CÉLINE CARANDO ET HERVÉ POGAM : « LA CERTIFICATION N'EST QUE LA DERNIÈRE PIERRE DE L'ÉDIFICE » Profession

Publié le par Alain

Dans
un entretien accordé à diagnostiqueur-immobilier.fr, Céline Carando et Hervé
Pogam (notre photo), gérants associés d’Abcidia Formation et d’Abcidia
Certification, reviennent sur le nouveau dispositif de certification qui crée selon eux « une
situation incroyable ». Les deux dirigeants expliquent par ailleurs en quoi cumuler
les activités formation et certification constitue plutôt un atout et dénoncent les procès d’intention qui sont parfois
faits. « Peut-on nous reprocher de vouloir mettre en œuvre un process
qui permet de garantir au final la professionnalisation de la personne qui
obtiendra sa certification ? »

 

 

Céline Carando et Hervé Pogam, comment
abordez-vous le nouveau dispositif de certification ?

 

Nous
sommes face à des professionnels qui ont besoin de se recertifier dans le
courant de l’année 2012 et qui sont confrontés  à une réglementation qui n’est pas
complètement validée. Cette situation est incroyable. Nous naviguons dans un
véritable flou juridique, avec des dispositions transitoires qui ne sont pas
issues de textes réglementaires mais de simples courriers du ministère, avec des
arrêtés dont certains n’ont pas été publiés et, cerise sur le gâteau, avec un
dispositif de visite in situ qui, tel qu’il est défini aujourd’hui, ne peut pas
être mise en œuvre sur le plan pratique. D’autre part, pourquoi l’arrêté gaz n’est
applicable qu’en juillet alors que les autres sont déjà entrés en vigueur ? En
gaz, nous continuons de certifier des professionnels avec l’ancien régime, de
même que pour l’amiante en l’absence d’arrêté. Le législateur a créé un système
à deux vitesses. Le ministère souhaite que l’on ne certifie plus sous l’ancien
régime, mais les textes ne nous le permettent pas ! Cela n’a pas de sens.

 

La prochaine mise à jour du CEPE REF
26* du Cofrac ne pourrait-elle pas toutefois faciliter l’application
pratique du dispositif ?

 

Pour
l’instant, le CEPE REF 26 n’est pas encore
mis à jour (ndlr : il devrait l’être courant avril). Or, les points qu’il
doit expliciter ne sont pas que des détails. Il doit notamment répondre à un
certain nombre de questions que les arrêtés ne règlent pas. Peut-on se recertifier
dans n’importe quel organisme ? En cas de transfert, y a-t-il maintien ou
non d’une opération de surveillance ? Qu’est-ce qu’un examen de recertification
« de même nature » reprenant tous les points de l’examen de
certification tout en étant plus court ? En ce qui concerne les pré-requis de
formation et d’expérience des candidats, c’est l’organisme de certification qui
doit en vérifier la conformité en adéquation avec les textes. Mais comment ?
Quels documents justificatifs devons-nous prendre en compte ? Il nous semble que
l’on aurait dû décider d’un moratoire sur le processus de certification pour
l’année 2012. C’est d’ailleurs un peu ce que le législateur prévoit avec les
périodes transitoires qui permettent aux organismes de certification de prolonger
la validité des certifications actuelles. D’ici le 31 décembre 2012, on y verra
peut-être plus clair…

 

Comment gérez-vous cette situation
dans votre relation contractuelle avec vos clients ?

 

Quand
un candidat s’inscrit dans un organisme de certification, c’est dans le cadre d’un
process de cinq ans. Or aujourd’hui, on lui demande de s’inscrire sans que l’on
puisse lui garantir ce qui va se passer lors de ces cinq années tant sur le
plan technique que financier. C’est ingérable. Pour le moment, nous avons
décidé de proposer un engagement sur les textes actuels, même si l’un des cinq
arrêtés n’est pas encore paru.

Mais
cela a des conséquences sur le niveau des tarifs car dans le cadre de ce nouveau
dispositif, il est notamment demandé un contrôle sur ouvrage entre la deuxième
et la quatrième année. Or, personne ne sait s’il sera mis en œuvre à partir de
2013. Donc, nous ne pouvons qu’indiquer à nos clients que si ce contrôle sur
ouvrage est maintenu, il sera facturé à un tarif maximal de 1 000 euros HT. Et
en cas d’assouplissement de ce contrôle ou de suppression, ce tarif ne pourra qu’être
revu à la baisse. D’autres organismes jugeront peut-être bon de ne pas intégrer
le coût de ce contrôle dans leur offre de base, mais nous estimons que cela ne
va pas dans le sens de la transparence que nous devons à nos clients.

