QUAND LE DPE BASHING VIRE À L’OPÉRATION DE COM’ ! Profession

Etude DPE Hello Watt
Publié le par Mathias LOVAGLIO

Largement relayée par de nombreux médias nationaux et dans la presse spécialisée, la récente « étude » publiée par la plateforme de courtage Hello Watt sur le DPE conclut que 71% des notes de performance énergétique attribuées aux logements seraient fausses. Basée sur une méthode absurde, on aurait pu se contenter d’en rire si le battage médiatique qu’elle a suscité n’avait pas égratigné une nouvelle fois les diagnostiqueurs immobiliers.

La méthode de l’étude publiée par cette plateforme de courtage se fonde sur la comparaison des estimations de consommation d’énergie fournies par les DPE de la base ADEME et les consommations réelles relevées par les compteurs communicants d’électricité et de gaz.

Hello Watt précise que son étude n’a porté que sur des logements disposant d’un DPE postérieur à juillet 2021 et qu’il a été tenu compte que l’estimation du DPE ne porte que sur 5 usages (chauffage, ECS, refroidissement, éclairage, auxiliaires) en s’appuyant sur un calcul de l’ADEME qui considère que cette estimation ne représente que 66% de la consommation totale d’un logement. Bien évidemment, et sans aucune surprise, les consommations estimées dans les DPE ne correspondent que très rarement à la réalité. En termes de classement et sur les 221 logements comparés, cela se traduit par :

  • 29% de correspondance entre les deux méthodes ;
  • 40 % d’écart d’une classe ;
  • 31 % d’écart de deux classes ou plus.

Les auteurs estiment même qu’en attribuant une note aléatoire fondée sur un minimum de critères, la fiabilité serait à peu près identique.

Ces « erreurs » pourraient avoir trois explications selon Hello Watt (faites votre choix !) :

  • Une méthode 3CL imprécise ou peu fiable ;
  • Une méthode 3CL fiable mais des professionnels qui ne l’appliquent pas correctement soit pour en réduire la complexité, soit pour une autre raison (laquelle ?) ;
  • Des données DPE collectées par l’ADEME fidèles à la performance énergétique des logements, mais des hypothèses faites sur le comportement des occupants irréalistes et des variations d’un occupant à l’autre qui noient tout impact significatif que le bâtiment lui-même a sur sa consommation.

En conclusion, les auteurs estiment avoir « montré que les DPE ne sont pas un prédicteur de la consommation d’énergie d’un logement. Bien que le DPE ne soit pas censé être un estimateur fiable de la consommation puisqu’il ne simule qu’un comportement normalisé et ne prend en compte qu’une partie des dépenses énergétiques, l’absence de corrélation entre DPE et consommation est préoccupante et pourrait laisser présager des problèmes de méthodologie, de pertinence ou de mise en œuvre ».

Ces chiffres ont été très largement repris dans de nombreux médias, à commencer par la chaine BFM Business. Sa journaliste Marie Coeurderoy, spécialisée dans l’immobilier, n’a pas manqué de la commenter pour fustiger « le manque d’encadrement et de formation des diagnostiqueurs immobiliers. Un métier dont on se fichait encore éperdument il y a quelques mois ! ».

Faire le buzz sur le dos du DPE et des diagnostiqueurs

On pourra reprocher à cette étude les écueils habituels en rappelant l’absurdité de la méthode basée sur des comparaisons incertaines de données corrigées de façon tout aussi incertaine : estimation de consommation du DPE réalisée selon un usage standardisé, ratio de 66% appliqué pour corriger la consommation estimée pour 5 usages dans le DPE susceptible de biaiser les résultats, etc. On ose tout de même imaginer qu’Hello Watt a bien comparé la note attribuée à la consommation d’énergie, sans tenir compte des émissions de GES, même si l’étude n’est pas claire sur ce point.

Hello Watt, qui affiche sur son site un partenariat avec le ministère de la Transition écologique, aurait cependant pu prendre la peine de consulter la page consacrée au DPE du site internet de ce dernier pour y découvrir que « cette estimation ne peut être comparée aux factures réelles des usagers ». Cela aurait épargné à Hello Watt une étude peu fiable, ni objective…

Il faudra néanmoins reconnaitre, à défaut de saluer, le buzz réussi par Hello Watt surfant avec opportunisme sur la vague du DPE Bashing, un sujet dont les médias, complices ou ignorants, aiment s’emparer alors que l’inquiétude et le mécontentement grandissent face aux conséquences du durcissement de la réglementation visant les passoires énergétiques. Mais que les propriétaires et les locataires se rassurent, l’honorable plateforme Hello Watt, dont on peut affirmer nous aussi qu’on se fichait encore éperdument il y a quelques jours, est là pour leur permettre de reprendre le contrôle sur leur consommation d’énergie !

De leur côté, les diagnostiqueurs immobiliers apprécieront ce coup de com’ réalisé sur leur dos…

DPE

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3 commentaires

  • Guy BALLAND a écrit

    Bonjour,
    Je viens de regarder la chronique BFM d’hier et de lire votre commentaire et je crois qu’il faudrait qu’un ou plusieurs syndicats professionnels assignent BFM et Hello Watt en diffamation car la comparaison des consommations réelles avec les consommations calculées du DPE est certes intéressante, toutefois le DPE n’a jamais été prévu pour cela. Le DPE est un calcul conventionnel basé sur des comportements et des conditions climatiques normalisées permettant de comparer des bâtiments entre eux afin d’aider l’acheteur ou le locataire à faire son choix. Affirmer ouvertement sur l’antenne que les diagnostiqueurs ne sont pas compétents parce que la consommation réelle ne colle pas avec la consommation calculée relève soit de l’ignorance de la part de la journaliste soit de la malveillance, mais dans les deux cas est passible d’une condamnation pour diffamation de notre profession. Les diagnostiqueurs ne sont pas des paillassons sur lesquelles on peut s’essuyer les pieds et se faire mousser à bon compte !
    Il faudrait à minima un droit de réponse d’un syndicat professionnel des diagnostiqueurs sur l’antenne et la publication d’un correctif par la chaine en question dans une chronique future.
    Je regarde régulièrement BFM Business et cette chronique sur un sujet que je connais bien m’amène à penser que si tous les sujets sont traités de la sorte chez BFM, il ne s’agit plus d’information mais de désinformation, par ignorance ou par démagogie et volonté de faire de l’audience en donnant au téléspectateur ce qu’il a envie d’entendre.
    Guy BALLAND

  • Hervé LEFEBVRE a écrit

    tu as tout dit Guy, et je suis entièrement d’accord avec toi.
    BFM n’en est pas à son coup d’essais sur la désinformation. Pour raconter des conneries, ils sont très forts.

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