LES 16 PROPOSITIONS DE LIONEL CAUSSE POUR RÉFORMER LA PROFESSION Profession

Publié le par Mathias LOVAGLIO

Le député Lionel Causse a remis son rapport sur la profession de diagnostiqueur immobilier en France, fruit d’un travail d’écoute approfondi de l’ensemble des acteurs de la filière. Ce document, très attendu, dresse un état des lieux des défis et tensions actuels, tout en esquissant une feuille de route progressive et ambitieuse. Il propose une transformation en deux phases, visant à renforcer la qualité, la crédibilité et la reconnaissance d’une profession au cœur des enjeux du logement, de la transition énergétique et de la protection des consommateurs.

Lionel Causse, député des Landes et ancien président du Conseil national de l’habitat, vient de publier son Rapport sur la profession de diagnostiqueur immobilier en France, suite à une large consultation des acteurs de la filière. Après une analyse de la situation, des défis et des consultations, le rapport propose une feuille de route progressive en deux phases pour faire évoluer la filière avec une réorganisation pilotée par l’État et la mise en place d’une gouvernance transitoire, avant la création d’un ordre professionnel.

État des lieux de la profession

Le rapport présente d’abord quelques éléments contextuels de la filière et du métier qui permettent de dresser un état des lieux de la profession et des problématiques auxquelles elle est confrontée.

Selon le rapport, on compte 11 500 diagnostiqueurs certifiés au sein de 8 600 entreprises, générant un marché de 1,5 milliard d’euros. Le secteur est majoritairement composé d’entreprises indépendantes (85%), dont 70% n’emploient aucun salarié. La création d’entreprises reste dynamique en 2023 (+267 net). Il relève que la profession est confrontée à des défis économiques et concurrentiels majeurs, notamment en raison du ralentissement du marché immobilier. 73% des diagnostiqueurs ont vu leur chiffre d’affaires chuter en 2023-2024, suite à la baisse des transactions immobilières (-36% en trois ans).

Lionel Causse rappelle que des problèmes de qualité et de fiabilité ont été identifiés, notamment pour le DPE où l’absence de standardisation des méthodes conduit à des résultats variables pour un même bien. Il évoque aussi les fraudes et dérives massives qui ont fait l’objet de différentes enquêtes largement relayées dans les médias : DPE de complaisance, faux DPE, et défaillances du système de formation.

Le député constate également que les diagnostiqueurs sont confrontés à des problèmes récurrents d’impayés (15 à 20% des factures avec plus de 30 jours de retard), aggravés par la crise immobilière. Ces délais de paiement peuvent atteindre 90 jours. Par ailleurs, les appels d’offres des gros bailleurs et organismes publics posent un problème de dumping tarifaire, avec des prix 30 à 50% inférieurs au marché libre. Cela entraîne une baisse de la qualité des diagnostics, la sous-traitance à des profils moins expérimentés, et la précarisation des diagnostiqueurs.

Le rapport révèle enfin de fortes disparités régionales dans les prix du DPE, liées à la densité des diagnostiqueurs, mais aussi aux frais de déplacement dans les départements ruraux qui augmentent significativement le coût, créant une inégalité d’accès aux services.

Propositions pour améliorer le système de paiement

Pour sécuriser les paiements, Lionel Causse propose la généralisation du paiement par les notaires selon deux modalités :

  • Modalité notariale : Le notaire avance les frais et les déduit du prix de vente.
  • Modalité séquestre : La création d’un compte séquestre géré par le notaire dès le compromis de vente permettrait de sécuriser le paiement et de réduire les délais (de 60 à 15 jours max) et les coûts de recouvrement.

En revanche, l’hypothèse d’un paiement direct par les agences immobilières est jugée juridiquement problématique (don, indépendance, conflit d’intérêts), mais le rapport évoque une solution alternative : la réduction des honoraires de l’agence d’un montant équivalent aux diagnostics, pratique parfaitement légale depuis 2022.

Encadrer les dérives tarifaires dans les appels d’offres

Face au dumping tarifaire, plusieurs mesures sont proposées :

  • Instauration de prix planchers réglementaires par type de diagnostic, basés sur les coûts réels, les charges obligatoires et une marge minimale de 20% ;
  • Critères de qualité obligatoires représentant à minima 60% de la note dans les appels d’offres publics ;
  • Sanctions administratives (suspension/retrait de certification) contre les diagnostiqueurs pratiquant des prix anormalement bas ;
  • Contrôles qualité renforcés et systématiques sur les diagnostics issus d’appels d’offres ;
  • Structuration ciblée des marchés par division géographique.

