« NOUVEAU » DPE : LA COUR DES COMPTES POINTE UNE RÉFORME PRÉCIPITÉE Profession

Publié le par Mathias LOVAGLIO

Dans un rapport, la Cour des comptes dresse un bilan sans détour de la mise en œuvre du « nouveau » DPE, entré en vigueur en 2021. Si elle salue l’ambition de cette réforme, qui fait du DPE un levier central de la politique de rénovation énergétique, elle en dénonce une application précipitée, source de fragilités techniques, juridiques et organisationnelles, avec des conséquences directes pour les diagnostiqueurs comme pour les propriétaires.

Le 3 juin 2025, la Cour des comptes a rendu un rapport critique sur la mise en œuvre du DPE depuis sa réforme de juillet 2021 avec, en toile de fond, ses impacts en termes d’obligations de rénovation énergétique.

Un déploiement rapide mal anticipé

La Cour des comptes observe que la réforme du DPE a été mise en œuvre dans des délais trop courts, sans réelle phase de transition ni accompagnement suffisant des acteurs de terrain. Cette insuffisance d’anticipation a engendré des difficultés dans l’application de la méthode, des erreurs de classement énergétiques signalées dès les premiers mois et une pression accrue sur les diagnostiqueurs.

Elle souligne également que les obligations réglementaires liées à la location des logements énergivores (G en 2025, F en 2028, E en 2034) ont été imposées avant que le DPE n’ait atteint un niveau de fiabilité pleinement satisfaisant, fragilisant son acceptabilité et son efficacité comme outil de régulation.

« Outre des clarifications nécessaires, voire quelques ajustements à apporter pour en faciliter la mise en œuvre, le dispositif devrait être mieux articulé avec d’autres règlementations s’imposant aux particuliers, notamment dans le champ de l’urbanisme et de la copropriété . Un pilotage global du DPE apparaît par ailleurs nécessaire pour mieux mesurer son impact sur les travaux effectivement réalisés pour améliorer les étiquettes énergétiques et ainsi évaluer l’emploi des subventions publiques correspondantes », indique la Cour.

Des incertitudes persistantes autour de la méthode

Malgré les efforts engagés pour fiabiliser le DPE, des disparités de résultats demeurent pour plusieurs raisons : « temps limité, pressions éventuellement exercées par les propriétaires, défaut de documents justificatifs et formation insuffisante des diagnostiqueurs ». La Cour évoque un manque d’harmonisation dans l’application de la méthode entre professionnels, et un encadrement encore lacunaire de certains cas, notamment le bâti ancien.

Le rapport souligne que l’augmentation du nombre de diagnostiqueurs certifiés (+46 % entre 2019 et 2023) ne garantit pas à elle seule une montée en compétence suffisante, notamment dans un contexte de fort renouvellement et de pression sur les délais d’intervention.

Un encadrement insuffisant de la filière

La Cour des comptes estime que l’État reste trop en retrait dans l’évaluation de la qualité des DPE, évaluation qui s’appuie sur une chaîne d’acteurs contrôlés par des organismes accrédités. « Ce système de certification, dont la philosophie repose sur une logique d’amélioration continue et de conformité à des référentiels professionnels (notamment internationaux), ne suffit pas pour autant à maîtriser pleinement les risques constatés en termes de probité et d’impartialité », indique la Cour. Elle évoque des situations de potentiels de conflits d’intérêts entre organismes de formation et de certification « susceptibles de nuire au principe d’impartialité des diagnostics ».

Elle pointe aussi :

  • un pilotage institutionnel dispersé entre plusieurs ministères (Logement, Écologie, Consommation) ;
  • une surveillance limitée de la DGCCRF ;
  • un manque d’anticipation des risques juridiques liés à l’opposabilité du DPE.

Ce déficit de pilotage compromet, selon la Cour des comptes, la crédibilité de l’outil et expose les professionnels à des litiges potentiels, mal couverts sur le plan assurantiel.

