DPE : « LE ROYAUME DE L’INCOMPÉTENCE », SELON L’UFC-QUE CHOISIR ! Profession

UFC-Que Choisir - DPE
Publié le par Mathias LOVAGLIO

Après 60 millions de consommateurs, c’est au tour de l’UFC-Que Choisir de publier son enquête sur le nouveau DPE. Basée sur une méthode comparative comme toujours, elle met en lumière des résultats très hétérogènes qui conduisent les auteures à évoquer un « scandale d’ampleur national ».

Dans cette énième enquête sur le DPE à lire dans son numéro d’octobre 2022, l’UFC-Que Choisir se base sur une étude comparative de sept maisons différentes, chacune d’entre elles ayant fait l’objet de cinq DPE réalisés par des professionnels certifiés. Contrairement à l’enquête de 60 millions de consommateurs parue en mai dernier, ce panel n’a pas été comparé aux conclusions d’un « expert ». À l’exception d’un seul logement, les résultats sont bien évidemment (très) hétérogènes. L’article précise que cette enquête a été réalisée en juin dernier, afin d’écarter les incohérences dues aux errements du nouveau DPE. L’occasion de rappeler que ces écarts « gravissimes » relèvent de la « seule responsabilité » des diagnostiqueurs.

« Le royaume de l’incompétence »

« L’incompétence règne donc toujours en maître sur la profession. Il n’y a pas d’autre explication possible. […] On comprend que la désignation d’un bien en tant que passoire thermique relève de la roulette russe… beaucoup plus que de ses caractéristiques. ». Les mots choisis sont durs. Que Choisir ne manque pas de rappeler l’importance d’un classement énergétique issu du DPE pour les propriétaires bailleurs ou vendeurs « qui ne repose sur rien de solide » si bien que le magazine n’hésite pas à recommander à ses lecteurs de faire réaliser plusieurs DPE pour ne garder que le meilleur !

« Un flot d’erreurs très pénalisantes »

La disparition de la méthode sur factures aurait dû permettre d’uniformiser les résultats en fondant le diagnostic sur des critères objectifs explique Que Choisir avant d’évoquer « un ratage complet. De nombreux diagnostiqueurs n’ont manifestement pas le niveau requis ». S’ensuit la traditionnelle énumération des divergences, incohérences et erreurs constatées dans les différents DPE et même un « bêtisier » pour chaque maison étudiée. Mais les critiques ne se limitent pas à la problématique du classement des habitations, les recommandations de travaux en prennent aussi pour leur grade comme la priorisation du remplacement du mode de chauffage avant d’envisager l’isolation d’une maison classée F, pour ne citer qu’un des exemples présentés dans l’article. Mais Que Choisir ne rejette pas la faute uniquement sur les diagnostiqueurs sur ce point. Évoquant la recommandation d’installer une pompe à chaleur dans une passoire thermique classée F pour la passer en C et éviter ainsi une décote sur le prix de vente (« une bonne affaire côté vendeur, mais pas pour les acquéreurs qui se retrouvent dans une passoire thermique inconfortable, avec en prime une facture d’électricité exorbitante pour se chauffer »), l’article explique : « ce défaut-là du nouveau DPE n’est pas de la responsabilité des diagnostiqueurs mais de celle du gouvernement, qui a choisi de dévaloriser les travaux d’isolation au profit des pompes à chaleur ». Néanmoins, la conclusion est là-encore sans appel : « que ce soit sur l’évaluation de la performance énergétique ou sur les préconisations de travaux, notre enquête démontre que la profession n’est pas à la hauteur ».

Quant aux conseils de Que Choisir aux vendeurs, on vous laisse seuls juges pour les apprécier à leur juste valeur : « Faites effectuer plusieurs DPE et gardez le meilleur. C’est très rentable. […] Ne vous fiez pas aux recommandations du DPE en matière de chantiers. […] [si des travaux ont été réalisés] Refaites un DPE avant de mettre votre bien en vente. Si la classe énergétique n’a pas changé, adressez-vous à d’autres diagnostiqueurs ». Affligeant…

Encore une enquête à charge qui ne tient pas compte des enjeux ?

