QUE RETENIR DU RAPPORT D’INFORMATION SUR LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE DES BÂTIMENTS ? VEILLE RÉGLEMENTAIRE

Assemblée nationale
Publié le par Mathias LOVAGLIO

Un Rapport d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments a été dévoilé il y a quelques jours par des députés de la commission des Affaires économiques et de la commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire. Il propose notamment de créer une Banque de la rénovation énergétique, ainsi qu’une réorientation des objectifs vers la baisse de la consommation d’énergie plutôt que la décarbonation.

« La sincérité exige de dire que les plans mis en place marquent le pas et que la politique par « gestes » n’a pas permis l’accélération attendue », prévient d’emblée Jean-Louis Bricout, président de la mission commune sur la rénovation énergétique des bâtiments à l’origine d’un rapport d’information enregistré le 4 octobre 2023 à la présidence de l’Assemblée nationale. Cette mission, regroupant des membres de la commission des Affaires économiques et de la commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire, entend, au travers de ce rapport, répondre à trois objectifs :

  • mesurer la capacité des ménages et des collectivités territoriales à optimiser la consommation d’énergie des bâtiments, au regard de l’information, de l’accompagnement, des financements et des prestations techniques auxquels ils peuvent avoir accès en pratique ;
  • déterminer et assurer la disponibilité des ressources nécessaires à l’aboutissement de leurs démarches sur le plan des compétences professionnelles, des financements publics et privés ;
  • évaluer la pertinence du cadre normatif applicable, ainsi que l’efficacité et la cohérence des instruments des politiques publiques destinés à soutenir l’effort de ces acteurs.

Une fois n’est pas coutume, il y est très peu question de DPE, les rapporteures Julie Laernoes et Marjolaine Meynier-Millefert se bornant à évoquer « la nécessité d’une stabilisation des modes de calcul et un effort de formation des diagnostiqueurs favorisant l’harmonisation des pratiques ».

47 propositions sont ainsi formulées dans ce rapport, parmi lesquelles l’établissement d’une loi de programmation relative à la rénovation énergétique des bâtiments et une augmentation de 14 milliards d’euros supplémentaires des dépenses annuelles de l’État à d’ici 2030.

Augmenter les moyens financiers

Les rapporteures considèrent tout d’abord qu’un relèvement important des dépenses publiques en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments s’impose. Elles proposent notamment de porter les crédits alloués à MaPrimeRénov’ à 4,5 milliards d’euros dès 2024 et d’accompagner le déploiement des aides par une loi de programmation permettant de stabiliser et de donner de la visibilité aux différents dispositifs en place. Des actions de simplification (ECO-PTZ), de communication (CEE) ou d’étoffement de l’offre (prêt avance rénovation) sont aussi préconisées dans le rapport.

Parallèlement, le rapport propose de structurer les financements par la création d’une banque de la rénovation énergétique dont le capital associerait les établissements bancaires, des sociétés de financement, des sociétés de tiers-financement et les collectivités publiques. Il s’agirait ainsi de s’appuyer sur « un accélérateur de la transformation, intégrateur de complexité et créateur de simplicité pour toutes les parties prenantes, interface au service de la rénovation énergétique, pilote des risques pour les investissements publics et privés ». La mission d’information souhaite ainsi centraliser les aides financières mais aussi réimpliquer les banques, souvent frileuses en matière de financement des travaux de rénovation énergétique.

Mon accompagnateur rénov’ (MAR) au centre du dispositif

Si le rapport s’interroge sur la pertinence des garanties d’indépendance exigées des opérateurs MAR au regard des risques de conflit d’intérêts, il conforte néanmoins le dispositif et propose même d’examiner le renforcement de la prise en charge assurée par l’ANAH dans le cadre d’un cofinancement avec l’État et les collectivités territoriales, pour tendre vers la gratuité du conseil. Mais les rapporteures s’inquiètent d’un potentiel manque d’effectifs en janvier 2024 et propose de « suspendre ou aménager pendant un an l’obligation de recourir à Mon accompagnateur Rénov’ pour bénéficier des aides publiques à la rénovation énergétique, là où le dispositif Mon accompagnateur Rénov’ ne serait pas déployé ».

