RENFORCER LES MOYENS DE CONTRÔLE DU COFRAC POUR ASSAINIR LA PROFESSION Profession

Contrôle Cofrac
Publié le par Mathias LOVAGLIO

Organe de contrôle des organismes de certification, le Comité français d’accréditation (Cofrac) semble, pour le moment, absent des débats sur l’amélioration de la qualité de réalisation des DPE. Alors qu’un arrêté compétences modificatif devrait sortir cet été afin d’accroitre les formations et les opérations de surveillance des diagnostiqueurs, ne faudrait-il pas aussi songer à renforcer les moyens donnés au Cofrac pour résoudre certains des maux identifiés au sein de la profession ? Un renforcement qui pourrait également concerner les organismes de certification des OF.

La mission du Cofrac

L’accréditation des organismes de certification des diagnostiqueurs répond aux exigences de la norme NF EN ISO/CEI 17024 (Évaluation de la conformité – Exigences générales pour les organismes de certification procédant à la certification de personnes) et à celles figurant en annexes de l’arrêté compétences du 24 décembre 2021, tandis que l’accréditation des organismes de certification des organismes de formation répond aux exigences de la norme NF EN ISO/CEI 17065 (Évaluation de la conformité – Exigences pour les organismes certifiant les produits, les procédés et les services) et à celles figurant en annexes du même arrêté compétences. C’est au Cofrac qu’appartient la mission de contrôler le respect de ces exigences. « C’est un organe de contrôle, mais ce n’est pas un organe politique de décision. Le Cofrac est le bras armé du ministère pour vérifier la bonne application des textes », précise Hervé Pogam, directeur d’Abcidia Certification et Qualixpert.

Quels sont les moyens de contrôle ?

Le contrôle des OC des diagnostiqueurs s’effectue par le biais d’un audit, tous les 18 mois environ, de 3 jours où on cumule un évaluateur qualiticien et un évaluateur technique par domaine (soit 8 jours en tout). Le responsable d’évaluation vérifie que la partie administrative est en règle (norme 17024), tandis que des évaluateurs techniques s’intéressent au respect des exigences de l’arrêté compétences (contenu et modalités de passage des examens, etc.). Le Cofrac dispose d’un pouvoir de sanction assez large, depuis les écarts non-critiques ou critiques, plutôt anecdotiques, jusqu’à la suspension temporaire, voire la radiation de l’accréditation de l’OC.

Pour Hervé Pogam, « le Cofrac est un gendarme qui met en place une doctrine d’évaluation en fonction des textes et des normes appliqués à la lettre. Même si son prescripteur, la DHUP, décide de modifier les règles, tant que les textes ne sont pas changés, cela n’a aucune valeur pour le Cofrac ». Une doctrine stricte qui a d’ailleurs causé des soucis à quelques OC lorsque la DHUP leur a demandé de faire passer les examens de recertification en distanciel durant la crise sanitaire du Covid-19 sans que l’arrêté compétences soit modifié en conséquence.

Concernant la certification des OF, le fonctionnement est similaire comme l’explique Juliette Jannot, directrice générale d’I.Cert, organisme qui certifie à la fois les diagnostiqueurs et les OF : « un OC est accrédité selon la norme 17065 pour un ou plusieurs schémas d’accréditation. Les contrôles sont réalisés par le biais d’un audit siège qualité et par domaine technique (Amiante, Énergie, etc.), ainsi que par des audits d’observation ».

