RAT : LE RECOURS D'AC ENVIRONNEMENT « TIRE LE MARCHÉ VERS LE BAS » Technique

Publié le par Alain

Les diagnostiqueurs, dans leur majorité, jugent l’initiative juridique du groupe AC Environnement opportuniste et plébiscitent la mention pour valoriser leurs compétences.
 

403 professionnels ont répondu, du 6 au 13 septembre, au sondage de DiagActu destiné à recueillir leur avis sur la confusion juridique actuelle autour de l’arrêté du 16 juillet 2019, tout en nous transmettant plusieurs centaines de commentaires. Nous les en remercions vivement.

 

56% des répondants sont titulaires de la certification amiante avec mention. Et parmi les autres (44% donc), 45% envisagent de passer la mention à l’occasion du renouvellement de leur certification. Ce sont ainsi plus de trois certifiés sur quatre qui pourraient, à terme, détenir la mention amiante. Des chiffres certes supérieurs à ceux de l’ensemble de la profession mais dont l’Andeva, qui préconise d’étendre le niveau de formation et d’expérience de la certification avec mention à l’ensemble des opérateurs, pourra se réjouir.


Les diagnostiqueurs interrogés plébiscitent donc la mention. Ils sont d’ailleurs 65% à estimer que l’obligation de certification amiante avec mention pour réaliser le RAT est légitime. Comme cette diagnostiqueuse strasbourgeoise pour qui « la portée du RAT sur la mention était attendue et parait globalement justifiée ». « Dans certains cas, explique-t-elle, un avant-travaux peut s’avérer plus complexe et technique qu’un avant démolition (périmètre des travaux à définir, soudage et prélèvements en site occupé et/ou ne pouvant pas être trop destructifs …). Cela dit la mention obligatoire pour de touts petits travaux me semble injustifiée, mais comment fixer une limite ? », se demande-t-elle.


« L’arrêté compétence amiante ne fait pas état du repérage avant travaux, rappelle justement un professionnel basé à Saint-Etienne. La certification avec ou sans mention ne valide donc pas les compétences pour cette prestation. Par contre, elle garantit un niveau technique et des pré-requis permettant (après une formation adaptée) de justifier de compétences adaptées. »

 

« Le marché va devenir encore plus tendu et défendre un prix de prestation sera à nouveau très compliqué »

 

Pour beaucoup, l’intérêt premier de la mention est d’exclure les mauvais professionnels de ce type de missions complexes. Or la suspension provisoire de ce prérequis ordonnée par le Conseil d’Etat inquiète.
C’est le cas de ce diagnostiqueur exerçant à Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines, pour qui l’ « abandon » de la mention amiante « risque de laisser intervenir des opérateurs de diagnostic sans expérience et sans compétence, et donc au détriment de la qualité ». L’un de ses confrères toulousain surenchérit : « Nous avons besoin d’une réglementation stricte et l’amiante avec mention est un bon moyen d’enlever les diagnostiqueurs qui font ce diagnostic à la légère (car il y en a encore malheureusement et sans SS4 aussi). »


« C’est pathétique cette situation, se désole un diagnostiqueur basé à Ceffonds, dans la Haute-Marne. La mention permettait de vérifier et de garantir un niveau de compétence et une expérience durement acquise qui me semblait indispensable pour le RAT. Le marché va devenir encore plus tendu et défendre un prix de prestation sera à nouveau très compliqué ». « Je n’espère plus dans la structuration de notre profession », conclut-il, fataliste.


Un professionnel qui exerce à Flers, dans l’Orne, s’insurge. « Il est tout à fait scandaleux qu’un intervenant arrive à faire annuler un arrêté au motif qu’il n’a pas le personnel compétent. Je pense que la profession doit se mobiliser pour faire annuler la décision du juge. »

 

« Le recours d’AC Environnement tire le marché vers le bas, c’est au final une prime à l’incompétence »

 

Car tous les regards se portent sur AC Environnement, auteur du recours à l’origine de la situation actuelle. 55% des diagnostiqueurs interrogés n’approuvent pas l’initiative juridique d’AC Environnement, alors que 43% disent au contraire la soutenir.


Une défiance que résume ce diagnostiqueur basé à Wissous (91) en une formule : « Ok pour la mention et honte à AC environnement ».


Pour l’un de ses confrères lavallois, le recours d’AC Environnement « tire le marché vers le bas, c’est au final une prime à l’incompétence ». Tandis qu’un autre professionnel basé à Fransart (Somme) s’interroge : « sur un recours, comment une seule entreprise peut mettre à terre le travail de plusieurs professionnels ? Pense-t-on aux entreprises qui ont investi dans leur personnel au vu de l’amiante mention ? ». Il espère donc un « retour rapide » de la mention pour l’avant-travaux.


Ce diagnostiqueur installé à Vallon-en-Sully (Allier) se dit lui « désolé que les réclamations d’une entreprise qui n’a pas su anticiper quant à la formation de ses salariés pénalise les professionnels certifiés amiante mention par un chantage à l’emploi ».

