LES DIAGNOSTIQUEURS CRITIQUÉS EN PRIME TIME SUR TF1 Profession

Publié le par Mathias LOVAGLIO

Après les enquêtes de la presse consumériste, un reportage intitulé « Diagnostics énergétiques. Sont-ils vraiment fiables ? » diffusé dans le journal de 20h de TF1 de jeudi critique les pratiques de certains diagnostiqueurs immobiliers. Ce reportage suscite depuis de nombreuses réactions parmi les professionnels.

Des diagnostiqueurs filmés en caméra cachée

Le modus operandi de ce reportage ne diffère pas des autres enquêtes du genre, 3 entreprises étant contactées pour réaliser le DPE d’une même maison des années 1950 et de 140 m² environ. Les deux premiers diagnostiqueurs sont filmés en caméra cachée, le dernier étant informé de la présence des caméras.

Le premier diagnostiqueur réalise son DPE en 30 mn dont 29 assis sur le canapé devant son ordinateur. Il n’effectue qu’une seule mesure (surface du salon), jette un « rapide coup d’œil à la chaudière », et ne visite pas les combles pourtant accessibles. Il oublie même, dans un premier temps, la véranda.

Le deuxième diagnostiqueur prend une heure pour établir son DPE après avoir pris soin de mesurer toutes les pièces et de visiter les combles. Mais pour ce diagnostiqueur, le DPE « ne vaut rien », car selon lui, poursuit le reportage, même « s’il existe une formation obligatoire pour exercer, elle n’est pas assez poussée ».

Le troisième diagnostiqueur rappelle, à visage découvert, la méthodologie à respecter sur le terrain : mesures des pièces, des vitrages, etc. 2h30 de travail lui sont nécessaires pour réaliser son DPE.

Finalement, les trois DPE ne donnent pas la même note (un E et 2 F), ni la même surface, ni le même nombre de fenêtres (6 pour l’un, 11 pour les deux autres !).

En guise d’explication, les journalistes interrogent Hassad Mouheb, président de la fédération Fed Experts. Selon lui, « on a beaucoup, beaucoup de personnes qui exercent sans certification, qui ne font pas de formation au nouveau moteur de calcul donc qui font des DPE erronés. Et donc on perd en crédibilité. On a un outil qui est formidable. On est là pour tirer la sonnette d’alarme parce que c’est vraiment inquiétant ». « Inquiétant et pas nouveau » enchaine le journaliste en rappelant les diverses enquêtes de la presse consumériste et avec des conséquences de plus en plus importantes pour la location.

Enfin, le reportage revient sur l’affaire de Simon, diagnostiqueur immobilier depuis 2011, qui a fait condamner au conseil des Prudhommes son ancien employeur, Bureau Veritas. L’un de ses supérieurs avait usurpé sa certification pour éditer 3 500 rapports à son nom. Une procédure pénale pour faux et usage de faux est désormais en cours et Simon plaide pour un renforcement d’urgence des contrôles.

La fraude à la certification, seule responsable ?

L’intervention du premier diagnostiqueur est indéfendable, les mauvais professionnels existent dans tout métier et il est malheureusement habituel dans ce type de reportage de les mettre en évidence.

Quant aux différences de relevés et les écarts de classe entre les trois DPE, ces problématiques ont déjà été évoquées dans nos colonnes et les diagnostiqueurs sont dans leur majorité conscients que des améliorations sont possibles et souhaitables tant dans la formation, la méthodologie, sa mise en œuvre sur le terrain, la transmission des informations par les propriétaires, etc. Des explications auraient mérité d’être données sur les conditions de réalisation du DPE, sur ses objectifs autres que les sanctions éventuelles, et sur les difficultés rencontrées par les acteurs sur le terrain.

Le reportage ne précise pas si les 3 diagnostiqueurs sollicités sont bien en possession d’une certification valide. Une démarche utile et pédagogique pour les consommateurs afin de les alerter sur leur intérêt à contrôler par eux-mêmes cette obligation, tout comme l’assurance. À supposer que ces diagnostiqueurs étaient bien titulaires de leur certification, tout l’argumentaire déployé dans la suite du reportage s’en trouve alors contredit.

Car ce qui suscite la polémique au sein de la filière, c’est le lien qui est sous-entendu entre le professionnalisme des diagnostiqueurs et la qualité des DPE, d’une part, et d’éventuelles fraudes à la certification, d’autre part. Si l’exemple de la condamnation de Bureau Veritas atteste que des pratiques frauduleuses existent, il est en revanche plus difficile d’en mesurer l’importance réelle. Mais surtout, si ces diagnostiqueurs sont bien certifiés, et l’on peut espérer que TF1 s’en est au moins assurée, les problèmes mis en lumière ne relèvent donc pas d’un cas de fraude à la certification mais de mauvaises pratiques dont les causes peuvent être multiples, même si elles demeurent difficilement justifiables : qualité de la formation, manque de professionnalisme, pression d’un employeur bradant la prestation, etc.

La question des tarifs, même si elle est rapidement évoquée, n’est d’ailleurs pas approfondie. Certes, la certification, et c’est son rôle, est perçue comme une garantie de compétence par le consommateur qui est alors en droit d’attendre une prestation sérieuse quel qu’en soit le prix. Malheureusement la réalité est parfois bien différente, comme dans tous métiers. C’est cependant l’un des (petits) points positifs du reportage, la qualité semble s’améliorer avec le tarif, mais le message aurait été plus clair si l’intervention d’un professionnel pratiquant un tarif plus élevé que le dernier diagnostiqueur avait également été filmée en caméra cachée.

