FORMATIONS LONGUES AU MÉTIER DE DIAGNOSTIQUEUR IMMOBILIER : MODE D’EMPLOI Profession

Formations longues et RNCP
Publié le par Mathias LOVAGLIO

La reconversion professionnelle demeure encore la principale porte d’entrée au métier de diagnostiqueur immobilier. Si le « permis de travailler » du diagnostiqueur immobilier reste conditionné à l’obtention et au maintien de ses certifications dans les différents domaines, il doit également apporter la preuve d’une expérience ou d’un diplôme dans les « techniques du bâtiment » avant de se présenter aux examens de certification. Les formations longues proposées par les organismes certifiés pour la formation des diagnostiqueurs immobiliers ont pour objectif de mettre à niveau les stagiaires qui ne disposent pas de ces prérequis, notamment en leur permettant de se présenter à l’examen d’un diplôme reconnu de niveau 5 (enregistré au RNCP) qui ouvre également droit à l’utilisation du CPF. Le point avec Valérie Keller, directrice d’ASE Formation, et Nassere Allag, directeur général de N2a Formation.

La question des prérequis pour le DPE et les mentions

Depuis 2012, des prérequis ont été introduits pour prétendre à certaines certifications. Actuellement, et selon les termes de l’arrêté compétences du 24 décembre 2021, les candidats aux certifications avec mention (plomb, amiante, Énergie) et à la certification Énergie sans mention doivent justifier de l’un des critères suivants :

  • une expérience professionnelle de 3 ans de technicien ou agent de maîtrise du bâtiment ou dans des fonctions d’un niveau professionnel équivalent dans le domaine des techniques du bâtiment ;
  • un diplôme sanctionnant une formation du niveau de l’enseignement post-secondaire d’une durée minimale de deux ans à temps plein ou d’une durée équivalente à temps partiel dans le domaine des techniques du bâtiment, dispensée dans une université ou un établissement d’enseignement supérieur ou dans un autre établissement de niveau équivalent, ou un titre professionnel équivalent ;
  • de compétences exigées par un État de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen pour une activité de diagnostic comparable, ces compétences ayant été obtenues dans un de ces États ;
  • de la détention de connaissances équivalentes en lien avec les techniques du bâtiment.

Sans DPE, voire sans mention amiante, l’employabilité des candidats demeure réduite sur le marché de l’emploi de la filière et la validation de ces prérequis est donc, de fait, indispensable pour eux. Ces prérequis obligatoires ont conduit les organismes de formation (OF) à développer des cursus dits de « formation longue », diplômants et certifiants, pour les candidats qui ne disposent pas d’une expérience de trois ans ou d’un diplôme Bac+2. La plupart des formations longues en diagnostic immobilier leur permettent en effet de se voir délivrer un titre professionnel de niveau 5 (anciennement niveau III), équivalent à un Bac+2. Pour cela, il est indispensable que ce titre professionnel soit inscrit au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) dont l’obtention atteste que le titulaire détient toutes les compétences nécessaires à l’exercice d’un métier.

Cette voie d’accès permet donc à des profils venant de tous les horizons professionnels de se former au métier de diagnostiqueur immobilier, sans connaissance particulière du bâtiment, et l’enregistrement au RNCP rend possible le financement de la formation par le Compte personnel de formation (CPF) du candidat.

Actuellement, 30 organismes de formation sont certifiés pour former les diagnostiqueurs immobiliers, mais tous ne proposent pas de formations initiales enregistrées au RNCP.

La mise à niveau des candidats en « techniques du bâtiment »

Outre les formations préparant aux 6 domaines de certification du métier de diagnostiqueur immobilier, ces cursus longs ont donc vocation à apporter aux stagiaires les prérequis en « techniques du bâtiment ». « Le module « connaissance du bâti » n’est pas soumis à l’annexe III de l’arrêté compétences donc chacun met ensuite en place les moyens et méthodes pédagogiques qu’il juge nécessaires », précise Nassere Allag. Chaque OF dispose donc d’une certaine marge de manœuvre dans l’organisation de la mise à niveau de ses stagiaires.

ASE Formation propose ainsi une formation longue de 51 jours. « Nous intégrons des candidats qui ont au moins le niveau Bac, ou dont l’entrée est validée par notre commission pédagogique, car nous savons par expérience que l’apprentissage de toutes les réglementations est difficile. Leur cursus débute par un module « découverte du métier » de deux jours durant lequel nous abordons le quotidien du diagnostiqueur, son organisation, ses équipements, le marché, les différents acteurs, etc. Il est suivi par un module « bases techniques du bâtiment » de cinq jours (trois jours avec un formateur et deux jours en e-learning) pour leur mise à niveau. Ensuite seulement nous les préparons à passer le titre professionnel métier avec les programmes des six domaines et mentions, les formation SS4 et PCR (personne compétente en radioprotection). Il est nécessaire, avant même d’aborder les diagnostics, de leur expliquer comment un bâtiment est construit », explique Valérie Keller.