Les 6 recommandations de la Cour des comptes

Au final, la Cour des comptes formule 6 recommandations pour remédier aux faiblesses du dispositif qu’elle a identifiées, certaines figurant déjà dans le plan d’action dévoilé le 19 mars dernier par la ministre du Logement Valérie Létard :

  1. S’assurer de la bonne articulation du dispositif du DPE avec la réglementation de la copropriété et de l’urbanisme en associant les représentants des professionnels et des particuliers
  2. Renforcer avant la fin de l’année 2025 le dispositif d’information à l’attention du public, notamment sur les différents types de DPE et les voies de recours possibles
  3. Mettre en œuvre dès 2025 des contrôles statistiques approfondis de la cohérence des diagnostics de performance énergétique effectués par l’Ademe afin de renforcer leur fiabilité
  4. Poursuivre la structuration de la filière avant fin 2026, notamment en instaurant une carte professionnelle pour les diagnostiqueurs afin de prévenir la fraude et garantir la confiance du public
  5. Instaurer une incompatibilité géographique pour les auditeurs par rapport à leurs fonctions antérieures avant fin 2026
  6. Garantir une stricte séparation de l’exercice des missions de formation initiale et de certification avant fin 2026

Ce rapport résonne comme un avertissement adressé aux pouvoirs publics, mais aussi comme un signal pour la filière du diagnostic immobilier. Il invite à une remise à plat de certains aspects d’ordre structurel afin que le DPE puisse véritablement devenir un levier efficace de la transition énergétique, accepté de tous.

Consulter le rapport de la Cour des comptes

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3 commentaires

  • ETIC a écrit

    ”Le rapport souligne que l’augmentation du nombre de diagnostiqueurs certifiés (+46 % entre 2019 et 2023) …..”
    LÀ, TOUT EST DIT ET SUFFIT A EXPLIQUER LE BORDEL ACTUEL ET L’ENFER QUE VIVENT LES ANCIENS DIAGNOSTIQUEURS COMME MOI QUI COULENT PETIT A PETIT.
    MERCI AUX OC QUI SE SONT BIEN GAVE
    MERCI AUX SIMILI FEDERATIONS QUI ONT LAISSE FAIRE
    MERCI A LA PRESIDENCE MACRON QUI A RUINE LE PAYS
    ET PARDON AUX FRANÇAIS QU’ON PARTICIPE A OPPRIMER

  • auditalpesdiags@outlook.fr a écrit

    Un bac professionnel, une filière de formation post-bac BTS, Licence et Master…
    Un contrôle continu par un Ordre des Diagnostiqueurs unique.
    Un droit de réponse par des gens qui pratiquent vraiment notre métier aux petites réunions de la DHUP.
    Out les OC, les syndicats et tous les parasites incompétents de cette filière.
    Personnellement, je fais du DPE et de l’audit énergétique … lorsqu’on me communique les rapports du DDT, j’ai systématiquement des écarts … le pire pour moi c’est l’amiante et le termite !
    Quant aux DPE !
    Aaaah les DPE … ce que je préfére le plus, c’est quand on m’appelle pour un audit énergétique en E et que mon état initial sort en D …
    Non seulement je perds du temps, du chiffre et en plus il faut que j’explique les erreurs des autres !
    Ca fait depuis 1996 qu’on existe, presque 30 ans et tout est en permanence de pire en pire.
    Je fais ce métier par passion depuis tout ce temps et quand je vois l’évolution, ça me dégoûte de payer des charges à cet Etat qui n’est même pas capable de nous reconnaître et nous donner notre vrai place.

  • Pascal CLERC a écrit

    Les sages de la cour des comptes ….. Qui ne tiennent compte que de l’étiquette énergétique (et pas de l’étiquette GES) pour les classes de DPE !?

    Exemple : un bien à priori frauduleux qui serait à 328 est classé en E selon leur courbe qui ne tient compte que de l’énergie alors que si le bien est au gaz nat, au GPL ou au fioul (soit 50% du parc immobilier) il aurait une étiquette GES respectivement en F (à 74 ou 89) ou en G (à 107) …

    Donc près de la moitié des soi-disant DPE frauduleux juste avant les seuils ne seraient en réalité pas en dessous mais en dessus des seuils !!!
    Après ce qui est à pointer c’est le fait d’avoir abaisser les exigences pour pouvoir entrer dans le métier dans le 1er plan de fiabilisation de 2013, l’absence de contrôles et de sanctions sur les faux-diagnostiqueurs et sur ceux qui trichent de manière éhontée, le fait d’avoir accepté des passes-droits pour l’ensemble de la filière formation/certification alors que les textes sont clairs et interdisent les liens structurels et ou financiers et les moyens financiers (donc humains) ridicules alloués au COFRAC pour contrôler la filière et enfin l’influence croissante de certaines sociétés qui cherchent à placer leurs produits auprès des politicien(ne)s qui ont une action ou une influence sur le dispositif réglementaire

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