DIAGNOSTIC AMIANTE ERRONÉ : UN AGENT IMMOBILIER CONDAMNÉ IN SOLIDUM AVEC LE DIAGNOSTIQUEUR Veille juridique

Cour de cassation - article
Publié le par Mathias LOVAGLIO

Vendre une maison avec des matériaux amiantés mais un diagnostic amiante négatif peut coûter cher au diagnostiqueur, mais aussi à l’agent immobilier ! C’est ce que révèle une affaire dans laquelle les deux professionnels de l’immobilier ont été condamnés solidairement à indemniser les acheteurs pour la démolition et la reconstruction de la maison qu’ils avaient acquise.

Cette affaire débute en 2014 lorsqu’un couple achète un pavillon de type Mondial Pratic au prix de 265 000 € net vendeur. Ce type de maison relève d’un procédé de construction à base de fibrociment à l’époque amianté. Mais le diagnostic remis au moment de la vente conclut à l’absence de matériaux et produits contenant de l’amiante. Un an plus tard, les acquéreurs sollicitent en référé une mesure d’expertise judiciaire après avoir découvert, par des recherches sur internet, la possible présence d’amiante dans la maison. Dans son rapport, l’expert judiciaire conclut que « la maison était inhabitable dès lors que la présence d’amiante empêchait même les travaux les plus ordinaires nécessaires à l’entretien et à la vie courante ». Les vendeurs décident donc d’assigner en justice le diagnostiqueur et l’agent immobilier.

Condamnation in solidum du diagnostiqueur et de l’agent immobilier en première instance

Par décision du 14 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Bobigny condamne in solidum le diagnostiqueur, à hauteur de 85%, et l’agent immobilier, à hauteur de 15%, à payer près de 117 000 € aux acquéreurs au titre des dommages et intérêts. D’une part, il est reproché au diagnostiqueur de ne pas avoir visité certaines parties de la maison pourtant accessibles (combles, grilles de ventilation, toitures, panneaux de façades, etc.). D’autre part, l’agent immobilier est reconnu fautif d’avoir délivré un descriptif incomplet de la maison. En revanche, contrairement à l’avis de l’expert, le tribunal a estimé que la démolition et la reconstruction totale de la maison n’était pas nécessaire car la maison restait habitable. En conséquence, le préjudice a été limité à la seule perte de chance de réaliser des travaux sans avoir à engendrer des frais supplémentaires.

La cour d’appel de Paris confirme les responsabilités et alourdit le montant du préjudice

Le diagnostiqueur décide cependant d’interjeter appel de cette décision. Il reproche tout d’abord à l’expert judicaire d’avoir dépassé le cadre de sa mission en établissant une clef de répartition et demande, à titre subsidiaire, de juger que la responsabilité de l’agent immobilier ne saurait être limitée à 15%. Il demande également que le montant de l’indemnisation soit revu à la baisse en ne tenant compte que du coût des travaux de désamiantage, soit 40 000 € selon un devis établi par une entreprise.

Les acquéreurs demandent aussi à ce que la cour d’appel révise le jugement du tribunal de grande instance. Pour eux, le montant du préjudice doit correspondre au coût des travaux pour la démolition-reconstruction de la maison, conformément à l’avis de l’expert, soit près de 200 000 €.

Enfin, l’agent immobilier demande à la cour d’appel de juger qu’il n’a pas commis de faute.

Dans son arrêt du 28 septembre 2021, la cour d’appel de Paris va cependant confirmer les responsabilités respectives du diagnostiqueur et de l’agent immobilier et même revaloriser l’indemnisation des vendeurs.