L’article évoque quelques défauts relevant de la méthode comme le choix de pénaliser le classement des logements chauffés au gaz ou au fioul par l’intermédiaire de la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre, une façon de reléguer au second plan la performance des bâtis. Citant l’exemple d’une maison bien isolée, classée en D, on peut lire : « c’est pour le moins paradoxal, car à lire leur conclusion sur les travaux essentiels – « étape non nécessaire, performance déjà atteinte » –, on s’attend a minima à C, voire à B. Sauf que la classe du DPE se détermine désormais en fonction des émissions de gaz à effet de serre plus qu’au vu de la sobriété énergétique du bâti. Dans ce cas précis, le bien est noté C pour ses consommations d’énergie, mais ses émissions de gaz à effet de serre le dégradent en D ». « Ce mode de calcul n’a pas grand sens » conclut alors Que Choisir. Une appréciation pour le moins surprenante quand on connait la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre. C’est à se demander si Que Choisir ne confond pas ses propres attentes, la vision exacte du coût des consommations d’énergie, et l’essence même du nouveau DPE, à savoir la lutte contre le réchauffement climatique.

Une faille dans l’enquête ?

Non sans une pointe d’ironie, Que Choisir salue les cinq diagnostiqueurs de la Drôme qui ont tous évalué en C la maison qui leur a été soumise. Le magazine se permet même de préciser qu’ « il s’agit apparemment d’une performance, au vu des autres maisons – à ceci près qu’ils ont reçu une aide précieuse : ce bien ayant été récemment isolé par l’extérieur, et les factures mises à leur disposition le prouvant, leur tâche était simplifiée ». Doit-on comprendre que pour les autres biens diagnostiqués, il n’a été transmis aucun renseignement, ni facture aux diagnostiqueurs ? Que Choisir se garde bien de préciser l’impact sur le classement qui peut résulter de l’absence de transmission d’informations essentielles pour la mission du diagnostiqueur. Si cette omission ne peut à elle seule justifier des écarts de classement aussi manifestes, on peut s’interroger sur la volonté délibérée de fustiger une profession tout entière.

Suspendre les DPE en attendant de former les diagnostiqueurs !

La conclusion est à la hauteur du reste de l’article : « Plutôt que de réformer le DPE, il aurait mieux valu former sérieusement les diagnostiqueurs. En attendant qu’ils le soient, suspendre les DPE serait de loin la mesure la plus honnête vis-à-vis des propriétaires, des acquéreurs et des locataires. Autrement dit, de toute la population à un moment ou un autre de sa vie ».

Enfin, dans la synthèse accessible sur son site internet, l’association de consommateurs interpelle le gouvernement : « Les professionnels contactés sont tous présents sur un site gouvernemental recensant les diagnostiqueurs certifiés. Autrement dit, les pouvoirs publics qui cautionnent cette situation ont une lourde responsabilité sur le sentiment légitime de défiance existant à l’égard des DPE. Notre nouvelle enquête révèle que la certification n’est en rien un gage de qualité, ce qui démontre un défaut du cadre de certification mais aussi dans les contrôles de qualité des prestations réalisées par les diagnostiqueurs ». L’UFC-Que Choisir demande donc une révision en profondeur du système de certification afin d’assurer aux consommateurs que le recours à un professionnel certifié est réellement un gage de qualité, mais aussi de rendre opposable les allégations du DPE sur les travaux recommandés !