Chez N2a Formation, Nassere Allag consacre aussi une grande partie des 39 jours de sa formation longue aux techniques du bâtiment : « pour la mise à niveaux des candidats, nous avons un cours « connaissance du bâti » qui est également repris dans les supports des différents modules ce qui permet de faire le lien avec les particularités de chacun des domaines (DPE, électricité, etc.). Tout au long de la formation, une base documentaire est mise à la disposition de nos stagiaires et ils sont régulièrement mis en situation grâce à des exercices pratiques. Nous organisons cela en réalité virtuelle et même parfois avec des outils holographiques ».

La validation de la mise à niveau interviendra en fin de cursus : « Nous les accueillons pendant 5 jours pour un travail préparatoire afin de les mettre en condition pour l’oral du jury d’examen. Nous leur demandons alors de rédiger un dossier de diagnostic technique complet, sur la base d’un cas pratique en réalité virtuelle 360. Sur la plateforme LMS [Learning management system], nous leur proposons une maison sur laquelle ils ont les 6 diagnostics à réaliser en utilisant un logiciel métier. Une fois restitués, nous les notons et leur délivrons, en cas de réussite, leur certification professionnelle qui vaut diplôme Bac+2 », poursuit Valérie Keller. Mais attention, s’il permet de justifier des prérequis fixés par l’arrêté compétences du 24 décembre 2021 et d’attester du suivi des formations initiales obligatoires, ce diplôme ne suffit pas pour exercer. Les diplômés devront encore obtenir leurs certifications pour chacun des domaines auprès d’un organisme certificateur (OC) cette fois-ci.

Les examens de fin de diplôme sont relativement similaires chez N2a Formation, avec un entretien devant un jury et la rédaction d’un mémoire. Mais Nassere Allag n’entend pas pour autant lâcher ses stagiaires fraichement diplômés seuls dans la nature : « nous leur proposons aussi un accompagnement pendant un an après la fin de leur formation. Ils peuvent nous contacter via une messagerie instantanée grâce à laquelle un référent technique peut répondre à leurs questions sur la pratique du métier, les questions techniques ou juridiques ou encore pour les aider à passer leur première surveillance documentaire ».

Aller plus loin qu’une simple formation initiale

Ces formations longues proposent souvent des modules dont la durée va au-delà des exigences minimales fixées par l’arrêté compétences du 24 décembre 2021 pour la formation initiale (3 jours pour les domaines sans mention, 5 jours pour les domaines avec mention). Cet allongement permet de tenir compte de la mise à niveau en techniques du bâtiment, d’approfondir chaque domaine et de mettre en avant la pratique. « Il parait difficile de former convenablement quelqu’un qui n’est pas issu du bâtiment avec trois jours par domaine », estime Valérie Keller. « Nous nous sommes adaptés à nos stagiaires, qui viennent de reconversion professionnelle sans forcément d’expérience dans le bâtiment, en proposant des modules plus longs que le minimum autorisé. Par exemple, notre module consacré à l’Énergie comprend cinq jours dédiés au DPE sans mention, deux jours supplémentaires pour la mention, et une journée de formation logiciel ».

Les formations longues sont aussi l’occasion de mettre l’accent sur la pratique comme c’est le cas chez N2a Formation, même si l’organisation de stages en entreprise s’avère compliquée : « beaucoup de stagiaires ont du mal à trouver des entreprises qui craignent parfois de voir un nouveau concurrent s’installer sur leur secteur. Nous nous sommes aussi rendu compte que le diagnostiqueur n’avait pas toujours le temps de tout expliquer aux stagiaires, ce qui n’était pas satisfaisant pour l’apprentissage. Nous avons donc décidé, pour la session en cours, de remplacer les stages en entreprise par 10 jours de pratique terrain, dispensés sur la plateforme pédagogique de notre centre de formation par un diagnostiqueur expérimenté, durant lesquels on aborde, pas à pas, les diagnostics, la rédaction des rapports, les exclusions, etc. Nous avons déjà d’excellents retours ».

La certification RNCP de votre OF n’est pas active, pas de panique !

Le site France compétences recense les certifications inscrites au RNCP. Pour le métier de diagnostiqueur, seulement un tiers d’entre elles sont actives. « Quand ils sont inactifs, ces diplômes ne sont pas valables. Ce n’est pas un problème pour la plupart des domaines sans prérequis, mais ça en devient un pour le DPE et les mentions. Et si la formation ne délivre pas de titre RNCP, il n’est pas possible d’utiliser le CPF », précise Nassere Allag.

