ANALYSE AMIANTE DES ENDUITS : BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN ? Technique

Publié le par Alain

Deux notes du Cofrac et du ministère de la Santé diffusées à quelques semaines d’intervalle suscitent des interrogations quant aux risques d’une multiplication des prélèvements dans le cadre des repérages amiante. Mais gare aux surinterprétations et à la surenchère comme nous l’explique Antoine Pietrini (Assist’Amiante).

 

Au mois d’octobre, une note du ministère de la Santé précisait la définition des enduits projetés (liste B des MPCA) en s’appuyant sur la technique d’application et non sur l’aspect de finition. C’est maintenant au tour du Cofrac de diffuser une note à l’attention des organismes accrédités sur le domaine Amiante (prélèvements et essais physiques) qui interroge de nombreux acteurs. Celle-ci vise à apporter des éclaircissements aux problématiques suscités par l’arrêté du 1er octobre 2019 relatif aux modalités de réalisation des analyses de matériaux et produits susceptibles de contenir de l’amiante, aux conditions de compétences du personnel et d’accréditation des organismes procédant à ces analyses.

 

Dans cette note, on peut lire à propos de l’analyse des enduits : « il est attendu qu’une séparation des constituants composant les matériaux et produits susceptibles de contenir de l’amiante naturellement présent […] soit réalisée en amont de leur analyse respective. Cependant, cette séparation peut s’avérer incomplète, notamment par exemple dans le cas des échantillons d’enduits du fait du faible diamètre des granulats les constituant. Il est ainsi attendu que ces types de matériaux soient traités conformément au 3) de l’article 6 de l’arrêté en réalisant une analyse au MOLP, même si les constituants ne sont pas séparables. La validation de la méthode du laboratoire devra à ce titre prendre en compte cet aspect. »

 

De cette lecture, on pourrait croire que le travail de l’opérateur de repérage s’en trouve accru tout comme le nombre de prélèvements surtout si l’on tient compte de la confusion créée par la précédente note du ministère de la Santé. Du côté des laboratoires, les analyses pourraient aussi être plus poussées, avec le risque de connaitre une explosion du coût des repérages. Mais cette lecture n’est peut-être pas la bonne…

 

DTA et amiante avant-vente : est-il vraiment nécessaire de prélever plus ?

 

Pour Antoine Pietrini, expert judiciaire et formateur d’opérateurs de repérage, l’application de la méthodologie réglementaire, inchangée, n’induit pas automatiquement une augmentation du nombre de prélèvements à réaliser. « La note du Cofrac s’applique à la relation entre l’opérateur de repérage et le laboratoire, en particulier pour les analyses de matériaux dont les différents composants doivent normalement être séparés en amont et sur la présence de certains amiantes naturels dans certains granulats spécifiques. Mais je ne comprends pas comment on a pu croiser cette information avec la note DGS sur les enduits projetés de la liste B qui, elle, pose vraiment problème.

 

Cette note pose d’abord un simple problème juridique, n’étant ni signée, ni référencée, ni datée : elle n’a donc pas d’existence réglementaire. Contrairement à, par exemple, l’instruction DGT du 16 octobre 2015, clairement identifiée et opposable, et donc éventuellement attaquable par les voies de recours prévues, celle-ci n’a aucun caractère contraignant. Son contenu n’est donc pas normatif.

 

Ensuite, sur le plan technique, je lui trouve au minimum trois défauts.

Premièrement, elle ne répond pas à la question posée par les diagnostiqueurs : on ne nous a toujours pas expliqué ce qu’était un enduit projeté, tous les enduits (plâtre, ciment, etc.) ayant pu un jour être « projetés ». Au bout de dix ans d’interrogation, elle ne propose aucun critère qui ne soit interprétable ou discutable : que l’on nous décrive précisément les choses, éventuellement avec des exemples voire des photos ! La phrase qui impose aux opérateurs de savoir à quelle époque on utilisait une machine pour projeter est surréaliste : un enduiseur, un peintre et un plaquiste interrogés en même temps ne sont déjà pas d’accord entre eux !

 

« Entre le principe de précaution, les principes de prévention et le principe de réalité, on a oublié la réalité du terrain. »

 

De plus, les enduits projetés ne posent pas, selon moi, de difficulté de prélèvement mais seulement de repérage initial, ce qui est très différent. La note prétend, sans aucune explication, que : « Le prélèvement d’enduit recouvert de peinture, papier peint ou moquette entre dans la définition des prélèvements de matériaux accessibles sans travaux destructifs figurant dans la liste B du code de la santé publique ». Entre le principe de précaution, les principes de prévention et le principe de réalité, on a oublié la réalité du terrain. Et celle-ci prouve le contraire dans de très nombreux cas où cet hypothétique enduit n’est absolument pas repérable sans dégradation des revêtements existants ! Or, quand on pratique un repérage des MPCA de la liste B, on pratique des investigations qui sont, par nature, non destructrices, même si elles doivent être approfondies. Hormis le cas fort peu probable où cet enduit serait également une finition visible et accessible, je ne vois pas comment on pourrait identifier et repérer la présence d’un enduit projeté dans la phase initiale du repérage sans dégrader. Une fois de plus, le problème n’est pas du tout le prélèvement qui est un faux problème !

 

Dernière étrangeté : la note indique que, dès qu’on ne sait pas, on prélève. Ce n’est pas du tout ce qui est écrit dans la réglementation, qui prévoit également pour la liste B, aux côtés du marquage du matériau considéré, de sa nature intrinsèque ou d’un éventuel document consulté, trois critères ici inopérants, la possibilité de conclure positivement sur jugement de l’opérateur. Ce n’est pas la moins grave des approximations de ce texte…

 

Cette note posant donc plus de problème qu’elle n’apporte de solutions, tout en n’étant d’aucune valeur juridique, je conseille donc aux opérateurs de repérage de ne rien changer à leur pratique -si celle-ci respecte bien la réglementation voire la norme- tant que cette note n’est pas assortie d’une référence réglementaire et complétée d’exemples concrets.

 

Parallèlement, il serait bon que nos fédérations, et j’ai publiquement souhaité que la nouvelle instance soit force motrice sur le sujet, s’emparent véritablement du problème et demandent officiellement un éclaircissement en urgence et par écrit à la DGS ».

 

Si ces deux notes semblent réellement créer une confusion par manque de précisions, faire le lien entre elles et prédire une augmentation des prélèvements à réaliser parait être une conclusion bien hâtive. Pour autant, il semble urgent que les éclaircissements attendus, parfois depuis de nombreuses années, soient enfin apportés afin d’éviter des débats stériles qui sèment le trouble sur un sujet déjà suffisamment complexe.

 

Mathias Lovaglio

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