POURQUOI LES DIAGNOSTIQUEURS BOUDENT L’AUDIT ÉNERGÉTIQUE RÉGLEMENTAIRE Profession

Les diagnostiqueurs et l'audit énergétique
Publié le par Mathias LOVAGLIO

Comme évoqué dans notre précédent article, il semblerait que moins d’un millier de diagnostiqueurs soient formés à l’audit énergétique. Un chiffre qui parait faible au regard du potentiel de missions à réaliser estimées autour de 12 000 par mois. Si dans notre dernier sondage, seulement 27% des répondants n’envisagent pas de se positionner sur l’audit énergétique réglementaire avant 2024, leurs avis nous permettent cependant de comprendre les raisons qui conduisent une partie de la profession à bouder cette prestation.

De la méfiance à la défiance…

« Face aux risques et aux problèmes RCP, même si je suis à l’aise avec la méthode et les chiffrages. je vais certainement renoncer à faire cette prestation », ce commentaire laissé par l’un des sondés n’est pas unique. Plusieurs diagnostiqueurs pourtant formés à l’audit ont en effet fait part de leur intention de ne pas se positionner, du moins pour le moment, sur l’audit énergétique réglementaire. Nous avons fait état, dans notre précédent article, des craintes des futurs auditeurs quant aux conséquences de cette mission totalement nouvelle pour eux.

Ceux qui ont fait le choix de rester, pour le moment, à l’écart de l’audit énergétique réglementaire avancent des raisons multiples.

La mauvaise expérience de la réforme du DPE invite à temporiser

53,5% des diagnostiqueurs qui ne se positionneront pas sur l’audit énergétique avant 2024 estiment que la mission n’est pas suffisamment encadrée (ils étaient près de 70% en mai dernier lors d’un précédent sondage). On peut comprendre l’hésitation de certains à s’engager dans une nouvelle mission dont on ignore encore quelles seront les conditions de qualification dans quelques mois et dont on peut envisager que les outils et la méthode pourraient connaitre des corrections rapides comme le DPE 2021. La prudence est donc de mise et certains adoptent une stratégie d’attente et d’observation.

Ainsi, avant de se décider ou non, ces diagnostiqueurs non positionnés sur l’audit sont 42% à préférer patienter pour voir comment vont se dérouler les premiers mois et 31% aimeraient en savoir davantage sur les conditions de qualification à l’issue de la période transitoire qui court jusqu’à la fin de l’année qualifiée de « farce » par l’un d’entre vous : « Que se passera-t-il après ? Les diagnostiqueurs se seront-ils formés pour rien ? Qui va encore essuyer les plâtres ? Les diagnostiqueurs ont bon dos… »

Ils sont aussi un quart environ à attendre la stabilisation des outils pour faire l’audit et/ou la stabilisation du DPE. « Avant de lancer l’audit, il serait bien de fiabiliser les DPE ! C’est bien de vouloir aller vite, mais il faudrait qu’un minimum de choses soient prêtes et opérationnelles… Le gouvernement prend des mesures sans même s’assurer de leur faisabilité. C’est de l’inconscience dont l’ensemble du secteur de l’immobilier va pâtir », prédit ainsi l’un d’entre vous. Quant à la mission en elle-même, plusieurs sondés évoquent « une usine à gaz ».

Une mission trop risquée

51% des diagnostiqueurs déclarant qu’ils ne proposeront pas l’audit énergétique réglementaire avant 2024 jugent que cette mission est trop risquée. C’est notamment la question du chiffrage des travaux qui semblent constituer le cœur des inquiétudes : « le chiffrage me parait extrêmement risqué, personne ne demande au contrôle technique voiture de chiffrer les réparations ! », remarque ainsi l’un d’entre vous.

Du côté des diagnostiqueurs formés, ils sont 42% à craindre pour leur responsabilité professionnelle. Des tendances pas si éloignées qui traduisent qu’une partie de la profession partage un même constat, mais avec plusieurs façons de l’appréhender.