Mise en place du DPE européen et impact sur le DPE français

Le rapport rappelle que la France, critiquée en 2023 pour son manque d’ambition, doit adapter son DPE à la Directive européenne sur la Performance Énergétique des Bâtiments (DPEB) révisée en mai 2024 (Directive 2024/1275) en intégrant la qualité de l’environnement intérieur et le potentiel de réchauffement planétaire, et en tenant compte des atouts bioclimatiques du bâti ancien. Il évoque aussi une réforme de la prise en compte des énergies afin de rééquilibrer le coefficient attribué à l’électricité par rapport au gaz ou au fioul, pour moins pénaliser les logements chauffés à l’électricité, réforme d’ores et déjà engagée avec l’abaissement du coefficient de conversion de l’électricité.

Enjeux et perspectives du numérique et de l’intelligence artificielle

Le rapport de Lionel Causse souligne la transformation numérique en cours et le rôle croissant de l’Intelligence Artificielle (IA) dans le métier du diagnostic immobilier. Loin d’être de simples outils annexes, ces technologies sont identifiées comme des leviers essentiels pour améliorer la qualité, la fiabilité et la traçabilité des diagnostics.

Selon le rapport, les diagnostiqueurs utilisent déjà une panoplie d’outils numériques : applications mobiles pour la collecte de données sur site, logiciels spécialisés pour la réalisation des rapports et les calculs complexes (notamment pour le DPE), et plateformes sécurisées pour la transmission et l’archivage des diagnostics.

Lionel Causse identifie plusieurs enjeux liés à l’intégration de ces technologies :

  • Amélioration de la précision et de la fiabilité des diagnostics : L’IA peut renforcer la pertinence des analyses, identifier plus rapidement les anomalies et réduire les erreurs humaines potentielles ;
  • Automatisation des contrôles qualité et détection proactive des fraudes : Des algorithmes avancés peuvent détecter les incohérences, les tentatives de falsification ou les comportements anormaux, contribuant ainsi à fiabiliser l’ensemble de la chaîne du diagnostic ;
  • Gestion sécurisée et traçabilité numérique des diagnostics : L’utilisation de plateformes digitales sécurisées est jugée indispensable pour une gestion rigoureuse des données, qu’elles soient personnelles ou professionnelles.

Pour accompagner et accélérer cette transformation, le rapport insiste sur la nécessité de former les diagnostiqueurs à ces nouveaux outils et formule plusieurs pistes d’évolution:

  • Le développement de plateformes numériques intégrées multi-acteurs ;
  • Le renforcement des capacités de l’IA et exploitation du Big Data ;
  • La lutte renforcée contre la fraude via la blockchain.

Restructuration de la profession en deux phases : de la réorganisation étatique à l’ordre professionnel

Le rapport préconise une approche progressive pour réformer la profession afin de minimiser les résistances, de valider empiriquement les réformes et de préparer les acteurs.

La première phase, d’une durée de 2 à 3 ans, consisterait réorganiser la filière sous la conduite de l’État afin d’assainir et de structurer la profession. Elle doit permettre de :

  • Fiabiliser le système de formation, mieux séparer la formation et la certification, et éliminer les organismes défaillants ;
  • Instaurer un cadre déontologique commun à tous les diagnostiqueurs par la mise en place d’une charte déontologique nationale ;
  • Renforcer les contrôles et l’efficacité des sanctions ;
  • Créer une formation universitaire de niveau supérieur (BTS ou des licences/masters spécialisés) à la suite de la mission confiée à Henry Buzy-Cazaux ;
  • Harmoniser les pratiques et les outils (logiciels, méthodologie normalisée, etc.).

Pour conduire cette première vague de réforme, le rapport suggère une nouvelle gouvernance de transition reposant sur :

  • Un comité de pilotage interministériel associant les ministères du Logement, de la Transition écologique, de l’Enseignement supérieur et de l’Économie pour coordonner la réforme ;
  • Des instances consultatives renforcées avec la mise en place d’un conseil consultatif associant diagnostiqueurs, certificateurs, formateurs et représentants des consommateurs.

Si cette première phase s’avère concluante, Lionel Causse suggère l’ouverture d’une seconde étape visant à la création d’un ordre professionnel à l’horizon 2030. Il aurait pour missions la définition des règles déontologiques, l’inscription au tableau, la gestion disciplinaire, la formation continue, et la représentation de la profession. Le financement se ferait par cotisations annuelles.

