DE PLUS EN PLUS DE DIAGNOSTIQUEURS IMMOBILIERS PRÊTS À JETER L’ÉPONGE Profession

Diagnostic immobilier
Publié le par Mathias LOVAGLIO

Dans un précédent article de restitution de notre sondage de rentrée, nous avons évoqué le moral en berne des diagnostiqueurs immobiliers confrontés à un marché immobilier au ralenti et aux impacts du renforcement du dispositif de certification. Un chiffre illustre encore plus ce constat, celui des diagnostiqueurs qui envisagent d’arrêter leur activité. Et leurs raisons renforcent l’impression de ras-le-bol qui semble gagner une partie de la profession.

D’après notre sondage de rentrée 2024, près d’un diagnostiqueur sur quatre (24,8 %) envisage un arrêt de son activité (un tiers chez les solos) dans les 12 prochains mois et 13 % songent à vendre leur entreprise, alors qu’ils n’étaient que 7,8 % en début d’année. Ces chiffres, probablement gonflés par la conjoncture actuelle, sont à prendre avec certaines réserves, mais à travers les raisons qui les conduisent à arrêter, on comprend mieux l’état d’esprit actuel d’une grande partie des diagnostiqueurs immobiliers.

Certes, les départs en retraite représentent toujours un motif d’arrêt d’activité dans 8,5 % des cas. Certes, les difficultés économiques et financières sont évoquées par 25 % des sondés qui envisagent de quitter le métier, une proportion loin d’être marginale et rassurante, mais qui ne s’impose pas comme un argument majoritaire.

Une overdose du réglementaire

Au contraire, d’autres raisons en disent long sur le sentiment de ras-le-bol au sein de la profession. Ainsi, 64,5 % des diagnostiqueurs qui envisagent un arrêt d’activité citent les conséquences du renforcement de la certification DPE et Audit énergétique (augmentation des coûts, complexité du dispositif) pour expliquer leurs intentions. Comme nous l’avons déjà évoqué dans notre précédent article, beaucoup craignent que ce système, plus coûteux, ne se révèle également plus couperet que jamais, sans pour autant atteindre son objectif d’assainir la profession. Pour certains, cela pourrait donc bien être la goutte d’eau qui fait déborder le vase…

D’autant plus que, parallèlement, 44 % de ces diagnostiqueurs qui souhaitent tourner la page semblent également traverser une crise de vocation et évoquent une perte de sens et/ou d’intérêt pour leur métier. S’y ajoutent l’instabilité réglementaire, d’une part, et la concurrence déloyale et les mauvaises pratiques, d’autre part, citées par 42%. Enfin, pour un petit tiers d’entre eux (31,5 %), l’image de la profession n’est pas étrangère à leur projet.

Des motifs qui relèvent donc plus des contraintes, grandissantes pour certaines, qui pèsent de plus en plus sur le moral de la profession que de la situation économique actuelle, pourtant compliquée…

Stéphane But (Diag Positive) : « Je suis arrivé à saturation »

Diagnostiqueur solo à Vanves (92) depuis 6 ans, Stéphane But s’est engagé vers un arrêt de son activité à moyen terme. Nous l’avons contacté pour connaitre ses motivations et son état d’esprit à l’heure de s’orienter vers une autre profession. Son témoignage illustre à merveille les enseignements de notre sondage.

« Les contrôles et les frais à engager pour pouvoir travailler ne cessent d’augmenter au point de devenir insupportables. C’est la grosse pastille qui a de plus en plus de mal à passer. Il y a deux ans, j’ai payé un CSO mais aucun auditeur de mon OC ne s’est déplacé pour visiter le bien et réaliser le contrôle. Tous les OC ne sont peut-être pas malhonnêtes, mais cela renforce le sentiment d’être un portefeuille et d’avoir affaire à une mafia. Nous sommes obligés de passer à la caisse et j’ai l’impression d’être le dindon de la farce d’autant plus que ces contrôles ne m’apportent rien et sont très chronophages.

« Le système est sévère avec les bons élèves »

Il en est de même pour la plupart des formations. La veille réglementaire et juridique est lourde et la formation est quotidienne dans ce métier : on apprend, on se renseigne, on cherche. Nul besoin de passer 7 heures dans une salle de cours à écouter des choses que l’on sait déjà. J’en suis à mon 2e cycle de certification et j’ai dû sortir 6 ou 7 000 € pour me recertifier, ce n’est plus possible ! Mes certifications s’arrêtent en 2029, mais je pense ne pas aller jusque-là. Le système est sévère avec les bons élèves, alors que ceux qui travaillent mal ne sont finalement pas frappés d’interdiction ou de sanction quelconque. Ce sont toujours les bons élèves qui paient pour les mauvais élèves.

L’environnement de notre métier me pèse également de plus en plus et l’image que l’on renvoie est plutôt négative. Plusieurs fois par semaine, je dois me défendre pour expliquer comment je travaille et pourquoi mes tarifs sont plus élevés. Je ne trouve pas ça normal de devoir se justifier de tarifs qui sont déjà plus bas qu’il y a quelques années quand on effectue correctement son travail. Les clients ne voient pas toujours le travail invisible que notre métier exige, comme le temps consacré à la rédaction pour finaliser les rapports. Beaucoup d’entre eux pensent qu’une mission d’une heure dans leur appartement facturée 350 € est exagérée.

Même s’il est de plus en plus difficile de pratiquer des tarifs convenables et de gagner sa vie entre la concurrence déloyale et les contrôles, mon activité et mon chiffre d’affaires continuent de progresser, mais au prix de davantage d’efforts qui ne sont pas juste liés au carnet de commandes, mais aux formations, aux contrôles, aux batailles pour s’aligner ou pas sur des tarifs qui sont aberrants. La concurrence casse les prix. Mais je vis plutôt assez bien et mon entreprise tourne. Pour autant, je ne veux pas continuer : je suis arrivé à une certaine saturation pour toutes ces raisons et cela me fait m’orienter vers une porte de sortie ».

« Je peux quitter le diagnostic immobilier la tête haute »

Inscrit à une formation de reconversion, Stéphane But va poursuivre quelques temps en parallèle son activité de diagnostiqueur immobilier. S’il n’est pas encore l’heure de tirer un bilan définitif de cette expérience, Stéphane But est fier de ce qu’il a accompli : « J’ai été dans ce métier un peu à reculons et j’ai finalement réussi. Ne venant pas de ce milieu [il est également photographe], c’était un challenge. Cela a été très dur pendant un an et demi, j’ai douté et j’ai eu envie de baisser les bras. J’ai rencontré les bonnes personnes et me suis éloigné des mauvaises. Puis mon chiffre d’affaires a augmenté et je suis devenu de plus en plus compétent. Pour moi, c’est une réussite et je peux quitter le métier la tête haute. J’ai toujours voulu être indépendant et aujourd’hui je me dégage un salaire confortable. Je n’ai pas d’amertume, j’ai plutôt envie de m’enfuir et j’accueille cette décision de façon positive car cela va me donner une bouffée d’oxygène ».

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