Enfin, les propos d’Hassad Mouheb, président de Fed Experts, évoquant une augmentation du nombre de diagnostiqueurs exerçant sans certification sur une chaine nationale, sont sans précédent et font beaucoup réagir au sein de la filière du diagnostic immobilier. Une filière qui gagnerait sans doute à se rassembler pour sortir de cette crise de confiance, plutôt que de se déchirer sur la place publique, en prime time, au risque de donner raison à ses détracteurs.

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12 commentaires

  • Christophe ABRIBAT a écrit

    bonjour,
    Il est peu être temps de passer sur un diplôme d’État et d’abandonner les centres de certifications.

    • Christine DESPOT a écrit

      tout à fait d’accord

      • Christophe- BLAIS a écrit

        Il ne suffit pas d’avoir un master pour faire un DPE correct, mais le temps nécessaire , des prix de vente cohérents et une formation terrain opérée par des organismes compétents. Les fédérations devraient faire le ménage dans notre profession à savoir : Interdire la sous-traitance, les appels d’offres à perte ( DPE à moins de 50,00 €), les plateformes à prix inversé, les DPE payés par les prescripteurs exigeant des prix toujours plus bas, les auto- entrepreneurs qui n’appliquent pas une TVA 20%, etc….). Si rien n’est fait, la profession ira dans le mur et on se retrouvera avec des acteurs ( banques ou assurances) qui monopoliseront le marché.

        • ETIC a écrit

          C’est clair et très simple en effet, aucun diplôme n’assure la probité des acteurs.
          Seuls des sanctions à la hauteur, lorsqu’il y a fraude manisfeste, pourront « peut-être » changer le mouvement mais ce n’est pas avec les règles de certifications et de contrôles actuellesque le problème se résoudra.
          Peut-être demander aussi à Pole emploi d’arrêter d’envoyer le tout venant dans cette filière, non ?

  • Christophe ABRIBAT a écrit

    peut pardon

  • Christophe ABRIBAT a écrit

    et d’avoir une formation comme les autres métiers.
    Ce qui éviterait aussi , les recertifications.

  • Alexandre FRANCHI a écrit

    Ce sont les prix le problème : un diagnostic moins cher que le pré état daté tout est dit ….

  • Eric TIFFAY a écrit

    il n’y a pas besoin de diplôme d’état, ça fait 15 ans que je fais ce métier, les frais de formations sont très lourdes. nous avons de bon outils et des formations corrects, ils faut surtout contrôler les grosses sociétés qui embauches des personnes non certifiés!

  • Patrice LALES a écrit

    Tout a fait d’accord avec Eric .Ca n’est pas un diplôme d’état qui résoudra le problème .La certification actuelle , même si elle est perfectible est tout à fait adaptée .Dans les différents reportages que l’on a pu voir dans toutes les émissions , montrent bien que lorsque les diagnostiqueurs appliquent la méthode ( et font leurs dpe en minimum une heure !) les notes sont les mêmes Le fait que l’on trouve des prix de DPE a moins de 50€ n’est pas non plus une justification au travail mal fait . En revanche il faudrait peut être avoir un tarif règlementaire minimal imposé .Il faut dénoncer certaines entreprises ( A.D…) qui appliquent des tarifs au rabais et qui effectuent des diagnostics en masse sur une journée . J’ai vu un diagnostiqueur effectuer sur paris 6 diags/ jours avec le plomb le dpe et l’amiante minimum , ce qui est , vous en conviendrez , impossible quand vous faites correctement votre travail .

    • ETIC a écrit

      OUI c’est impossible.
      Donc que fait son certificateur lors de la surveillance puisqu’il a une liste des missions ?
      Rien, on le sait tous et les margoulins en premier.

      J’ai relevé plusieurs fois l’inaction du COFRAC dans cette gestion laxiste, ce sont eux les fautifs, mais personne ne leur demande de compte ni les cite.

      C’est tout le malheur de notre profession et de la France : ce ministère et cet organisme …

  • Regis REYNAUD a écrit

    Si certaines entreprises du diag que l’on suppose être des franchisés envoient leurs salariés faire du « volume » c’est aussi parce que les majors de l’immo que sont Citya et Foncia se comportent comme des acheteurs de la grande distribution et achètent les diags à 40/50 € …. !!! et comment est ce possible qu’une agence même par l’intermédiaire d’une société filiale vende des diags ??
    il est là le vrai souci !!

  • ETIC a écrit

    ON COMPREND MIEUX POURQUOI DE TELS DPE PEUVENT ÊTRE REALISES, QUAND ILS SONT FAITS PAR DE FAUX DIAGNOSTIQUEURS.
    JE ME SOUVIENS QU’A MA PREMIERE CERTIF EN 2007, ON M’AVAIS EDITE UNE CARTE D’IDENTIFICATION D’OPERATEUR CERTIFIE AVEC PHOTO. POURQUOI CELA A T-IL DISPARU?
    POURQUOI DISCREDITER UNE PROFESSION QUI SE FAIT USURPER PAR DES TRUANDS AVEC L’AIDE DES CONSOMMATEURS QUI NE RECHERCHENT QUE LE PETIT PRIX EN TOUTE CONNAISSANCE DE CAUSE?
    On peut toujours critiquer les médias, mais quand on voit ce reportage, on a honte d’en être.

    Avec l’argument que personne ne relève, à savoir qu’à la fin de ce reportage, les gens ne vont retenir qu’une chose, les DPE bâclés donnent une meilleure note et coutent moins chers, alors allons y !
    Heureusement qu’on est soutenu par notre cher ministre du logement qui va certainement nous pondre encore une solution formidable!

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