Changer de paradigme : « isoler et non seulement changer le système de chauffage »

Dans un contexte de hausse des coûts de l’énergie, les rapporteures affirment que « l’électrification du parc ne doit pas supplanter les efforts indispensables d’isolation et d’économies d’énergie des bâtiments. […] Vos rapporteures regrettent que la politique de rénovation énergétique ait accordé la priorité à la décarbonation ». La baisse de la consommation doit prévaloir et de nouveaux objectifs doivent pour cela être fixés.

Le rapport fait en effet état d’un nombre insuffisant de rénovations globales performantes et conclut à la nécessité d’encourager leur massification afin de faire la consommation d’énergie l’enjeu prioritaire de la politique de rénovation. Il souhaite même aller plus loin en proposant de fixer les objectifs de rénovation performante à l’atteinte la classe A du DPE pour la consommation d’énergie, mais aussi en encourageant la réalisation de bâtiments à énergie positive, la végétalisation et l’amélioration du confort d’été.

Vers une obligation de rénovation des copropriétés les plus énergivores ?

En plein débat sur un assouplissement possible des échéances d’interdiction de location des passoires énergétiques, le rapport rappelle qu’il est « essentiel de tenir ce calendrier ». Il propose même d’établir des obligations de rénovation pour certaines copropriétés, accompagnées de financements adaptés. Avec des délais relativement courts : 2030 pour les G et 2033 pour les F. Du point de vue des rapporteures, une telle évolution suppose deux préalables : « d’une part, établir une procédure permettant de concilier la poursuite d’un objectif d’intérêt général et la préservation de l’équilibre des droits des copropriétaires, dans le respect des principes consacrés par le Conseil constitutionnel ; d’autre part et surtout, garantir un reste à charge nul ou très faible pour les ménages les plus modestes – ce qui suppose d’améliorer les conditions de financement des travaux de rénovation énergétique dans les copropriétés ».

Des propositions nouvelles ou pas…

Le rapport aborde la rénovation énergétique des bâtiments sous de nombreux angles. Comme d’autres rapports parlementaires avant lui, il évoque la nécessité de renforcer la formation et le contrôle des artisans et entreprises, et préconise, en ce sens, une réforme du label RGE. Plus novateur, il propose d’évaluer la possibilité d’établir une garantie de la performance des travaux de rénovation énergétique des bâtiments, même si cette obligation de résultat pour les maitres d’œuvre pourrait se heurter à des difficultés d’ordre juridique.

Les rapporteures reprennent aussi des propositions anciennes comme celle de faire des droits de mutation un outil fiscal de financement des rénovations dans les bâtiments individuels. Elles souhaitent ainsi que soit explorée une modulation des droits de mutation pour les logements les moins performants avec une consignation du montant correspondant le temps de la réalisation des travaux de rénovation énergétique. L’idée d’une avance remboursable sur les mutations pour la rénovation énergétique des logements est également relancée.

On retiendra enfin la proposition n°4 qui entend favoriser l’utilisation des données du carnet d’information du logement pour la réalisation des opérations de rénovation énergétique, notamment par une centralisation dans le cadre de l’Observatoire national de la rénovation énergétique.

Rapport d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments par la mission d’information commune (commission des Affaires économiques et la commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire)

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Un commentaire

  • SoCH a écrit

    Tant que « l’on » n’aura pas compris que les seuils d’obtention des aides sont trop bas (réservées à des gens qui ne peuvent pas accéder à la propriété).
    Tant que « l’on » n’aura pas compris que le taux d’endettement les classes moyennes est au max, voire plus qu’au max.
    Tant que l’on empêchera les gens de faire des travaux éligibles par eux-même.
    Bref tant que les différents rapporteurs et rapporteuses ne prendront aucun compte du « facteur humain », ni les émissions, ni les bilans carbone, ni la consommation ne baisseront … c’est dommage, mais c’est la triste réalité.

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