Des failles dans le dispositif

« Le contrôle n’a pas été prévu pour être une sanction », estime cependant Hervé Pogam. « Lorsqu’en fin d’audit, elle présente ses résultats, l’équipe d’évaluation du Cofrac accorde sa confiance à l’OC dans sa capacité à délivrer des certifications. Mais, en 2023, qui travaille encore sur la confiance ? Personne ! On travaille sur du factuel. J’en ai déjà parlé avec des évaluateurs, il y a des organismes, au moins un, qui n’a pas eu la confiance des équipes d’évaluation, cela ne l’a pas empêché de rester accrédité ». Le principe d’un audit annuel, prévu longtemps en amont, ne semble pas non plus garantir la totale efficacité du système de contrôle. « Le Cofrac vient contrôler pendant 3 jours, mais pendant les 362 autres jours de l’année, il n’y a aucun contrôle. On connait tous les problématiques avec certains OC où un certain nombre de certifiés disparaissent avant les audits et réapparaissent après. Ils le savent, mais ils n’ont aucun moyen de contrôle ».

Juliette Jannot partage le même constat : « dans l’ensemble, le système fonctionne même s’il a ses failles. On est tous conscients que certains passent au travers des mailles du filet à tous les niveaux. Certains diagnostiqueurs ne devraient pas être certifiés et certains OC ne devraient pas être accrédités. Des points de contrôle sont définis pour l’accréditation des certificateurs, mais l’avis de confiance donné n’est fondé que sur ce que l’auditeur est en capacité de constater. À partir du moment où tout est planifié, le certificateur montre ce qu’il veut bien montrer. Si on veut fiabiliser la profession, il faut fiabiliser à tous les niveaux ».

Un système obsolète à réformer ?

À l’heure où seules la montée en compétence des diagnostiqueurs et l’uniformisation des formations/certifications sont évoquées dans le plan d’amélioration de la qualité de réalisation des DPE, ne faudrait-il pas que la DHUP réfléchisse aux moyens octroyés au Cofrac pour lutter contre certains maux qui frappent la profession et qu’un MOOC ou un renforcement des formations et des surveillances ne parviendront pas à éradiquer ?

« Le Cofrac n’est pas totalement absent des consultations », précise Juliette Jannot. « Mais le ministère les a essentiellement organisées par silos avec les OC, les OF, les fédérations et le Cofrac, même si certaines réunions ont rassemblé tout le monde ». Le fait que le rôle que pourrait jouer le Cofrac ne soit, pour le moment, pas mis en avant n’étonne pas Hervé Pogam : « c’est à la DHUP de fixer la direction et les règles que les OF, les OC et le Cofrac devront appliquer ».

Pour autant, un changement de doctrine parait nécessaire afin que les contrôles gagnent en efficacité. « On est sur un fonctionnement de qualité, donc de dossiers », estime Hervé Pogam. « Les moyens de contrôle pourraient être beaucoup plus efficients avec les outils technologiques d’aujourd’hui. Plutôt que des audits présentiels prévus six mois à l’avance, il serait bien plus efficace que le Cofrac puisse accéder à tout moment à nos bases de données et à nos plateformes pour exercer un contrôle beaucoup plus continu. Il aurait ainsi une vision sur le nombre de certifiés de chaque OC, le nombre de suspendus, etc. Si on lui donne les moyens de se connecter à n’importe quel moment, il faudra que tout soit en règle en permanence ».

Sans parler de contrôle en continu, Juliette Jannot souhaiterait disposer d’autres moyens : « en tant que certificateur, nous sommes en mesure de valider les compétences d’une personne, par contre nos moyens sont limités pour contrôler ce qu’elle fait sur le terrain. Par ailleurs, des contrôles inopinés, avec par exemple un client mystère chez les OC, permettraient d’observer la réalité du quotidien et non de contrôler ce que l’on veut bien nous montrer ».

Si ces pistes dépassent largement la seule question de la qualité de réalisation des DPE, elles pourraient néanmoins être également déployées dans la lutte contre les mauvaises pratiques. Le recours aux clients mystère est évoqué par certains diagnostiqueurs afin de vérifier, au sein des agences immobilières, si les DPE ont bien été enregistrés à l’Ademe. Quant au contrôle plus régulier des données exploitables proposé par Hervé Pogam, il pourrait aussi s’appliquer sur les DPE enregistrés à l’Ademe afin de repérer certaines irrégularités.

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