COVID-19 : QUELLE RESPONSABILITÉ POUR L’EMPLOYEUR DIAGNOSTIQUEUR ? Technique

Publié le par Alain

Selon Maître Jean-Marc Perez, cabinet AVOX, les entreprises de diagnostics doivent tirer les leçons d’un premier arrêt d’appel de la Cour d’appel de Versailles rendu le 24 avril 2020 sur l’obligation de sécurité de l’employeur en période de Covid-19. Analyse. 

 

Le 24 avril 2020, la Cour d’appel de Versailles a rendu le premier arrêt d’appel sur l’obligation de sécurité de l’employeur durant le Covid-19. Cette décision peut servir de référence aux chefs d’entreprises pour respecter leur obligation de sécurité à la levée du confinement prévue le 11 mai prochain, et à la reprise progressive de l’activité.

 

Même si cette décision concerne une entreprise de très grande taille, en l’occurrence Amazon, il est possible d’en tirer des enseignements pour toutes les entreprises, indépendamment du nombre de salariés.

 

Actuellement, les règles imposées par le gouvernement imposent de rester confiné en privilégiant le télétravail. Si le télétravail est impossible, les salariés ne peuvent refuser d’aller travailler, sauf à invoquer (avec tous les risques inhérents) leur droit de retrait. L’employeur doit dans ce cas tout mettre en œuvre pour respecter ses obligations de sécurité.

 

Rappelons tout d’abord que l’employeur qui ne respecte pas son obligation de sécurité s’expose non seulement à des sanctions civiles devant les juridictions prud’homales mais également à des sanctions pénales.

 

La Cour de Versailles rappelle quelles sont les conditions nécessaires dans le contexte actuel de pandémie pour que l’obligation de sécurité de l’employeur soit respectée.

 

Ces principes sont relativement simples à comprendre et à mettre en œuvre. Ils peuvent se résumer ainsi :

 

1. Suivre les recommandations prises par le gouvernement.

2. Evaluer les risques de manière pertinente.

3. Concertation entre employeurs et salariés.

4. Une approche pluridisciplinaire.

 

1.  Suivre les recommandations prises par le gouvernement.

 

L’obligation de sécurité prévue à l’article L4121–1 et 2 du Code du travail impose à l’employeur de prendre toutes les mesures pour assurer la sécurité et la protection de la santé physique et mentale des salariés :

 

en informant les salariés des risques relatifs à leur situation de travail ;

en formant les salariés aux gestes de sécurité ;

en prévenant ces risques professionnels.

 

En période de pandémie, le gouvernement a édicté et réactualise régulièrement en fonction des connaissances les mesures de sécurité qui doivent être prises dans les entreprises.

 

Les employeurs doivent se tenir informés de ces recommandations, sans cesse en évolution, qui doivent être strictement appliquées.

 

2. Evaluer les risques de manière pertinente.

 

Cet arrêt du 24 avril 2020 impose à l’employeur de prendre en compte « des situations concrètes de travail », en associant les salariés qui « disposent des connaissances et de l’expérience de leur propre situation de travail et des risques qu’elle engendre… en respectant le droit d’expression des salariés sur leurs conditions de travail, leur participation …la méthode retenue doit permettre d’appréhender la réalité des conditions d’expositions des salariés au danger… ».

 

3. Une concertation indispensable entre employeurs et salariés.

 

Ce principe concerne toutes les entreprises quel que soit le nombre de salariés.

 

Dans cet arrêt les syndicats d’Amazon reprochaient entre autres à la société de ne pas les avoir associés à la rédaction du document unique d’évaluation des risques.

 

Les articles L4121-3 et R4121-1 et suivants du Code du travail imposent à l’employeur d’évaluer les risques dans chaque unité de travail dans un document unique d’évaluation des risques DUER mis à jour au moins une fois par an et lors de toute décision d’aménagement modifiant les conditions de santé de sécurité ou de travail ou lorsqu’il y a une information nouvelle à intégrer.

 

Même dans une petite entreprise sans conseil économique et social, l’employeur doit s’efforcer de se concerter avec les salariés « premiers acteurs de leur sécurité sanitaire » afin de bénéficier « de l’apport essentiel de leur retour d’expérience ».

 

Cette concertation devra être faite régulièrement à fin que dans ce contexte exceptionnel puisse être faite une mise à jour précise du document unique d’évaluation des risques.

 

Pour cela, face à des difficultés auxquelles bien évidemment les employeurs ne peuvent pas tous être préparés, des outils pratiques existent pour les aider, tel que le « Guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la filière du diagnostic immobilier et du repérage amiante » ainsi que le guide pratique élaboré par la FIDI.

 

L’employeur qui se conforme aux préconisations édictées par ces documents et aux règles imposées par le gouvernement, pourra très difficilement, cela se comprend, voir sa responsabilité d’employeur recherchée si l’un de ses employés est contaminé (outre qu’il sera extrêmement difficile de démontrer que l’origine de la contamination provient d’un contact lors de la relation de travail et non d’un contact extra-professionnel).

 

On imagine mal également qu’un client contaminé puisse prouver qu’il ait été contaminé par le technicien chargé de la réalisation des diagnostics, surtout si les gestes barrières et les mesures de précaution recommandées par les guides ont été respectés.

 

4. Adopter une approche pluridisciplinaire.

 

La Cour d’appel enjoint les employeurs à adopter « une approche pluridisciplinaire en convoquant des compétences médicales (notamment médecine du travail) techniques et organisationnelles ».

 

Les articles L4644-1 et R4644-1 et suivants prévoient que l’employeur peut faire appel à des « intervenants extérieurs », pluridisciplinaires comme les services de santé au travail interentreprises (médecine du travail), les services de prévention des caisses de sécurité sociale, l’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail ANACT etc.

 

Bien évidemment, tous les employeurs n’ont pas la possibilité de mettre en œuvre des procédures aussi lourdes et complexes, et les guides pratiques cités ci-dessus permettent de pallier cette difficulté.

 

Dans la perspective de l’après-confinement et de la reprise d’activité, les entreprises de diagnostics doivent tirer les leçons de cette première jurisprudence sur l’obligation de sécurité de l’employeur en période de Covid-19.

 

Il me reste à vous souhaiter, à tous, une reprise d’activité aussi sereine que possible pour que vous puissiez rapidement surmonter les difficultés, surtout économiques, auxquelles vous devez actuellement faire face.

 

Et, surtout, portez-vous bien !

 

 

   Jean-Marc PEREZ

   Avocat associé


Nota : Cette analyse a été rédigée jeudi 30 avril, soit avant la publication par le ministère du Travail de la fiche intitulée « Quelles précautions prendre contre le COVID-19 ? » destinée aux diagnostiqueurs, ainsi qu’aux bureaux de contrôle et aux bureaux de vérification.

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