GUILLAUME EXBRAYAT : « ARRÊTER DE FAIRE DES DPE EST INTENABLE RÈGLEMENTAIREMENT ET SUICIDAIRE COMMERCIALEMENT ! » Technique

Publié le par Alain

Trois mois jour pour jour après l’entrée en vigueur du DPE V3 dont le ministère recommande désormais la suspension partielle et à quelques jours d’une réunion cruciale entre tous les acteurs, Guillaume Exbrayat, président de Diagamter et administrateur de la CDI FNAIM, réagit sur les difficultés de mise en place et évoque un scénario de sortie de crise.

 

 

Que pensez-vous de la recommandation du ministère de suspendre l’édition des DPE pour les habitations d’avant 1975 ?

 

Il était temps que le ministère prenne une décision puisque les problèmes étaient malheureusement prévisibles. Pour autant, je reste persuadé qu’il fallait maintenir la date du 1er juillet 2021 pour l’entrée en application de la réforme pour de nombreuses raisons, raisons réaffirmées par le dernier rapport du GIEC sorti au moins d’août. Nous sommes dans une situation d’urgence qui peut se résumer par quelques chiffres. Il reste 440 Gt de CO2 à générer avant que le climat ne bascule de manière irréversible et nous en produisons 40 par an, ce qui nous laisse 11 ans avant cette échéance dramatique. Nous sommes plus qu’en retard et reculer de 6 mois la réforme du DPE est une situation qui politiquement et socialement n’était pas acceptable. Le bâtiment représente en France 44% de la consommation d’énergie et 20% des émissions de GES. Nous n’agirons pas de manière significative sur le climat sans que le logement y participe. Les diagnostiqueurs qui sont les soldats de premier rang de la rénovation énergétique ne peuvent s’exonérer du sens de la réforme. Il fallait la faire ! 

 

Mais la réalité c’est que l’élaboration du DPE V3 a pris beaucoup de retard et il manquait 4 à 5 mois pour préparer correctement cette réforme. Cela s’est traduit par une tension sur la mise au point des logiciels. Côté DHUP, on n’a cessé de simplifier les tests ce qui a conduit à s’appuyer sur une méthodologie et des outils insuffisamment éprouvés. Ce n’est pas le fait des diagnostiqueurs, mais le fait d’un agenda politique à tenir. Nous avons tous très vite constaté des biens qui sortaient en F et G de manière étonnante, et pas uniquement en raison du manque d’informations transmises par les propriétaires. Mais je pensais que ces anomalies seraient corrigées fin septembre. Force est de constater, qu’aujourd’hui, les difficultés restent importantes. Le ministère a donc pris acte de cette situation même si, pour le moment, personne ne sait bien ce que veut dire cette suspension sur le plan réglementaire. Ce que j’en retiens c’est que nous faisons une pause sur la méthode de travail. 

 

Quelles consignes donnez-vous à vos franchisés qui doivent répondre aux demandes de leurs prescripteurs ?

 

Tout d’abord, je leur apporte mon soutien comme à toute la profession. Ils sont en première ligne pour recevoir les critiques des consommateurs et des médias, avec parfois des propos scandaleux comme ceux évoquant des diagnostiqueurs qui mettraient des mauvaises notes aux DPE pour se couvrir de son opposabilité. L’étiquette DPE est donnée par des textes réglementaires, par des relevés et par des algorithmes et des calculs. C’est une démarche scientifique !

 

Nous avons face à nous l’insatisfaction des clients et surtout l’épuisement des collaborateurs qui sortent des étiquettes manifestement erronées sur les plans thermique et environnemental alors qu’elles sont justes sur le plan réglementaire. Il faut qu’ils retrouvent du sens à leur travail et qu’ils puissent en être fiers. Il est urgent de corriger les anomalies pour restaurer l’image du DPE.

Mais, pour autant, dire que l’on ne fait plus les DPE n’est pas acceptable. Hormis cas un peu rares que j’estime à 5%, nous continuerons à faire des DPE. Le reste est intenable réglementairement et suicidaire commercialement !

