Celui qui met cela en place va construire petit à petit un système qualité qui s’apparentera à de la certification d’entreprise. C’est absolument nécessaire car nos clients attendent une qualité sans faille. Certes, cela peut coûter un peu plus cher que la certification de personnes, mais la fiabilité est à ce prix. Bien évidemment, il faut conserver la certification de personnes pour ceux qui n’auront pas les moyens économiques de passer à la certification d’entreprise. Mais si nous n’y travaillons pas collectivement, je crains que les assureurs, le marché, l’administration et la presse perdent confiance dans les diagnostiqueurs. Nous sommes à la croisée des chemins et l’audit énergétique va être un révélateur du niveau de maturité de la profession.

Avez-vous déjà échangé sur le sujet de la certification d’entreprise avec vos franchisés ?

Mon réseau sait que nous militons pour cela, avec une cohabitation des deux systèmes de certification. Lorsque la certification d’entreprise verra le jour de manière réglementaire, nous serons naturellement embarqués dans cette logique, sous l’impulsion de la tête de réseau. Le contrôle de la qualité démarre par le technicien qui doit avoir des listes d’autocontrôle et de conformité, des signatures, etc. Cela passe également par du management de la part de son dirigeant, d’une cellule technique ou bien d’une tête de réseau. Et enfin par un organisme tiers pour valider le tout car il ne s’agit pas de nous autocertifier. Nous ne voulons pas attendre que cet organisme tiers s’appelle Allianz, Axa ou MMA en tant que seul élément de régulation de la qualité du travail des diagnostiqueurs.

SIDIANE a également lancé un débat sur l’instauration d’un diagnostic immobilier périodique obligatoire. Quels seraient selon vous ses avantages ?

Je crois profondément au diagnostic immobilier périodique, au diagnostic pour l’occupant qui est notre vrai client. Cela permettrait de mettre en avant la qualité de nos prestations plutôt que la rapidité ou le tarif le moins cher. Cela permettrait également de désintermédier massivement la relation, en mettant fin aux effets de biais qu’amènent parfois la prescription immobilière. Je crois vraiment à cette réforme. Elle mettra probablement plusieurs années à voir le jour, mais j’invite tout le monde à s’interroger sur les modifications profondes qu’elle entrainerait sur le marché et nos intérêts de long terme. Je crois aussi qu’elle serait utile à la société, à l’intérêt général et à la profession en nous débarrassant d’un certain nombre de problèmes avec lesquels nous nous débattons et avec lesquels nous continuerons à nous débattre tant que nous resterons avec ces diagnostics faits uniquement dans le cadre des ventes ou des locations.

Que pensez-vous de l’idée soumise par la CDI FNAIM de créer une carte D ?

Si les cartes T et G avaient réglé tous les problèmes de l’immobilier, je serais très confiant pour dire que la carte D règlerait les problèmes du diagnostic. Mais la carte D amène des inconvénients. Cela entérine une « immobiliarisation » de la profession, or le diagnostic n’est pas une profession immobilière, ni du bâtiment. Nous sommes une activité indépendante de l’un et de l’autre, comme les bureaux de contrôle, et nous n’avons pas à être mis sous la tutelle des structures immobilières. La carte D n’amène aucun contenu sur le contrôle de la qualité. On nous parle de sanctions qui pourraient être prises, mais on ne nous dit pas par qui : nos prescripteurs ? Non ! Par des pairs ? Ceux qui déclaraient qu’ils étaient prêts pour l’audit énergétique ? Je dis non aussi. Enfin si ce doit être par des tiers indépendants, cela ils existent déjà, cela s’appelle le COFRAC, les organismes de certification, l’assurance, etc. Ce que la proposition de carte D acte, c’est qu’on ne peut plus rester sur la seule certification de personne car elle ne répond pas au défi de la profession. Il faut bouger avec du contrôle qualité dans les entreprises, dans les agences.

Cet article vous a plu ? Partagez-le !

Un commentaire

  • Denis DELHOMMAIS a écrit

    Bonjour,
    La certification d’entreprise ne ferait qu’accroitre les lourdeurs administratives, et n’améliorera pas la qualité de travail réalisé.
    Le problème de fond, est un problème de formation.
    On ne s’improvise pas énergéticien avec seulement quelques heures de formations en ligne.
    La fiabilisation des DPE, par exemple, ne pourra se faire qu’en améliorant le processus de certification, qui ne pourra se faire qu’en améliorant la qualité des formations dispensées.

Laisser un commentaire

EXIM

NOS OFFRES D'ABONNEMENT