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6 commentaires

  • Stéphane DAPREMONT a écrit

    Ils n’ont pas tord, hormis le fait de fustiger les acteurs au lieu des organisateurs comme d’habitude.
    En effet, ras le bol d’être confondu avec les margoulins.
    Quand j’ai demandé à mon OC pourquoi ils n’organisaient pas les surveillances/cso plus tôt dans le cycle de certif, ils m’a répondu que c’est le ministère qui ne le veut pas, c’est donc bien eux qui veulent de ce système pervers et inefficace.
    Après ils se demandent pourquoi ils perdent des élections…

  • Antoine JUMELLE a écrit

    Et bien … encore un coup de plus.
    Mais comme le dit le nouveau président de CDI FNAIM – Tant que l’on bradera les diagnostics à des prix invivables, alors il y aura des mauvais résultats.

  • Regis REYNAUD a écrit

    Bonjour
    ben c’est quoi cette remarque, ce n’est pas aux fédérations professionnelles genre CDI FNAIM de faire en sorte que les prix soient corrects !! notamment auprès des agences immo certainement affiliées FNAIM !!

  • Regis REYNAUD a écrit

    On en a un peu marre de ces enquêtes conso !! de journalistes faisant du sensationnel ! mais je suis un peu d’accord avec la remarque comme quoi ils n’ont pas tout faux ! il faut espérer réveiller le fonctionnement du secteur Immo ! Stop aux majors de l’immo Foncia et Citya qui achètent des DPE et des diags en général à 40€ !! (pour marger dessus ) Il est temps de réagir : journalistes, gouvernement, et bien sûr fédérations professionnelles !!!
    Il n’est déjà pas normal que des agences immo vendent des diags !!

  • François ROMIÉE a écrit

    Bonjour,
    Ces résultats n’ont rien d’étonnant . Les formations et les certifications qui les suivent sont totalement insuffisantes, sans exercices pratiques, sans confrontation au métier, et s’adressent a des gens, qui pour beaucoup n’ont aucune notion du bâtiment.
    La plupart des grosses boites ( a quelques très rares et louables exceptions) n’assurent aucune formation, et lachent les nouveaux sur le terrain en se tapant completement de la qualité. Si on ne déploie pas de gros efforts pour se former par soi même ( a propos merci les Ateliers Diagactu!), si on ne passe pas un temps fou à observer partout ou c’est possible, on est juste incompétent, certifié ou pas. Triste à dire mais le constat de l’UFC n’est rien d’autre que la vérité.
    Donc oui il y a beaucoup de mauvais parmi les diagnostiqueurs. Certains employeurs encouragent les mauvaises pratiques pour gagner du temps. Comment s’étonner que les opérateurs bâclent mesures et observations. Il faut le dire , tout le monde le sait !
    Ce qui est insupportable, c’est que le DPE, qui est en soi une approche insuffisante pour qualifier un immeuble, soit devenu un critère déterminant pour la valeur des biens, la possibilité de louer ! C’est monstrueux ! L’impact pour les propriétaires est énorme, on marche sur la tête. Il faut comme le dit l’UFC refondre completement ce systeme absolument merdique.

  • François-Eric TÉTART a écrit

    Comme toujours avec ce genre d’enquête, si on n’a pas de données techniques, on ne peut pas savoir d’où vient le problème.

    Bien entendu pour que l’enquête soit lisible par le profane, il faut pas faire 3 pages sur la technique, mais ça doit pas être sorcier de prendre un pro sérieux qui relèvera les données (demander au proprio les factures, faire un relevé exhaustif sur site), fera le DPE, et ensuite pourra comparer avec les autres. Là on pourra expliquer les écarts.

    On dit que le problème c’est l’incompétence, mais quelle forme d’incompétence ? Cela peut être un problème de formation, l’ODI ne sait pas quelles données relever ou comment les relever. Cela peut être un problème de volonté de faire correctement son boulot en demandant par exemple au proprio si il a des factures pour l’isolation des murs.

    Je parle même pas d’éventuellement démonter un truc (par exemple une prise) pour vérifier si il y a de l’isolation. Ou encore demander un proprio de faire un trou dans le BA13 de son plafond pour voir si c’est isolé ou pas. Avec ce genre de chose, on passe de G à D.

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