DPE : QUESTIONS AUTOUR DE L'HARMONISATION DES PRATIQUES DES DIAGNOSTIQUEURS Profession

Publié le par Mathias LOVAGLIO

Alors que le moteur de calcul semblait enfin se stabiliser, la fiabilisation du DPE a une nouvelle fois été mise à mal par la parution d’une nouvelle enquête de 60 Millions de consommateurs stigmatisant le manque d’harmonisation des pratiques des diagnostiqueurs. En réaction à l’emballage médiatique et politique qui a suivi, la DHUP a demandé aux organisations professionnelles de lui adresser leurs propositions pour corriger le tir. À l’heure où s’annonce le futur audit énergétique obligatoire et où la baisse de la sinistralité devient en enjeu vital pour la filière, il y a urgence.

Tout le monde s’accorde sur le caractère perfectible du nouveau DPE et sur les difficiles conditions de mise en œuvre de la réforme. Même 60 Millions de consommateurs le concédait : « la réforme a changé les règles du jeu et sans doute complexifié la réalisation des diagnostics. ». Il n’est pas non plus question de nier que des problèmes subsistent et contribuent à des résultats qui présentent des incohérences, comme la forte pénalisation des petites surfaces à cause des besoins d’eau chaude sanitaire. Mais se réfugier derrière ces arguments ferait cependant courir le risque de ne pas résoudre les problèmes profonds et bien réels révélés par l’enquête du magazine.

Plus de formation oui ! Mais quelle formation ?

Pour 60 Millions de consommateurs, l’insuffisance de la formation serait à l’origine de ces « erreurs en pagaille » dans les DPE. Il reste cependant à préciser de quel type de formation auraient besoin les diagnostiqueurs pour homogénéiser leurs pratiques. Car c’est bien une fois confrontés aux missions sur le terrain que les diagnostiqueurs se retrouvent parfois désemparés. Le fait qu’ils soient nombreux à se tourner vers des espaces d’échanges pour solliciter l’avis de leurs confrères (forum Diagactu, Les Ateliers du Diag, groupes Facebook) démontre certaines faiblesses dans l’approche pratique de la formation initiale. Même si prétendre à l’étude exhaustive des situations est illusoire tant leur diversité est grande, il importe cependant de donner aux diagnostiqueurs des clés communes pour appréhender de façon uniforme les différentes problématiques qu’ils rencontrent sur le terrain. Dès la formation initiale bien évidemment, mais aussi dans le cadre de leur formation continue et des contrôles sur ouvrage qui doivent constituer de réels moments d’échanges constructifs propices à favoriser leur montée en compétences et l’harmonisation des pratiques.

Trop complexe le DPE ?

Certaines notions, même fondamentalement logiques, ont de quoi surprendre. Par exemple, la surface habitable utilisée pour les estimations du DPE peut différer de celle définie réglementairement pour l’application de la loi Boutin. Des notions qui placent le diagnostiqueur dans une situation inconfortable aussi bien pour réaliser convenablement sa mission, dans le parfait respect de la réglementation, que pour expliquer les résultats de ses estimations à ses clients et prescripteurs. On peut également s’étonner du réel besoin de saisir des données qui n’ont finalement aucune incidence sur les estimations de consommation (années des émetteurs électriques ou des chauffe-eau électriques). Combien sont ceux qui peuvent prétendre maitriser sur le bout des doigts les 183 pages du Guide Cerema, document de référence, mais loin d’être le seul pour un professionnel qui doit également s’approprier la méthodologie et la réglementation toutes aussi importantes d’autres domaines variés ? 60 Millions de consommateurs le reconnaissait d’ailleurs dans sa conclusion : « des simplifications pourraient être apportées et les logiciels peaufinés » afin de faciliter le travail des diagnostiqueurs. À moins que le DPE, et plus largement toutes les questions énergétiques appelées à se développer, ne devienne l’affaire de spécialistes…

Quels moyens donner aux diagnostiqueurs ?

Il apparait que les diagnostiqueurs pourraient aussi être plus aidés dans l’accomplissement de leur mission. Si l’examen visuel est à prioriser pour les données d’entrée, le recours aux documents justificatifs demeure cependant fréquent, sans pour autant exonérer d’en vérifier la cohérence. Notre sondage réalisé en octobre dernier avait mis en lumière les problèmes d’accès à l’information pour les diagnostiqueurs. Absence de documents justificatifs, inaccessibilité aux locaux techniques des copropriétés, 94,5% des sondés avaient rencontré des difficultés à collecter les informations si bien que des données inconnues, avec des valeurs par défaut plutôt pénalisantes, devaient être utilisées dans la plus grande majorité de leurs DPE. Dans sa communication en réaction à la publication de l’article de 60 Millions de consommateurs, la FIDI rappelait d’ailleurs l’importance de « la participation active » des propriétaires et bailleurs pour fournir l’intégralité des informations en amont. Beaucoup semblent au contraire réagir a posteriori, lorsqu’ils découvrent que la classe de leur logement est dégradée en raison des informations insuffisantes portées à la connaissance des diagnostiqueurs. Les efforts de sensibilisation des différents acteurs immobiliers sur cette nécessité pourraient probablement être renforcés.

Revaloriser les tarifs pour revaloriser l’image du DPE ?

La plus grande technicité exigée par le DPE nouvelle version n’a visiblement pas produit de revalorisation significative des tarifs. Que cela soit pour l’étude documentaire, la visite in situ, la saisie des données ou la mise en cohérence de propositions de travaux parfois saugrenues, ce nouveau DPE requiert plus de temps comme notre sondage l’avait attesté, sans pour autant entrainer d’augmentation proportionnelle des tarifs. Probablement que les diagnostiqueurs ont gagné en efficacité à mesure qu’ils se sont appropriés ce nouveau DPE et que celui-ci a été stabilisé, mais la question du tarif reste posée. D’autant plus que certaines pratiques « low cost », qui dépassent le seul sujet du DPE, interrogent sur la qualité de la prestation et diffusent depuis de nombreuses années l’idée que les diagnostics ne sont qu’une formalité obligatoire bien inutile. Renforcer les contrôles, aussi bien de la part de l’Ademe que des organismes certificateurs, permettraient de lutter contre ces pratiques qui favorisent la réalisation de DPE bâclés et empêchent, dans le même temps, les diagnostiqueurs consciencieux de valoriser plus justement leurs prestations, à la hauteur de leur travail et des enjeux.

DPE

Cet article vous a plu ? Partagez-le !

2 commentaires

  • Antoine JUMELLE a écrit

    J’adhère complètement, et notamment au dernier paragraphe.
    Merci

  • Regis REYNAUD a écrit

    Bravo !! et … merci !!
    pour la formation peut être .. on en a toujours besoin mais raccourci trop facile pour les journalistes et les politiques
    pour la recherche d’infos : c’est une vraie galère et peut être qu’effectivement une formation des agences immo seraient très utile
    pour les tarifs : je ne cesse de faire des commentaires dans ce sens et j’aimerai bcp que les fédérations professionnelles réagissent !! seul l’ensemble de la profession peut faire que celà change qt que les prix ne soient plus imposés par les agences !!

Laisser un commentaire

EXIM

NOS OFFRES D'ABONNEMENT