 

Vous estimez le coût d’une visite in
situ à 1 000 euros HT ?

 

Prenons
l’exemple d’un contrôle sur ouvrage DPE à Marseille pour lequel nous devons
envoyer un examinateur ingénieur thermicien. En sachant qu’on ne pourra pas
réserver le billet à l’avance, un aller-retour Marseille-Paris en TGV coûte
environ 200 euros. L’examinateur doit également se restaurer sur place.
Ensuite, il doit réaliser le contrôle sur ouvrage sur le site, puis faire le
compte rendu à son retour le lendemain. C’est donc quasiment deux journées de
travail à rétribuer. D’autant que, vu la difficulté de la prise de rendez-vous,
on ne pourra pas forcément programmer deux contrôles dans une même journée.

 

Beaucoup de diagnostiqueurs pensent
changer de certificateur. Mais la procédure s’annonce plus difficile que prévu.

 

Sur
ce point, le process administratif est très simple. Tout certifié peut demander
et obtenir le transfert de sa certification vers un autre organisme. On ne peut
le lui refuser. En revanche, il reste à gérer la relation financière s’il y en a
une. Les candidats au transfert doivent vérifier avant de prendre leur décision,
ce qu’ils ont signé avec leur organisme d’origine. Leur contrat prévoit-il des
frais de transfert ? Si ce n’est pas le cas, le transfert est gratuit. En
outre, l’organisme accueillant peut également demander des frais. C’est le cas
de quelques-uns d’entre eux qui facturent environ 150 euros par domaine. Sachez
qu’Abcidia Certification, en tant qu’organisme accueillant, gère le transfert
gratuitement et prend en charge les coûts éventuels.

 

Quels conseils donneriez-vous aux
diagnostiqueurs dans leur choix ?

 

Tous
les organismes sont accrédités par le Cofrac pour délivrer des documents qui
ont la même valeur. Ensuite, il existe tout un processus humain, technique et
commercial qui varie d’un organisme à un autre.
A ce titre, les candidats ont le choix entre deux types d’organismes de
certification. Il y a des organismes généralistes dans lesquels les clients
sont des numéros parce qu’ils gèrent des milliers de certifications dans de
nombreux métiers très différents. Et il y a des organismes uniquement
spécialisés dans leur métier.

Les
diagnostiqueurs doivent être attentifs à ce qui va leur être proposé, bien lire
les petites lignes et les alinéas, et vérifier qu’il n’y ait pas de pièges, notamment
en ce qui concerne les éventuels frais supplémentaires liés aux opérations de
surveillance ou au repassage des épreuves théoriques et pratiques. D’autre
part, il est important de s’assurer d’avoir en permanence en ligne des
interlocuteurs qui connaissent le métier et qui savent répondre aux questions.

On constate de grandes différences
dans la durée programmée des épreuves.

 

Oui,
certains organismes prévoient des épreuves qui durent deux heures tout compris
pour chaque domaine. Etant donné que sur ce point le Cofrac n’impose rien,
chacun fait ce qu’il veut. Certains proposent notamment de faire passer les 100
questions de l’examen théorique du DPE, dont 25 nécessitent plusieurs réponses,
en seulement 30 minutes. Chez nous, notre épreuve dure déjà une heure pour 60
questions. Pour la pratique, on nous demande de questionner le candidat sur
cinq types de DPE pour nous assurer que la personne choisit la bonne méthode en
fonction du bâtiment. Puis, on lui demande de réaliser un DPE sur factures et
un DPE méthode conventionnelle. Est-ce possible en une heure ? Nous
estimons que cela demande trois heures si l’on veut travailler correctement et
ne pas stresser les candidats. Donc pour le seul domaine DPE, il faut environ
cinq heures pour les deux épreuves. En ce qui nous concerne, nous ne pourrons
faire passer qu’une ou deux certifications dans une journée.

 

Beaucoup de diagnostiqueurs espèrent
bénéficier financièrement de la forte concurrence entre les organismes.