« Ce n’est pas notre métier ! »

Une petite minorité s’estime incompétente pour réaliser l’audit énergétique réglementaire à l’image de ce commentaire : « Chacun son métier tout simplement. J’exerce depuis 20 ans, je suis titulaire d’un BTS bâtiment, d’une licence en génie civil, j’ai d’abord exercé dans la maîtrise d’œuvre. J’estime avoir des connaissances suffisantes en bâtiment. Et pourtant aujourd’hui ce n’est pas notre métier. Les erreurs vont se multiplier et encore nuire à notre image. Je ne veux pas être associé à ça ».

La crainte d’une nouvelle stigmatisation de la profession est en effet bien présente parmi les diagnostiqueurs. « L’État envoie les diagnostiqueurs au casse-pipe avec cette mission ! », affirme ainsi l’un d’entre vous. Plus ironique, un autre sondé voit dans l’audit énergétique une « superbe innovation de bureaucrates pour une nouvelle fois montrer du doigt le travail des diagnostiqueurs… sans bien entendu oublier les superbes formations auxquelles ils ont accès ! ».

Un manque de potentiel ou de temps

Parmi les diagnostiqueurs qui ont fait le choix de rester à l’écart de l’audit énergétique, 20% ont déclaré ne pas être intéressés par la mission et 10% estiment que le potentiel d’activité sur leur secteur est limité. 20% craignent également de ne pas pouvoir pratiquer un tarif suffisant. Enfin, 11% invoquent un manque de temps pour se former. En revanche, alors que l’on pouvait s’inquiéter de l’attitude des assureurs, un peu moins de 5% seulement se seraient trouvés confrontés à un refus de leur assurance à couvrir cette mission ou à une prime additionnelle excessive.

L’audit : une mauvaise solution ?

Si la question de l’indépendance et de l’impartialité est de nouveau posée dans certains commentaires, question déjà évoquée dans un précédent article, plusieurs diagnostiqueurs s’interrogent aussi sur le fait de faire porter l’obligation sur le vendeur : « c’est à mon sens une mauvaise solution, il aurait mieux valu faire cet audit sur un projet concret qui concerne l’acheteur », « cet audit n’aura pas beaucoup de valeur ajoutée, nous travaillons pour le vendeur… Quant à ce pauvre acquéreur, il sera vraisemblablement obligé d’en refaire un qui prend en compte son projet de rénovation, pas celui qu’on aura imaginé ».

Une appréciation développée dans le commentaire suivant qui voit même plus loin en regrettant l’absence de prise en compte de l’impact environnemental des travaux comme c’est désormais le cas dans la construction (RE2020) : « Les préconisations de travaux sont déjà présentes sur le DPE, le calcul des aides se fait en fonction des revenus des acquéreurs inconnus au moment de la réalisation des diagnostics. Quelle sera leur enveloppe budgétaire pour les travaux, quels sont leurs goûts architecturaux, quels travaux seront effectués, quelles obligations et/ou impossibilités locales. Beaucoup trop d’inconnues. Le diagnostiqueur n’est pas une entreprise générale de bâtiment et ne peut donc effectuer un chiffrage global qui plus est avec une forte volatilité des coûts des matériaux. Donc cela ne sert strictement à rien si ce n’est à faire culpabiliser les futurs acquéreurs sur la pseudo-précarité énergétique de leur bien. A-t-on pensé à indiquer la consommation de CO² pour la fabrication des matériaux, la réalisation des travaux induits ? Le retour sur investissement ? etc. Et sans parler de l’opposabilité avec encore et encore des articles dans la presse et beaucoup d’actions en perspective devant les tribunaux. Ah si, point positif, cela va clairement engendrer du chiffre d’affaires, mais sinon ? ».

Pour conclure, nous nous associons à ce diagnostiqueur qui souhaite « bon courage aux confrères qui se lancent dans l’aventure ! »

Sondage réalisé par Diagactu du 7 au 14 mars 2023 sur un panel de 486 répondants

RVDI 2023 : une table ronde consacrée au futur audit énergétique aura lieu à 14h30 lors des Rendez-vous du Diagnostic immobilier, jeudi 30 mars à Paris.

Cet article vous a plu ? Partagez-le !

Laisser un commentaire

EXIM

NOS OFFRES D'ABONNEMENT