« Il y a eu un gros serrage de vis depuis que France compétences est chargée de la sélection des dossiers avec l’objectif de remonter le niveau de qualification des diplômes », explique Valérie Keller. « Ils veulent une vraie cohérence entre la formation, le diplôme décerné et l’accès à un métier. Tous les titres qu’ils octroient doivent être en phase avec le marché de l’emploi actuel. C’est pour cela que nous devons fournir un état exhaustif des candidats qui se sont présentés à l’examen durant les deux dernières années : ceux qui ont réussi, ceux qui ont échoué, et le taux d’accès au métier. Ils veulent avoir la certitude que le diplôme que nous délivrons emmène bien vers le métier de diagnostiqueur. C’est un travail assez lourd. Ces informations sont remontées à la Caisse des dépôts et consignation car ces formations sont financées par le biais du Compte personnel de formation (CPF) ». Ce durcissement est confirmé par Nassere Allag : « les temps d’attente chez France compétences sont maintenant passés à 24 mois et il y a 87% de refus dans les commissions ». Délivrées pour 5 ans, beaucoup des certifications professionnelles de diagnostiqueur immobilier n’ont donc pas été renouvelées.

Pour autant, cela n’empêche pas nécessairement les stagiaires des formations certifiantes inactives de valider un diplôme reconnu Bac+2, ni même de faire financer leur formation par le CPF. En effet, pour continuer à délivrer leurs formations longues, ces organismes peuvent devenir « partenaires » d’un OF disposant d’un titre RNCP pour présenter leurs candidats à l’examen comme l’explique Valérie Keller : « Tous ces OF qui sont certifiés pour délivrer des formations au métier de diagnostiqueur communiquent sur le titre professionnel d’un OF qui a sa certification RNCP active. Les stagiaires de ces OF vont alors présenter leur examen devant le jury de l’OF détenteur de la certification active » *.

Des formations longues suffisantes pour bien préparer au métier ?

La relative « facilité » d’accès à la profession de diagnostiqueur est régulièrement mise en avant pour expliquer certains des maux qui frappent la filière : hausse de la sinistralité, incompétence stigmatisée par les enquêtes DPE de la presse consumériste, etc. D’autant plus que certains envisagent une installation à leur compte directement après l’obtention de leurs certifications. Un choix que beaucoup de professionnels déconseillent. Au contraire, Guy Barta, diagnostiqueur, administrateur de la FIDI et examinateur, recommande vivement de prévoir une période au sein d’une entreprise de diagnostic immobilier à l’issue des formations : « La formation, qui est en réalité surtout une préparation aux examens de certification davantage qu’un apprentissage d’un métier, ne va pas assez loin pour permettre au nouveau certifié de voler ensuite de ses propres ailes. Je conseille aux futurs professionnels de programmer un temps de découverte de la pratique terrain à l’issue de leur formation. Des entreprises sont prêtes à les accueillir à condition qu’elles ne soient pas situées dans la même zone de chalandise mais à une trentaine de kilomètres environ ».

Au moment de fixer les critères d’accès au métier de diagnostiqueur immobilier, le législateur a probablement dû tenir compte des besoins en effectifs d’une filière en plein développement et dont les missions sont essentiellement réglementaires, donc obligatoires. Peut-être a-t-il aussi voulu permettre à des personnes peu formées d’envisager une reconversion professionnelle vers un secteur d’activité en plein emploi où les réinsérer.

Apprendre en quelques jours un nouveau métier, complexe aussi bien sur les plans des connaissances techniques et réglementaires étendues à 6 domaines que dans sa mise en pratique sur le terrain, peut cependant interroger. D’autant plus que certains organismes certificateurs proposent d’avoir accès aux certifications nécessitant des prérequis en validant un quiz bâtiment grâce au dernier critère « joker » de justification (preuve de la détention de connaissances équivalentes en lien avec les techniques du bâtiment).

Au moins, les formations longues ont le mérite de ne pas tomber dans cette « facilité » avec des cursus oscillant entre quarante et cinquante jours. « Mais, même si pendant la formation on arrive à acquérir les prémices du savoir-faire, ce n’est pas forcément suffisant pour se mettre à son compte », reconnait Nassere Allag avant de poursuivre : « ce qui est dommage aujourd’hui, c’est que nous ne sommes qu’une trentaine d’organismes de formation et à aucun moment nous nous sommes rencontrés pour travailler ensemble afin d’aider à la montée en compétences de l’intégralité des diagnostiqueurs. Certains ont encore à l’esprit la concurrence alors que nous sommes tous certifiés « organisme de formation en diagnostic immobilier ». En nous coordonnant, je pense que nous aurions une meilleure professionnalisation et moins de litiges et que nous pourrions peser sur les décisions auprès des pouvoirs publics ».

*La certification RNCP36512 « Diagnostiqueur immobilier » d’ASE Formation est actuellement utilisée par Up n’PRO ; la certification RNCP36216 « technicien en diagnostics immobiliers » de N2a Formation est utilisée par Wedge Institute, Quali-Forma et bientôt l’Académie Minerva.

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Un commentaire

  • ETIC a écrit

    Et les notions de gestion d’entreprise, d’étude de marché, de business plan, sont elles abordées car on voit fleurir les killers à tour de bras dans chaque village qui m’environne. En clair, laisser croire aux nouveaux qu’il n’y a pas de sujet c’est les tromper, il y a une vraie problématique de (sur)concurrence, déloyale car faite par des novices inconscients des risques et de leurs responsabilités …

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