 

Rappelons
que nous prenons la responsabilité de gérer la certification de nos clients
pendant cinq ans. Il ne s’agit pas pour nous de faire n’importe quoi et de
proposer des tarifs extrêmement bas, pour ensuite devoir mettre la clé sous la
porte. D’autant que le législateur nous impose des contraintes de plus en plus
fortes. Nous devons refaire nos examens en les tirant vers le haut. Donc il
faut de la matière grise, c’est-à-dire des référents techniques de plus en plus
compétents. Idem pour les examinateurs. En outre, nous passons de six certifications
à neuf potentiellement. Dans ces conditions, on ne peut pas demander à un
organisme de baisser inconsidérément ses tarifs. Nos clients sont certifiés
depuis cinq ans. Nous pensons donc qu’ils sont assez éclairés pour savoir quel type
de certification ils souhaitent.

 

En ce qui concerne Abcidia
Certification ?

 

Nous
ne rentrerons pas dans la guerre des prix. Nous estimons que nos tarifs sont déjà
parmi les plus attractifs du marché. Nous sommes à environ 500 € par domaine hors
contrôle sur ouvrage, soit 100 € par an par domaine : c’est loin d’être
exorbitant compte tenu de notre responsabilité en termes d’examens,  de surveillance et de suivi des
certifications.

 

En quoi consiste selon vous le
principe d’indépendance
entre
la formation et la certification si souvent débattu dans notre profession
?

 

L’indépendance
prend sa forme dans la non communication et la non transmission d’informations
qui pourraient d’une manière ou d’une autre favoriser les gens qui se seraient
formés et certifiés dans le même organisme. Mais ce principe n’est inscrit
nulle part dans les textes. C’est une indépendance qui, à notre sens, est logique
et naturelle. 

Mais,
il ne faut pas que cette indépendance ait pour résultat que chacun travaille de
son côté. Ce métier est une chaîne de compétences.

Avec
le retour de la formation obligatoire pour le DPE et l’amiante, le législateur
semble avoir constaté que la détention de la certification ne garantit pas
suffisamment la compétence du professionnel. Or pourquoi ce qui est valable pour
le DPE et l’amiante ne le serait pas pour les autres domaines ? Nous pensons
qu’aujourd’hui, nous nous orientons vers un cursus de professionnalisation qui
consiste à se former, puis à se certifier. La certification ne met pas en œuvre
la montée en compétence, elle  ne fait
que la valider. Elle n’est que la dernière pierre de l’édifice.

Si
un jour le législateur veut interdire d’exercer les deux activités, il le fera.
Mais s’il ne le fait pas, c’est qu’il estime qu’il n’existe pas
d’interférences. Avec les statistiques qui lui sont transmises, le Cofrac
constate bien que le taux de réussite moyen des candidats ne diffère pas selon
que le candidat a suivi la formation d’une société apparentée ou d’une autre
société non apparentée. Les taux de réussite sont les mêmes.

 

Cette double activité constituerait-elle
donc plutôt un atout ?

 

Nous pensons que les sociétés qui maîtrisent l’intégralité des process tout en
respectant l’indépendance, sont largement aussi capables de proposer des
formations fortement valorisantes et diplômantes qu’une structure qui ne
s’intéresse uniquement qu’à la formation sans gérer le processus de
certification. En ce qui concerne Abcidia Formation et Abcidia Certification,
nous avons  créé ces structures dans ce
but. Peut-on nous reprocher de vouloir mettre en œuvre un process qui permet de
garantir au final la professionnalisation de la personne qui obtiendra sa
certification ? Doit-on nous faire un procès d’intention pour ça ? En ce qui nous concerne, nous
pensons que non. Il y a une quinzaine de jours, Abcidia Formation a déposé un
dossier au registre national des qualifications professionnelles pour des
formations de professionnalisation de niveau 2, c’est-à-dire bac+3. Nous sommes
inscrits dans une démarche d’obtention de diplômes et avons la volonté de
proposer des prestations de formation de qualité avec des process qui sont
quasiment calqués sur ceux de la certification. Tout est lié.

 

* Document de référence élaboré par le Cofrac et le
ministère en concertation avec la profession fixant les exigences spécifiques
pour la certification des diagnostiqueurs.

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