DENIS MORA : « IL FALLAIT AGIR VITE POUR PRÉSERVER LES ENTREPRISES DE NOTRE FILIÈRE »

Publié le par Alain

Denis Mora, le groupe AC Environnement a participé activement à la rédaction et la diffusion du communiqué commun publié par la filière mardi. S’agit-il d’une évolution dans le mode d’expression d’AC Environnement qui, en 2019, avait agi individuellement contre l’obligation de certification amiante avec mention ?


Le mode d’expression de notre groupe a été ces derniers mois un véritable sujet de réflexion pour nous. Même si je persiste à penser qu’ils étaient nécessaires, aujourd’hui il nous parait crucial de ne plus porter seuls nos combats mais plutôt de contribuer à faire naître une parole commune forte sur des sujets qui mettent en danger la pérennité des entreprises de notre filière. C’est dans cet esprit que le groupe AC Environnement et tous les acteurs influents du marché ont choisi mardi de se regrouper à la demande de Thierry Marchand, le président de la CDI FNAIM. J’ai ressenti à cette occasion beaucoup de fraternité et de respect, ainsi qu’une réelle volonté de nous exprimer ensemble dans l’intérêt de toute la profession. C’est une première dans notre métier et c’est de bon augure pour la suite. Nous sommes tous impactés, petits et grands, par l’arrêt brutal de notre activité et la crainte de ne pas voir aboutir nos demandes de chômage partiel auprès des différentes Direccte a aussi été un élément moteur pour exprimer rapidement une position collective. Enfin, je me réjouis que notre filière ait fait preuve de responsabilité en décidant la mise en place d’un groupe de travail pour définir des modes opératoires qui nous permettront progressivement de reprendre une activité, même très partielle, dans le cadre d’une parfaite maitrise du risque d’exposition au coronavirus. Il fallait montrer au gouvernement que nous sommes solidaires mais aussi volontaires dans cette période de crise sanitaire et économique.


Peut-on dire que l’enjeu primordial de cette communication commune était la pérennité des nombreuses TPE de notre filière ?


Oui, et cela rejoint d’ailleurs notre position exprimée pendant l’été 2019 au sujet de la certification amiante, puisqu’il s’agissait là encore d’agir pour préserver tout notre écosystème. La profession a besoin des TPE pour assurer un maillage territorial de proximité essentiel pour le développement de nos marchés. Or celles-ci sont en grand danger. Nous nous sentons très proches d’elles car nous n’oublions pas que notre filière dispose d’entre un mois et un mois et demi de trésorerie en moyenne, guère plus. AC Environnement n’a pas non plus une trésorerie infinie et chez nous ce sont environ 630 personnes qui sont entrés dans le dispositif du chômage partiel. Nous développons certes le télétravail, notamment afin de finaliser les derniers rapports d’expertises et toute la partie administrative, mais avec l’arrêt de la demande depuis la semaine dernière, ce chiffre va encore augmenter.


Depuis quelques jours, le gouvernement semble faire machine arrière et exhorte désormais les entreprises du secteur du BTP à retourner au travail dans un esprit de « civisme » et à réouvrir les chantiers. Selon vous, les diagnostiqueurs vont-ils devoir suivre le mouvement, malgré les risques de propagation du virus ?


Pour l’instant, le secteur du BTP peine à s’organiser car il a été perturbé par une certaine cacophonie dans l’annonce des mesures décidées par le gouvernement souvent dans l’urgence, au fil de l’évolution de la situation sanitaire et économique. Mais à sa décharge, il est vrai que nous sommes tous confrontés à une situation unique dans l’histoire de l’humanité, avec cet arrêt mondialisé de l’activité.  Si l’on veut rouvrir les chantiers, c’est tout un écosystème qu’il va falloir remettre en route, avec les fournisseurs de matériaux, les maitres d’ouvrage, les maîtres d’œuvres, etc. Cela va prendre du temps. Nous, entreprises de diagnostic immobilier, face à une situation qui nous paraissait bien trop instable et aléatoire, nous avons tous décidé d’arrêter l’essentiel de notre activité dès le lundi 16 mars et nous restons sur cette position. Notre rôle n’est pas vital. La priorité de la nation actuellement, ce n’est certainement pas de remettre les diagnostiqueurs immobiliers au travail avec le risque de propager le virus chez nos clients du tertiaire, bailleurs, industriels, professionnels de l’immobilier, habitants, occupants chez qui nous travaillons quotidiennement. Nous devons mettre nos structures en sommeil et nous préoccuper d’abord de notre santé et de celles de nos proches, en tentant de vivre cette situation le plus sereinement possible. Cette période peut être propice à la réflexion pour tous les dirigeants qui, dès maintenant, doivent penser à la manière d’aborder la reprise dans les meilleures conditions.


Comment imaginez-vous cette reprise d’activité qui nous semble pour l’instant très lointaine ?


C’est un vrai défi qui nous attend et il serait illusoire de penser que l’activité va reprendre dans l’état où elle était en février. L’économie va être durablement ébranlée. Les Etats vont devoir insuffler d’importantes valeurs monétaires sur les marchés et nos clients vont inévitablement se poser de multiples questions d’ordre budgétaire. Nous entrerons alors dans un nouvel environnement et allons devoir nous y adapter. Dans le pire des cas, nous pouvons même craindre la promulgation de lois d’urgence et de simplification qui pourraient redéfinir l’ordre de priorités des enjeux en matière de santé, au moins provisoirement, aux dépens de ceux relatifs aux polluants du bâtiment. Toutes les hypothèses sont envisageables, mais une chose est certaine : les cases de l’échiquier vont bouger.

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