Conclusion et recommandations finales

Le rapport conclut sur l’urgence d’une réforme structurelle autour de six axes prioritaires : fiabilisation immédiate de la formation et certification, lutte contre la fraude massive, sécurisation des paiements, lutte contre le dumping tarifaire, renforcement de la reconnaissance du métier, et accélération de la transition numérique.

L’approche progressive en deux phases est présentée comme la meilleure voie pour restructurer durablement la profession, assainir le secteur et créer les conditions d’un ordre professionnel. Les missions confiées à Henry Buzy-Cazaux (formations universitaires) et au député Daniel Labaronne (ordre professionnel) s’inscrivent d’ailleurs pleinement dans cette logique.

Les 16 points structurants pour la réforme de la profession

  • Indépendance et impartialité renforcées.
  • Certification obligatoire et surveillance renforcée.
  • Formation initiale et continue révolutionnée (BTS, licences, masters, alternance, tutorat).
  • Charte déontologique nationale obligatoire.
  • Séparation stricte formation/certification.
  • Transparence sur les prix et les prestations.
  • Responsabilité élargie des diagnostiqueurs.
  • Paiement sécurisé via notaires (séquestre, avance des frais).
  • Encadrement des appels d’offres publics (prix planchers, critères qualité).
  • Harmonisation européenne complète (transposition directive 2024/1275, nouvelles classes A0/A+).
  • Base nationale de traçabilité et transparence (QR codes, blockchain).
  • Lutte renforcée contre la fraude (sanctions, IA).
  • Amélioration de la qualité des logiciels DPE.
  • Renforcement de la communication publique sur le DPE.
  • Transparence sur l’identité des diagnostiqueurs (mentions obligatoires, lien annuaire officiel).
  • Traçabilité des DPE (transmission via numéro d’enregistrement officiel).

 

Rapport Diagnostiqueur Immobilier Lionel Causse

Vous avez une information à nous transmettre, un témoignage à nous relayer, ou une idée d’article ?
Contactez la rédaction de Diagactu !

Cet article vous a plu ? Partagez-le !

7 commentaires

  • Sophie AAd a écrit

    Sérieusement ?
    J’ai cette impression bizarre que les 50% que l’état me laisse royalement vont partir directement dans la poche des OC et des OF.

  • Eric KRANICH a écrit

    Chaque semaine, il y a une nouvelle règle ou une nouvelle idée qui sort de nulle part.

    Mes certifications s’arrêtent en 2030, et honnêtement, je me demande si ça vaut vraiment le coup de continuer . ( j’ai encore payer 1400€ de contrôle cette année. )

    Sérieusement, pourquoi ne pas aller contrôler les plombiers, installateurs de clim, maçons ou des constructeurs, etc.. ?

    Mais non, on dirait que c’est toujours sur les mêmes qu’on met la pression.
    Ça commence à devenir lourd, toutes ces couches qu’ils rajoutent à chaque fois.

    Quand il y aura plus aucun diagnostiqueur, car tout le monde aura abandonné, vu qu’il y a déjà plus personne en formation !

    Que va faire l’État?
    Ils vont nous subventionner pour qu’on puisse se réinstaller ?

    Franchement, un peu de bon sens ne ferait pas de mal.

    Que nos chers Députés s’occupent un peu des autres professions et stabilisent notre profession.

  • Eric KRANICH a écrit

     » Lutte renforcée contre la fraude (sanctions, IA). »

    Qu’il y ait plutôt de l’ia dans nos logiciels pour nous éviter des erreurs plutôt que de nous punir après !

    Alors qu’aujourd’hui dans les logiciels il est possible de mettre une fenêtre « nord » sur un mur « sud » ! C’est aberrant mais c’est possible !