 

« Nous, petites structures, devons nous battre pour nous démarquer et garder notre clientèle de proximité »

 

Car les arguments avancés par AC Environnement devant le juge des référés du Conseil d’Etat ne passent pas auprès de leurs confrères. 71 % des diagnostiqueurs interrogés par DiagActu déclarent ne pas avoir rencontré de difficultés en raison de l’application immédiate de l’arrêté RAT du 16 juillet 2019. Ils étaient prêts, nous disent-ils, confirmant ainsi la position de la FIDI.

 

En outre, la volonté exprimée d’AC Environnement, via son recours, de défendre les intérêts des petites structures ne convainc pas davantage. « Contrairement à ce qu’écrit AC Environnement dans l’article de DiagActu, cela ne porte pas préjudice aux petites entreprises, relève une diagnostiqueuse d’Aiguillon (Lot-et-Garonne). Cette mention est plutôt un gage de professionnalisme. On prouve à nos clients qui souhaitent travailler avec ‘le local’ qu’ils peuvent trouver de petites entreprise compétentes et qualifiées… sans passer par de gros cabinets de diagnostics tels que AC Environnement aux autres. Nous, petites structures, devons nous battre pour nous démarquer et garder notre clientèle de proximité ».


Cela étant, c’est la confusion qui prédomine. Avec la préoccupation plusieurs exprimée des répercussions sur l’image de la profession notamment auprès des donneurs d’ordre. Cette initiative du n°1 du diagnostic immobilier « donne l’impression qu’on veut toujours favoriser le facile et que les exigences de compétences nous gênent. Pas bon du tout », estime notamment une personnalité justement en charge de la défense des intérêts des diagnostiqueurs.


Même inquiétude pour ce dirigeant d’une importante entreprise basée dans la région lyonnaise qui considère que « la confusion juridique actuellement créée va une nouvelle fois donner une mauvaise image de notre profession. Il est dommage que notre métier qui a besoin de se professionnaliser soit ouvert au tout venant ».


« Cette mention ne sert qu’à enrichir les organismes de formation »


Au final, personne n’exprime un soutien explicite à la démarche d’AC Environnement, même si beaucoup (43% tout de même des diagnostiqueurs interrogés par DiagActu) se félicitent de la suspension de la mention, une aubaine par exemple pour ce diagnostiqueur de Montreuil (93) qui ne fait « que quelques diagnostics amiante avant-travaux par an ». « Cette nouvelle exigence de ‘Certifié avec Mention’ m’aurait obligé d’arrêter de faire ces diagnostics, en effet, les montées en compétences demandées s’avèrent beaucoup trop coûteuses en temps et en argent », écrit-il.


Le recours ayant conduit à la suspension des articles 4 et 13 de l’arrêté RAT satisfait ainsi de nombreux diagnostiqueurs qui dénoncent une réglementation trop lourde et inutile. « Ce nouveau repérage RAT est identique à un diagnostic amiante avant-vente, estime un diagnostiqueur exerçant à Ensuès-la-Redonne (13). Aucune raison de posséder une mention, sauf la formation ss4 ». Un professionnel de Maubeuge estime que «  celui qui avait la certification amiante et était capable de faire de l’avant-travaux ou avant démolition, doit pouvoir faire du RAT, la mention n’y ajoute rien ».


Selon certains, comme ce professionnel basé à La Chapelle-sur-Erdre (44), cette mention « ne sert qu’à enrichir les organismes de formation ». « Tout diagnostiqueur certifié amiante devrait connaitre les risques et les obligations liés à son travail. A quoi sert la certification initiale ? », s’interroge-t-il.

 

« Il faut arrêter d’ajouter des certifications aux certifications et plutôt privilégier la qualité de la formation et les contrôles »

 

Car c’est une nouvelle fois le procès de la certification qui est fait à l’occasion de notre consultation. « Il faut arrêter d’ajouter des certifications aux certifications et plutôt privilégier la qualité de la formation et les contrôles », écrit par exemple un diagnostiqueur marseillais, tandis qu’un de ses confrères du Calvados exprime son « ras le bol » des certifications « qui ne démontrent qu’une compétence à ‘savoir-apprendre’, et non pas à ‘savoir-faire’, qui s’empilent pour générer de l’argent aux centres de formation et de certification, qui font perdre du temps et de l’argent ».


Quant à ce professionnel parisien, il considère qu’ « il serait temps que toutes les certifications soient remises sur la table. Il n’y a aucune raison de repasser obligatoirement des certifications quinquennales. Il est impératif d’avoir un suivi annuel ou biannuel et que le contrôle des rapports se fasse de façon beaucoup plus systématique et contraignante. Je ne comprends pas ces nouvelles certifications avec mention, qu’est-ce qui a changé ? L’amiante a muté ? Elle se transforme avec le temps ? Idem pour le DPE. Ce ne sont que des histoires d’argent ».

 

Faute d’une réforme de fond, l’efficience du dispositif de certification et ses limites n’ont pas fini de diviser la profession.

 

Les diagnostiqueurs adoptent l’arrêté RAT

Bon gré mal gré, les diagnostiqueurs appliquent le repérage avant-travaux selon l’arrêté du 16 juillet 2019 sans vraiment de difficulté, à l’exception de la quantification des déchets. Résultats de notre sondage.
 

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