LA SINISTRALITÉ : UNE MENACE POUR LA FILIÈRE DU DIAGNOSTIC Technique
L’accélération des mises en cause de diagnostiqueurs immobiliers est fréquemment évoquée depuis de nombreuses années. Les chiffres de notre sondage confirment bien une hausse de la sinistralité qui suscite d’énormes inquiétudes au sein de la profession, à commencer par l’augmentation des tarifs des assureurs évoquée dans notre précédent article.
L’augmentation de la sinistralité : une réalité alarmante
La comparaison des chiffres de notre sondage avec ceux d’une précédente enquête réalisée en novembre 2017 par Diagactu permet de confirmer la tendance à l’augmentation de la sinistralité.
La proportion de sondés ayant déclaré un ou plusieurs sinistres est la même, 30%, mais désormais sur 3 ans au lieu de 5 ans en novembre 2017.
Proportion de sondés ayant déclaré un ou plusieurs sinistres
Nombre de sinistres |
Novembre 2017 |
Janvier 2022 |
|
Sur 5 ans |
Rapporté sur 3 ans |
Sur 3 ans |
|
1 sinistre |
24 % |
14,4% |
19% |
2 sinistres |
5% |
3% |
7% |
3 sinistres et plus |
1% |
0,6% |
3% |
TOTAL |
30% |
18% |
29% |
En moins de 5 ans, la hausse de la sinistralité est donc spectaculaire : 62% !
Avec le temps, les entreprises doivent assumer un historique qui augmente le volume de diagnostics exposés à un sinistre et le développement d’une partie d’entre elles entraine également un plus grand nombre de missions réalisées. Notre analyse par ancienneté et taille des entreprises le confirme.
Proportion de sondés ayant déclaré un ou plusieurs sinistres sur les 3 dernières années en fonction de l’ancienneté de l’entreprise
Ancienneté de
l’entreprise |
1 sinistre |
2 sinistres |
3 sinistres et plus |
TOTAL |
Moins de 3 ans |
2% |
0% |
0% |
2% |
Entre 3 et 5 ans |
17% |
8% |
0% |
25% |
Entre 5 et 10 ans |
31% |
6% |
0% |
37% |
Plus de 10 ans |
23% |
10% |
6% |
39% |
Proportion de sondés ayant déclaré un ou plusieurs sinistres sur les 3 dernières années en fonction du nombre de diagnostiqueurs dans l’entreprise
Nombre de
diagnostiqueurs |
1 sinistre |
2 sinistres |
3 sinistres et plus |
TOTAL |
1 |
18,5% |
5,5% |
0% |
24% |
Entre 2 et 5 |
21% |
12% |
5% |
38% |
Entre 6 et 10* |
33% |
11% |
33% |
77% |
Plus de 10** |
0% |
33% |
67% |
100% |
*Échantillon de 9 entreprises / ** Échantillon de 3 entreprises
Des explications multiples
Si le nombre nécessairement croissant de diagnostics couverts entraine inévitablement une hausse mécanique de la sinistralité, on a cependant du mal à imaginer que ce seul facteur puisse être la seule cause d’une tendance aussi marquée. Certains commentaires rejettent la faute sur les certifications : « À quand la fin des hausses successives ? Tout ça à cause des certificateurs qui baissent le niveau de leurs examens et qui facilitent l’entrée à des insuffisamment sachants ce qui créé des sinistres et fait augmenter les primes ». Un autre surenchérit et évoque la judiciarisation de la société : « Les assureurs ont voulu cette certification qui devait faire baisser significativement la sinistralité. Or c’est l’explosion et nous sommes en première ligne de mire des snipers de diagnostiqueurs qui cherchent par tous moyens à nous faire cracher au bassinet. On est venu à une « américanisation judiciaire » de notre métier. Les acquéreurs payant, ou plutôt surpayant leurs biens, n’ont aucun scrupule à mettre en cause les diagnostiqueurs, même pour des motif futiles. Un agent immobilier m’a raconté qu’un ODI avait été ennuyé par un acheteur qui voulait » le parquet massif » qui figurait sur le descriptif de son rapport amiante. Le confrère avait mis massif au lieu de stratifié et l’acquéreur lui réclamait plus de 5800€, prix du devis qu’il avait fait faire. »
D’autres évoquent « les taux de sinistralité élevés des grosses franchises et réseaux » qui impactent le tarif des primes d’assurances. Un fait que nous avons pu mesurer dans notre sondage.
Sinistralité sur 3 ans par profil
Profil |
1 sinistre |
2 sinistres |
3 sinistres et plus |
TOTAL |
Franchisés ou
membres d’un réseau |
20% |
10% |
10% |
40% |
Non
franchisés / membres d’un réseau |
19% |
7% |
2% |
28% |
Profil type de notre
sondage : Diagnostiqueur solo non franchisé / membre d’un réseau |
19% |
5% |
0% |
24% |
L’amiante toujours en tête des sinistres
Les missions amiante restent les plus exposées à la sinistralité. 46% des sinistres déclarés par les sondés ont concerné ce domaine (contre environ 40% en novembre 2017). On retrouve ensuite les diagnostics termites et états parasitaires (35% contre 28% en novembre 2017) et les mesurages (17% contre 8% en novembre 2017). Ces trois domaines sont en hausse. La multiplication des missions amiante qui peuvent créer des confusions sur le périmètre du repérage, le risque mérule en expansion ou encore la relativement récente loi Boutin peuvent probablement expliquer une partie de cette tendance. Il s’agit également de domaines pour lesquels des erreurs de diagnostic (réelles ou non) ont un fort impact financier pour les propriétaires.
La moitié des sinistres déclarés par nos sondés (51%) ont cependant été réglés à l’amiable pour un montant moyen de 12 000 €.
La majorité de ceux qui ont dû passer par la case tribunal n’ont finalement pas été condamnés (64%) si l’on exclut les procédures en cours.
Le DPE : une source d’inquiétude pour l’avenir
Si la sinistralité du DPE n’a pas changé depuis novembre 2017 avec 13% des sinistres déclarés par les sondés, ces derniers craignent d’être plus souvent mis en cause à l’avenir sur ce diagnostic. Certes, selon les sondés, l’amiante demeure le domaine le plus exposé (81%), mais le DPE arrive en seconde position avec 73%. Avec respectivement 48% et 37%, les termites/états parasitaires et les mesurages complètent ce classement.
Loin d’être le plus sinistré à l’heure actuelle, le DPE suscite donc une inquiétude croissante avec l’entrée en vigueur de son opposabilité, les couacs d’une réforme mal négociée et un impact grandissant pour les propriétaires et les bailleurs. De façon plus générale, 86% des sondés jugent leurs activités de plus en plus exposées à la sinistralité.
Paradoxalement, 73% des sondés s’estiment néanmoins bien couverts alors qu’ils n’étaient que 63% en novembre 2017.
Autant de problématiques qui seront abordées au cours de notre webinaire le jeudi 27 janvier 2022 à 9h30. Inscription ci-dessous.
Mathias Lovaglio
Panel des sondés
Sondage réalisé du 18 au 21 janvier 2022 auprès de 238 chefs d’entreprise de diagnostic immobilier, dont 75% de diagnostiqueur « solo ».