  • Hervé LEFEBVRE a écrit

    un rapport de plus!!! pour raconter ce que l’on dit depuis longtemps. Un coup c’est les ministres(puisqu’on en change régulièrement) ensuite les députées.
    Et dans 6 mois, on aura un nouveau rapport identique. au lieu de payer toutes ces personnes qui actuellement ne servent à rien, que l’argent servent à payer tous nos contrôles.
    Un DPE européen!!! mais ou va t on? à quoi ca sert? c’est déjà assez compliqué à mettre en œuvre chez nous.
    encore un bureaucrate qui a eu une idée lumineuse!
    Il y a qu’à voir ce que l’Europe a fait à l’agriculture française. alors pour quoi pas faire la même chose aux diagnostiqueurs Français avec de nouvelles normes à 2 balles.
    Personnellement, il me reste 1 an de certif et je jette l’éponge, ras le bol

  • Jean-Francois SOMNY a écrit

    « Ah, encore une brillante idée sortie tout droit du Ministère de l’Épuisement Professionnel. »
    On commence à s’y habituer : une nouvelle règle par semaine, des contrôles à prix d’or, et toujours plus de normes incompréhensibles. C’est presque devenu un jeu : « Quelle nouvelle surprise allons-nous découvrir ce mois-ci ? »
    J’ai encore payé cette année pour prouver que je fais bien mon boulot, à croire que le vrai business, c’est le contrôle du contrôle.
    Et pendant ce temps-là, oui les plombiers, maçons, installateurs… tranquillou. L’injustice ? Non, voyons, c’est de la « spécialisation administrative ».
    Quant à l’intelligence artificielle, super idée ! Mais pas pour nous aider hein, non non. Plutôt pour nous coller des sanctions automatiques, hâte de recevoir une amende pour avoir mis une fenêtre au nord sur un mur sud. Merci les logiciels !
    Mais ne vous inquiétez pas, dans un an ou deux, on fera sûrement un nouveau rapport, et un comité, et une mission flash, et peut-être, soyons fous, une subvention pour nous rappeler à quel point on était utiles.
    Bref, continuons comme ça, on tient le bon bout pour tous déposer le bilan

  • ETIC a écrit

    Securiser les paiements !
    Depuis quand l’état se souci de notre capacité à être payé ?
    C’est notre problème d’activité à but lucratif, c’est à nous de bien gérer nos entreprises et de respecter le décret de 2010 anticommissionnement qui existe déjà mais n’est pas controlé. Il n’y a pas à se faire payer avec du délai sauf à vouloir se démarquer d’autres qui se sécurisent en ne transmettant pas leur rapport tant qu’ils ne sont pas payé.
    Et c’est justement ce problème de paiement qui engendre des irrégularités et des conflits d’intérêts, donc s’ils veulent améliorer l’indépendance des odi surtout face au AI, il faut justement faire le contraire !
    Imposer le paiement ”au cul du camion ” par le do lui-même et interdire tout AI d’être un do.
    Paiement par le notaire = paiement différé garanti voire augmentation des impayés ( ils ne se gênent pas d’utiliser des rapports dans leurs actes où il est bien indiqué que le rapport n’est pas payé même quand il n’est pas signé), les notaires ne valent pas mieux que les AI sur le plan moral aujourd’hui malheureusement.
    Je n’ai aucun impayés monsieur CAUSSE, entendez le, donc vos propositions j’en ai rien à foutre !
    Ce qui m’importe c’est l’absence d’indépendance de nombreux diagnostiqueurs qui cherchent à percer un marché saturé de diagnostiqueur (contrairement à ce quon veut faire croire) en se prostituant auprès des AI pour avoir du boulot.
    AI qui profitent de cette manne perpétuelle de nouveaux diagnostiqueurs en leur permettant de nuire à ceux dont l’expérience et l’ancienneté de leur certif les obligent à respecter cette indépendance et de bonnes pratiques.
    La volonté de reporter à 2030 la création d’un ordre est la parfaite démonstration d’une volonté de ne pas s’attaquer au problème de fond. Qu’en craignent ils?

  • Raphael GUERIN a écrit

    On ne cible pas les logements les plus carbonés.
    On cible ceux qui consomment le plus d’énergie primaire, même quand c’est de l’électricité décarbonée.
    Exemple concret :
    Une maison fioul très bien isolée = 40 kg CO₂/m²/an → classe E.
    Une maison tout-élec mal isolée = 10 kg CO₂/m²/an → aussi classe E.
    Résultat : aucune distinction dans la note, ni dans les aides.
    Et pendant ce temps, MaPrimeRénov’ subventionne à l’aveugle, sans prendre en compte l’impact réel sur les GES.
    Des milliards d’euros utilisés à contre-sens climatique.
    Mais bon… on est habitués à voir l’écologie pilotée par Excel et le lobby de l’isolant.

Laisser un commentaire

Ces articles pourraient vous intéresser...

RETOUR AUX ACTUALITÉS
EXIM

NOS OFFRES D'ABONNEMENT