UN PROPRIÉTAIRE CONDAMNÉ POUR LA POLLUTION ENGENDRÉE PAR L’INCENDIE DE SON BÂTIMENT CONTENANT DE L’AMIANTE Veille juridique

Cour d'appel
Publié le par Mathias LOVAGLIO

S’il ne peut être reconnu fautif de l’incendie de son bâtiment contenant des matériaux amiantés, un propriétaire a néanmoins été tenu pour responsable du dommage imminent causé chez ses voisins par la pollution environnementale consécutive au sinistre. Il est donc condamné à faire réaliser les opérations nécessaires à la décontamination et à la remise en état de la propriété de ses voisins.

À la suite de l’incendie d’un atelier appartenant à leur voisin, la propriété d’un couple s’est trouvée « recouverte de fragments et de particules de fibrociment amianté ». Même si l’incendie ne s’est pas propagé à leur parcelle, la pollution engendrée les empêche notamment « de procéder à l’entretien normal de leur terrain et d’aérer la chambre de leurs enfants en ouvrant les lucarnes qui se trouvent sur le toit, lequel est couvert d’amiante ».

Par une ordonnance du 31 mai 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Blois a retenu l’existence d’un « trouble manifestement illicite » et d’un « dommage imminent » pour condamner le propriétaire du bâtiment incendié à faire procéder aux opérations de décontamination (désamiantage et dépollution) et de remise en état du terrain (engazonnement et plantations) de ses voisins, dans un délai de deux mois.

Une décision que le propriétaire de l’atelier décide de contester en interjetant appel. Il invoque alors le Code civil qui dispose que celui qui détient tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.

La cour d’appel d’Orléans ne conteste pas ce point, mais elle donne tout de même raison aux voisins qui « considèrent que la dispersion préjudiciable de particules amiantées sur leur terrain est la résultante de la présence de matériaux amiantés dans le bâtiment […], et que le même incendie, sans présence de tels matériaux dans le bâtiment n’aurait provoqué aucun dommage au fonds voisin ».

Le propriétaire nie également l’existence d’un dommage imminent « au motif que le dommage serait déjà réalisé ». Mais la cour d’appel estime au contraire « que la pollution provoquée par l’incendie de l’atelier […] était constitutif d’un dommage imminent en ce sens qu’elle expose [les voisins], directement et quotidiennement, à un produit qui risque de façon certaine de provoquer à terme une maladie grave si les mesures qui s’imposent ne sont pas prises très rapidement ».

Si la cour d’appel reconnait bien que ce dommage imminent trouve son origine dans la conjonction de deux circonstances, l’une fautive de la part du propriétaire de l’atelier, à savoir la présence de « matériaux prohibés et dangereux », et l’autre non fautive de sa part, à savoir l’incendie, cette conjonction est néanmoins suffisante « pour constituer la cause de trouble manifestement illicite auquel il y a lieu de mettre fin ».

La cour d’appel d’Orléans, dans son arrêt du 1er mars 2023, a donc décidé de confirmer la condamnation du propriétaire en y ajoutant même le paiement d’une provision de 8 000 € aux voisins, à valoir sur l’indemnisation de leur préjudice. Son assureur est condamné à le garantir de l’ensemble de ses condamnations, le préjudice écologique subi par ses voisins entrant dans les risques assurantiels couverts.

Cour d’appel d’Orléans, Chambre des urgences, RG n° 22/01607, 1er mars 2023

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