Elle estime que le diagnostiqueur « ne peut limiter son intervention à un simple contrôle visuel et qu’il doit mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de son intervention ». Il aurait donc dû « tester la résistance de plaques susceptibles de contenir de l’amiante ou accéder aux combles au moyen de trappes existantes ainsi qu’effectuer des tests sonores et de grattage ». Cette vérification systématique et approfondie aurait aussi servi « à identifier les zones qui n’auraient pu être diagnostiquées sans l’aide de travaux destructifs à charge pour le diagnostiqueur d’émettre des réserves sur ce point précis si des doutes existent sur la présence d’amiante ». Par ailleurs, la cour d’appel estime également que « que la nature du bâtiment, qui relevait d’un procédé de construction à base de fibrociment contenant à l’époque des fibres d’amiante, n’a pas été altéré, que les grilles de ventilation n’avaient pas été fixées mécaniquement mais restaient simplement encastrées et qu’il n’est pas établi que la trappe d’accès aux combles visible du rez-de-chaussée ait été réalisée postérieurement au passage du diagnostiqueur et qu’il aurait suffi, comme le note l’expert, d’une échelle pour permettre une visite des combles ».

La faute de l’agent immobilier est également confirmée par la cour d’appel. Elle estime en effet, qu’en qualité de professionnel de l’immobilier, il ne pouvait ignorer que la maison était potentiellement constituée de plaques en fibrociment contenant de l’amiante. Il a donc failli à son obligation d’informer et de renseigner précisément et complètement les tiers acquéreurs. La cour d’appel ne revient pas non plus sur les conditions de la condamnation in solidum du diagnostiqueur et de l’agent immobilier.

En revanche, elle va infirmer le premier jugement en ce qui concerne la nature et l’indemnisation du préjudice qui s’élève désormais 187 000 €. Le cour d’appel a en effet considéré que « la sanction des manquements des obligations du diagnostiqueur et de l’agence immobilière réside, non dans l’indemnisation de la perte de chance mais, au regard du principe de réparation intégrale du préjudice, qui doit bénéficier à toute victime d’un dommage, dans l’obligation de régler le coût intégral de la suppression de l’élément omis ». Il s’agit donc de rendre conforme l’état avec le diagnostic erroné, c’est-à-dire sans amiante, « alors qu’il s’avère que ces éléments sont présents et que le diagnostiqueur avait les moyens de les constater et l’agence de le soupçonner, ces deux responsables devront, à raison de leurs fautes respectives, régler le coût intégral nécessaire pour l’enlever ». En conséquence, la cour d’appel condamne le diagnostiqueur et l’agent immobilier à la réparation intégrale de l’ensemble des préjudices relevant de l’erreur de diagnostic, soit « le coût des travaux de désamiantage et celui de tous les préjudices liés, à savoir le financement des travaux de reconstruction de la maison qu’il aura fallu raser pour désamianter et la perte de jouissance ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’agent immobilier

L’agent immobilier décide cependant de se pourvoir en cassation pour contester sa condamnation in solidum. Il estime être « en droit de se fier à un rapport technique établi par un professionnel compétent ». Il réfute donc avoir commis une faute en n’informant pas les acquéreurs de la présence très probable d’amiante dans la maison, alors qu’il était fondé à présumer exacte l’analyse du diagnostiqueur qui avait conclu à l’absence d’amiante. Enfin, si sa responsabilité venait à être confirmée, il estime que les conséquences d’un manquement à son devoir d’information ne peuvent s’analyser qu’en une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses pour les acquéreurs.

Dans son arrêt du 16 mars 2023, la Cour de cassation rejette cependant son pourvoi pour les motifs suivants :

  • en qualité de professionnel de l’immobilier, mandataire du vendeur, il ne pouvait ignorer que le bien dont il réalisait la vente était une maison du type Mondial Pratic, procédé de construction à base de plaques en fibrociment contenant de l’amiante, et que c’est seulement après la vente que, par des recherches sur internet, l’acquéreur avait été informé de la possible présence d’amiante dans le bien concerné ;
  • il lui incombait de mentionner la date et le type de construction de la maison dans la promesse de vente, s’agissant de caractéristiques essentielles du bien vendu, ce manquement étant bien constitutif d’une faute engageant sa responsabilité ;
  • la cour d’appel a eu raison de suivre les constations de l’expert pour retenir que le préjudice des acquéreurs résidait non dans une perte de chance mais dans le coût intégral des travaux nécessaires pour supprimer l’élément omis que les deux responsables devraient supporter à raison de leurs fautes respectives.

 

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