 

Qu’attendez-vous de la réunion du 4 octobre prochain avec le ministère qui doit permettre de dresser un bilan complet et établir un plan d’actions pour la sortie de crise ?

 

On ne peut pas revenir à une situation antérieure, c’est d’une complexité réglementaire folle et politiquement inaudible. Gardons la réglementation, mais acceptons d’être encore dans une phase de mise au point des DPE et donnons nous du temps ! La réunion du 4 octobre ne doit pas déboucher sur des décisions dont nous pourrions croire qu’elles vont tout régler en 3 semaines. Il faut faire un vrai travail de méthodologie, la développer informatiquement et prévoir une vraie phase de test de validation. Ce délai, je l’estime à trois mois ce qui nous conduirait à un DPE pleinement fiabilisé fin 2021.

 

En attendant, il faut s’interroger sur le problème de l’opposabilité en cas d’erreurs imputables au moteur de calcul. Les vendeurs contraints à baisser leur prix sur la base d’une étiquette dégradée peuvent légitimement estimer avoir subi un préjudice qui n’est pas à imputer au diagnostiqueur mais à la méthode. Cependant, une suspension de l’opposabilité reste compliquée juridiquement.

 

« C’est à l’État d’indemniser les diagnostiqueurs qui devront rééditer un DPE ! »

 

Il faut également que l’État prenne ses responsabilités. Il est inenvisageable de dire aux clients auxquels nous aurons fourni des DPE réglementairement exacts mais thermiquement erronés que la mise à jour leur sera facturée. Ce n’est pas non plus acceptable que le diagnostiqueur refasse le DPE gratuitement alors qu’il a appliqué la réglementation. C’est bien à l’État d’indemniser les diagnostiqueurs qui devront rééditer un DPE. 50% du coût de la prestation initiale, soit environ 100 euros en moyenne, me parait raisonnable. A partir du 1er janvier prochain, les DPE devraient donc pouvoir être refaits gracieusement pour les propriétaires. Je pense que cette position est largement partagée au sein de la CDI FNAIM et je milite pour qu’elle soit présentée le 4 octobre.

 

Dans ce contexte, l’entrée en vigueur d’un audit énergétique obligatoire pour la vente des passoires thermiques en janvier prochain vous parait-elle pertinente ?

 

L’important n’est pas de savoir s’il faut reporter cette mesure, mais bien de tirer les leçons de l’expérience du DPE. Il faudra prévoir deux phases : une phase de mise au point d’environ 3 à 6 mois et une phase d’ajustement au printemps 2022 qui amènera peut-être à revoir certains audits énergétiques. Sans ces précautions, nous risquons d’être confrontés à un scénario identique ce qui serait dramatique pour l’image de notre profession et le moral de nos collaborateurs qui ont besoin de retrouver la confiance. 

 

Propos recueillis par Mathias Lovaglio.

 


Comparatif de la distribution des étiquettes des DPE réalisés par Diagamter avant et après le 1er juillet 2021

 

 

  Statistiques nationales sur 150 000 DPE V2 réalisés en 3CL et 4 000 DPE V3.

 

Guillaume Exbrayat : « Ces chiffres traduisent bien une forte augmentation des passoires énergétiques, notamment de la classe G dont la proportion est multipliée par 3, alors que le Gouvernement promettait un bilan à l’équilibre.

En revanche, nous n’avons pas d’avis tranché sur la date « pivot » de 1975 qui me parait avoir été élaborée sans vision statistique, mais uniquement sur la base d’une étude théorique. Il serait cependant intéressant de faire une vraie analyse des remontées du terrain. »

 

 


Webinaire | Actualité du nouveau DPE | Vendredi 8 octobre à 11h

 

Suspension et reprise des DPE, réunion du 4 octobre, arrêté modificatif, indemnisation des diagnostiqueurs, audit énergétique… : Diagactu diffusera vendredi 8 octobre à 11h un webinaire sur toute l’actualité du nouveau DPE

 

Posez vos questions à Lionel JANOT, président de la FIDI, et à Thierry MARCHAND, président de la CDI FNAIM.

Inscriptions

 

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