QUALITÉ DE L'AIR INTÉRIEUR DANS LES ÉCOLES : L'ÉCHÉANCE DE 2015 REPORTÉE ? Technique
Au premier janvier 2015, la surveillance de la qualité de l’air intérieur dans l’ensemble des bâtiments recevant du public et notamment des enfants de moins de 6 ans, devient une obligation légale. A l’occasion du 4e colloque Défis Bâtiment et Santé, le docteur Suzanne Déoux, présidente de l’Association Bâtiment Santé Plus souhaite alerter les responsables locaux et les professionnels du bâtiment pour éviter un report de cette mesure.
Que dit cette réglementation sur la qualité de l’air intérieur ?
Suzanne Déoux : La qualité de l’air intérieur dans les établissements a déjà fait l’objet de trois décrets. Le premier, paru le 2 décembre 2011, rendait obligatoire les campagnes de mesures de la qualité de l’air intérieur dans certains établissements recevant du public, notamment les enfants de moins de 6 ans (crèches, écoles maternelles) avant le 1er janvier 2015. Le second, paru le même jour, fixe les valeurs guides en termes de polluants, c’est-à-dire leur seuil de concentration maximale dans l’air. Deux paramètres sont pris en compte : le formaldéhyde et le benzene. Enfin, un troisième paru en janvier 2012 explique comment appliquer ces mesures et donne des indications sur les modalités d’évaluation de l’aération dans les locaux. Ce dernier décret avait beaucoup fait réagir les municipalités car il impose le recours à un organisme certifié par Cofrac, ce qui a un coût. Actuellement, un quatrième décret est en préparation. Celui-ci, dont la publication est attendue pour fin mai, devrait assouplir les agréments nécessaires pour vérifier l’aération des locaux. A cela s’ajoute la mesure du confinement par le suivi en continu du CO2 pendant la période hivernale. Dans tous les cas, la réglementation s’appliquera au 1er janvier 2015, ce qui est très proche maintenant. Les différents acteurs ont donc tout intérêt à s’y mettre et à lancer les appels d’offres au plus vite.
La mobilisation sur la problématique de la qualité de l’air intérieur est donc décevante à ce jour ?
S.D : Certaines municipalités ont franchement joué le jeu et je les en félicite. Mais sincèrement, il y en a encore très peu. Dans les grandes villes comme Paris, Lyon ou encore Villeurbanne, c’est plus facile. Mais la plupart des municipalités en France ne dispose pas d’un budget conséquent, ni de grands moyens d’accompagnements humains, d’autant qu’il n’y a aucune aide prévue par le gouvernement. Comme d’habitude, lorsqu’il y a une nouvelle réglementation, certains font le travail, d’autres attendent le dernier moment. Il y aura probablement un délai supplémentaire pour la mise en place de cette mesure. Par contre, nous espérons qu’après cette première échéance, les municipalités seront prêtes pour 2018 avec l’extension de cette obligation aux écoles élémentaires. Nous n’oublions pas non plus l’échéance de 2020 pour les établissements secondaire ou de formation professionnelle ainsi qu’aux bâtiments d’accueil et de loisirs.
Pourquoi la qualité de l’air intérieur prend-elle de plus en plus d’importance dans la construction des bâtiments, notamment ceux qui accueillent un public très jeune ?
S.D : C’est avant tout une responsabilité éthique. Nous souhaitons sensibiliser les professionnels de la construction et les différents acteurs (notamment les maîtres d’ouvrage, publics ou privés) face à l’enjeu sanitaire qui se cache derrière la surveillance de la qualité de l’air intérieur. Nous ne pouvons plus prendre le risque de gêner le développement respiratoire des jeunes enfants, dont les poumons sont encore en développement. Dans cette réglementation, nous avons choisi de suivre deux polluants en particulier. Le formaldéhyde, contenu notamment dans certains matériaux, la colle, les liants, les produits dérivés du bois, l’ameublement ou encore les produits d’entretien, augmente la réaction allergique. Le second, le benzène provient d’une source extérieure : axe de circulation, parking fortement utilisé etc. mais on le retrouve à l’intérieur ! Cette substance a été classée cancérogène avéré pour l’homme, qui est susceptible de développer des leucémies en cas d’exposition. Il est temps de prendre conscience de l’importance de l’air intérieur sur notre santé.
La France est-elle mauvaise élève sur la qualité de l’air intérieur par rapport aux autres pays ?
S.D : Contrairement aux idées reçues, notre réglementation sur la qualité de l’air intérieur est plutôt draconienne. Au Canada, le lancement de ce genre de campagne est récent. Le colloque Défis Bâtiment et Santé permettra d’ailleurs aux différents spécialistes internationaux de l’environnement intérieur d’échanger sur leurs connaissances et sur les règlementations en vigueur dans leur pays respectifs. Nous aborderons également d’autres problématiques comme la lumière, l’acoustique, les ondes électromagnétique et l’hygiène dans les toilettes scolaires. Nous décernerons également des trophées à des bâtiments exemplaires en matière de qualité de l’air intérieur… Mais vous en saurez plus le 22 mai, lors du colloque à la Cité des Sciences et de l’industrie de Paris.
Source : batiweb.com